"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

mercredi 31 décembre 2008

Emmanuel de survie


"Que votre lumière luise ainsi

devant les hommes,

afin qu'ils voient vos bonnes œuvres."

(Matthieu, V,16)

Notre bon archevêque, Monseigneur Cinquante-et-un, m’assure que Sa Sainteté a été très touchée par ma signature au bas de la tribune de La Croix intitulée "Noël dans la crise, un rendez-vous pour l’espérance". Si je l’en crois, le Saint-Père a foi en moi, qui suit mon combat exemplaire et désintéressé pour le développement durable, dont il dit s’inspirer profondément lui-même dans la conduite de l’Eglise. Il a même confessé à notre cardinal - j’en suis profondément ému - avoir été éclairé par ma bienveillance envers Saint-Eloi pour réintégrer la foi des intégristes en son royaume. L’évêque de Rome aurait ainsi promis une visite prochaine à notre capitale européenne du christianisme, tant il est convaincu de voir la main de Dieu derrière mes conversions en chaîne.

Je sais que Benoît XVI défend aussi, à mon instar, "la sobriété dans l’usage des biens matériels", ne faisant pas au demeurant un péché de leur convoitise ou de leur possession, sobriété n'étant pas abstinence. Robe blanche ou costume gris, nous sortons au fond lui et moi du même moule. N'est-il pas du reste, à sa manière propre, une sorte d’énarque de la foi, docte et tranchant, formé à l’administration religieuse comme d’autres à l’administration civile ? L’Eglise et notre cité sont fermement dirigées par un haut fonctionnaire d'exception : qui peut vraiment s’en plaindre ? Soyons francs : eussé-je choisi la religion au lieu de la politique, je serais pape à cette heure depuis longtemps, et ne continuerais pas de courir après une présidence séculière !

"Noël dans la crise, un rendez-vous pour l’espérance"… Les exégètes de la politique ne sont décidément plus ce qu’ils étaient : il ne s’est pas trouvé un journaliste dans le monde pour comprendre le sens de ma signature sous ce titre pourtant bien peu énigmatique ! C’est à désespérer. Même le nain de Rio n’a rien compris, qui s’est juste fendu d’un texto à l'humour obscur entre deux sambas : "Le génie du crise-tianisme ?" No comment. Aucun jappement non plus de ma pie voleuse sur le sujet, pour stigmatiser le cinéma de mon crédo en invoquant saint Siméon. Rien.

Mais quelle espérance, bon Dieu ! De quelle espérance croient-ils donc que je parle ? Personne pour imaginer qu’elle fût la mienne, tout simplement, que la crise providentielle dans quoi s’enfonce la France me redonne espoir pour 2012 ! Me croit-on à ce point mort, enterré, incapable de résurrection ? La charité pour s’épanouir a besoin de misère. Noël ! Noël ! Je serai le Sauveur de la France ! La lumière victorieuse du solstice sur son noir hiver politique ! Dors en paix, ô sœur bienaimée qui nous a quittés, je serai frère Emmanuel pour les Français ! Au vénal Hun vaincu succédera Alain en douze !

En moi ils mettront leur confiance,
Ô Dieu très saint ;
Moi seul suis leur espérance
et leur soutien ;
C’est pourquoi je ne crains rien,
C’est pourquoi je ne crains rien,
j’ai foi en moi,
Ô Dieu très saint.

Je ne remercierai jamais assez Nisa, qui m’a offert à l’automne une version digitale du Nouveau Testament, reçue gracieusement en service de presse. Pianotant discrètement sur mon clavier d’ordinateur pendant une longue homélie du petit Matthieu revêche en conseil municipal, suis tombé sur cette maxime de son homonyme évangéliste (V, 10) : "Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume délicieux est à eux !" Mon nouveau testament était là, mais je ne savais pas lire. Aveuglé par la colère, je ne voyais pas, et maudissais mes juges quand j’aurais dû louer Dieu ! Aimant et miséricordieux, Il m’envoie un nouveau signe ce matin : soixante-quatre mille chômeurs de plus en novembre ! Alléluia ! Sanctus Dei ! Hosanna ! Felice Anno Nuovo a me !

mercredi 24 décembre 2008

Fables de Noël


Grande émotion à recevoir hier à déjeuner, dans les salons de l’hôtel de ville, les deux cent cinquante administrés les plus démunis de notre cité, avec une quarantaine d’élus municipaux. Dans mon discours de bienvenue, pendant qu’ils se sustentaient sans manières, me suis réjoui du franc succès de ce rendez-vous annuel, qui les attire de plus en plus nombreux. Les ai chaleureusement remerciés de leur fidélité, en les assurant du plaisir que j’aurai à les retrouver tous l’année prochaine, pour accueillir avec eux les nouveaux venus à notre traditionnel repas de Noël. Surpris une adjointe du Pavé avouant l'air pincé à sa voisine qu’elle se sentait décidément mieux la veille, au repas du conseil municipal. Municipal, "démunicipal", c’est le dé du sort qui fait la différence en roulant ; chacun de nous a heureusement le long casino de la vie pour se refaire.


Alors que les pauvres sortaient repus de ces gracieuses agapes pour retourner à leurs inoccupations, dame Fayaux a jugé bon de me glisser à l’oreille, tel un avertissement, ce mot de Hugo dans Les Misérables : "Ceux qui ont faim ont droit". Lui ai renvoyé dans les dents qu’ayant moi-même faim et soif de pouvoir, j’en donnais volontiers acte au camarade Victor. Cette femme faussement aimable me fait de plus en plus penser à la fille Delors, avec les amis de qui je la soupçonne d’affinités locales circonstancielles. Pour qui se prend-elle ? Prétend-elle abolir la misère ? La faim que je sache ne donne aucun droit, mais seulement un ardent devoir : le travail. Lui seul nourrit son homme et le reste n’est que balivernes. Je sais de quoi je parle, ayant tout de même exercé quelques responsabilités…


Soyons francs : cette adjointe à la sauce béarnaise n’est plus fiable. Je ne serais pas surpris de l’entendre me balancer un de ces jours que le Matthieu bavard et hargneux des socialistes parle d’évangile ! Allez, je gage que la dame patronnesse me reprochera bientôt avec lui de gaspiller l’argent de nos administrés à régaler somptuairement les indigents ! Grâce aux ressources de notre bel Agenda 21 de 2009, je prélèverai en douce pour ces deux là quelques carottes crues, sur la dotation de nos cantines scolaires, de sorte à les rendre l’un et l’autre un peu plus aimables.


Denise me fait remarquer que, pendant que nous œuvrions charitablement à nos pauvres, la première dame de France, telle une princesse Diana hexagonale, visitait courageusement les favelas de Rio de Janeiro, pour assister en connaisseuse à un défilé de mode de vêtements fabriqués par les habitantes des bidonvilles. Tenez, cela me donne l’idée de la convier, avec son prince Charles, à une course en sac du 14 juillet dans mes Landes ! Avouons qu’il y a tout de même là de quoi déboussoler les plus solides de nos démunis, transportés hier de leurs logements insalubres dans les ors de mon palais, cependant que l’épouse de notre Monac s'évadait de son hôtel de luxe pour aller s’éclater chez les pauvres des collines de Copacabana. Jamais content, l’animal humain veut tout et son contraire ; c’est bien ce qui permet au politique de ne pas s’embarrasser de scrupules.


Aucune nouvelle de ma pie, depuis qu’il me faut lui reconnaître du chien. Est-ce la trêve des confiseurs ou un problème avec son canidé ? Nisa m’a parlé l’autre jour d’une fable troublante, Le Chien et la pie, montée par un petit théâtre bruxellois*. L’argument en est simple : "Le Chien et la Pie sont deux voisins que tout semble séparer... Jusqu'à présent, ils avaient toujours cohabité sans trop de problèmes, mais aujourd'hui, tout va basculer. La Pie voleuse s'empare d'un objet sacré : l'os du Chien…" Triste spectacle. Cruelle impression d’avoir été déjà moi-même le chien d’un tel drame. Comment alerter la pauvre bête ?

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* Théâtre Maât, rue des Coteaux 341, 1030 Bruxelles, http://www.theatremaat.com/

jeudi 18 décembre 2008

La blessure primale


Dînant avec nous chez des amis communs, notre taquin cardinal me rappelait, hier soir, que le dimanche chômé n’existait pas dans l’Empire romain avant un édit de Constantin, premier empereur chrétien, en 321. Je lui fis remarquer que, eût-il été une évidence, il n’aurait sans doute pas fallu trois cents ans à ce repos des paresseux pour émerger. Et qu’il faudra beaucoup moins à Petit Goupillon Obstiné pour sabrer le repos dominical, nonobstant des milliers d’amendements de la gauche anticléricale ! "Aussi impénétrables ses voies fussent-elles, demandai-je au prélat occupé à sa religieuse au dessert, ne pensez-vous pas que, l'eût-il voulu, Dieu aurait bien trouvé quelque Bernadette par le truchement de qui transmettre son opposition au président séculier ?" A vrai dire, j’en connais moi-même une à Paris, au numéro 3 du quai Voltaire, assez bien branchée ma foi sur la longueur d’ondes céleste. Elle m’assurait il y quelques jours encore, en me pinçant gentiment la joue, ne pas comprendre le pesant silence de Dieu face aux gesticulations du nain dominicalicide.

A propos du bien nommé, j’ignorais hier, en évoquant cette ex première dame, que j’entendrais ce matin la voix de son vieil ennemi Galouzeau sur France Inter. Plus causant que le Créateur, il n’y est pas allé de main morte, parlant carrément de lois inutiles, tant pour le remplacement de la publicité marchande par la réclame gouvernementale - ma plume rajeunie allait écrire "à l’ORTF" ! - que pour l'institution du labeur dominical. L’homme ne manque pas de souffle, qu’il a du reste forgé à mon cabinet au quai d’Orsay. Soyons francs : ce qu’il pense de Duracell me convient parfaitement, quand bien même nous risquons de nous affronter pour le déloger en 2012. Cependant, n’ayant jamais tenu de mandat électif et taquinant volontiers la muse, Galouzeau ne sent pas comme moi avec ses tripes le ras-le-bol dominical des Français ; le cap est bon mais il fait fausse route. Fidèles au message christique, nos administrés veulent faire croître et multiplier leurs espèces. Villepin doit comprendre que le dimanche n’est qu’un jour vide durant quoi les chômeurs se désespèrent à loisir de ne pas travailler le reste de la semaine ! C’est tout simplement insupportable. Ce jour sacré a besoin d'un peu de sueur, c'est-à-dire d'humanité ; est-ce si difficile à comprendre ?

Nimbé de littérature, comment Dominique ne sent-il pas que l’asticot du Faubourg Saint-Honoré est, à sa façon, un néo-stendhalien à la vie digne d’un Henry Brulard de série B ? "Je ne puis pas encore m’expliquer aujourd’hui, à cinquante-deux ans, fait dire Stendhal à son moi Henry, la disposition au malheur que me donne le dimanche." Notre petit quinquagénaire a un sérieux problème existentiel à régler avec le jour du Seigneur, cela crève les yeux. On sent, dans son obstination violente et suicidaire, bouillir encore son indicible colère contre le bourreau impuni d’une enfance traumatisée. Peut-être même n’a-t-il convoité la magistrature suprême que pour humilier le dimanche, le faire rentrer dans le rang subalterne des jours ouvrés, et panser enfin la blessure primale à défaut de savoir penser la France.

Le petit monsieur n’a pas le pardon facile. Son épouse non plus, si l’on peut dire, qui empoche un jackpot de quarante mille euros, versés par la société réunionnaise éponyme. C’est trois fois moins qu’elle n’en demandait pour avoir été exposée nue sans autorisation sur des sacs, en plein hiver. Sur une île de l’océan Indien, certes, mais sur des poches à trois euros - rien que ça ! -, alors que la photo est disponible gratuitement parmi cent autres sur l’Internet ! La force du libéralisme, voyez-vous, c’est sa morale, comme aimait à le rappeler Margaret Thatcher, une femme rendue célèbre elle aussi par ses sacs.

samedi 13 décembre 2008

Nom d'un chien


Regardé hier soir avec Nisa "Dixie", un vieux film de Sutherland avec Bing Crosby et Dorothy Lamour en DVD*. Crosby y joue le rôle de Dan Emmet, l’auteur de la chanson qui devint l’hymne officieux des sudistes confédérés pendant la Guerre de Sécession. Me suis réveillé avec cet air dans la tête, que je chante depuis ce matin : "Away! Away! Away down South in Dixie!” - un peu trop fort au goût de Nisa qui prétend que les voisins vont croire à des aboiements... Je reconnais que cela ferait ma foi un joli nom de chien, mais c’est surtout que je me sens très “fröhlich” et remue la queue, depuis mon élection hier par ovation à la tête des instances départementales du grand mouvement populaire présidentiel. Me voilà petit patron, certes, mais qui prétend au podium de 2012 n’a pas à rougir de la première marche. Je repars à l’assaut du nord pour l’ultime conquête : “Away! Away! Away up North in Carlaxie!”


Me contrains à la modération face aux déboires de notre jeune traminot communautaire pour qui, nul ne l’ignore, j'ai malgré moi quelque tendresse. Il ne me déplaît pas néanmoins de le voir confronté aux vents contraires, tant tout à semblé jusqu’à présent lui réussir. Mes prétendus amis centristes de la périphérie n’en ont pas moins tort de lui faire remarquer que ne s'élève pas qui veut à ma hauteur. L’homme est bien dans ses baskets et ne cherche pas à me ressembler. Ces imbéciles n’ont pas compris que c’est précisément là sa force. Loin de crâner comme Roussy, au propre et au figuré, il impose doucement son style, sans mimétisme. Il est, tout simplement, et je lui en sais gré. Oserai-je jamais confier que je le verrais bien dans mon fauteuil municipal en 2014, à l'issue du second intérim de mon pauvre légionnaire, quand les Français m’auront appelé à l’Elysée ? Il serait lui-même - en cheveux, comme on le dit des femmes à la tête non couverte - plutôt que ma statue ratée du musée Grévin.


L'œil sur mon second fromage, qu'elle entend bien me faucher, sa copine la pie qui chante empêchera sans doute que ce vœu aussi fou que secret soit exaucé. Sait-on, à propos, qu’elle m’a encore écrit ? Les services municipaux ont bien sûr consigne de bloquer ses courriers, ce qui ne m’empêche pas de les lire en douce sur son blogue. Croira-t-on que, ce mois-ci, il lui passe par la tête de réduire la plage horaire d’ouverture des machines à sous du casino de la ville, les jours ouvrables**! Avec sept heures quotidiennes en moins, c’est trente-cinq heures hebdomadaires de manque à gagner que nous prescrit cette prohibitionniste impénitente ! Et qu’offre-t-elle en échange aux chômeurs et aux petits retraités de 10h00 à 17h00 pour s’occuper ? Sans doute une place de trottoir avec un panonceau du type "J’ai trois enfants à nourrir, donnez-moi des sous pour aller au Casino", avant de courir engraisser des bandits manchots de leur butin, dès cinq heures du soir.


Soyons francs : la gazza ladra serait mieux inspirée de proposer du boulot le samedi et le dimanche aux désœuvrés, dès que le parlement aura enfin voté sa loi de salubrité publique sur le travail dominical. Ou bien veut-elle prétendre qu’un casino est un lieu de mixité sociale, avec les dentistes à la roulette pendant que les pauvres tentent désespérément d’aligner trois pêches ou trois tomates, qu’ils auraient mieux fait d’acheter à Casino pour les mettre dans leur assiette !


Pan sur le bec ! La pie voleuse est épinglée ce matin dans notre quotidien local : on l’a vue il y a peu chez les socialistes, apprend-on, officiellement accompagnée d’une toute jeune chienne berger allemand dont elle vient de faire l’acquisition. Le sexe me rassure, qui interdit que soit donné mon nom à la bête pour lui hurler "au pied !" tous les matins. Dommage tout de même que l’article ne précise pas comment se prénomme la "Schäferin". Denise me suggère le féminin de Martin en me montrant, près de la porte-fenêtre du jardin, un rouge-gorge qui n'a rien a faire dans cette histoire. Demanderai lundi à Mathurin, ou plutôt à Julien Green qui me paraît plus fiable.

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* Comédie musicale, 1943. Dixie était aussi le nom de l'épouse de Bing Crosby.

** Voir http://www.inserm.fr/fr/presse/communiques/ec_jeux_220708_5.html

mercredi 3 décembre 2008

Le beau durable


Pas envie de parler d’un épiphénomène, étant un éminent spécialiste des cycles durables. Me tairai donc sur la législative partielle de notre huitième circonscription, dans quoi le copain de Rasibus s’est abîmé en maire dimanche. On le dit dépité : à une voyelle près, n’est-ce pas ce qu’il voulait ? La politique n'est qu'un jeu des chiffres et des lettres, voyez-vous, où il faut bien des perdants. Pour se défouler, on peut suggérer à ce malheureux un train de sénatrice dans quoi donner du pied. Pour le reste, les gens travailleraient-ils le dimanche que, sans doute, ils hésiteraient à perdre des heures ouvrées pour nous les faire payer dans les urnes*.

A mon image, croyez-moi, la presse ferait bien de se détourner des futilités de l’éphémère pour s’intéresser à la durabilité de l’action publique. Je m’interroge en effet : pourquoi les médias s’achar-nent-ils à celer, aux électeurs et aux électrices, le beau ruban que j’ai reçu des mains de Jean-Marie Pelt, lors du congrès de l’association des maires de France ? C’est pourtant une façon de médaille d’or du développement durable, décernée au stratège visionnaire d’exception qui administre cette cité. Comme dirait le Zouzou de l’Elysée, c’est du sérieux ! Pour preuve la présence de Dexia auprès de l’association des maires de France, comme partenaire des Rubans municipaux. Ce prestigieux groupe international a été lui-même, je le rappelle, dans le peloton de tête du développement durable des pertes financières en 2008. Ce n’est pas rien !


Je n’ignore pas qu'on m'accuse ici ou là de n'avoir cédé aux charmes de l’écologie que pour tromper l’ennui d’un trop cruel exil. Loin de moi l’idée de me présenter comme un précurseur, tel le centenaire Lévi-Strauss, mais ma conversion n’a rien d’un effet de mode, je le jure ! "Le mauvais goût, écrivait Stendhal dans De l’amour, c’est de confondre la mode, qui ne vit que de changements, avec le beau durable." Soyons francs : la politique vit de changements, mais seul le vrai pouvoir est une beauté durable. On s’accommode de la première, au gré d’humeurs populacières versatiles, mais le second est l’unique grand amour de l’homme d’Etat. Et seule l’autocratie peut faire du beau durable, qui ne souffre ni l'aléa des suffrages ni l'arbitraire des juges.


Cette bourrique partie au sénat, tout de même ! Avec l’autre traitre, franchement, elle fait la paire : c’est César et Rosalie… Il n’y a bien que mon âne légionnaire pour se retrouver toujours à l’écurie ! Il est temps de siffler la fin de la récréation, croyez moi : notre mouvement populaire exige une poigne intelligente ? Eh bien, je suis prêt au sacrifice départemental ! N’ai-je pas après tout déjà démontré mes capacités en ligue nationale ? Il est urgent de faire la paix avec César, je vous l'assure, tant les légions du Béarnais sont ici incertaines. Elles nous ont contraints de bouder le scrutin du brouillon cub sur le tram, fait boire le bouillon froid du bassin, et l’on murmure maintenant que Roussy, déjà en parade électorale, jouerait du violon sous les fenêtres de Fayaux, en lui tendant, tel un bouquet, une vice-présidence de son conseil.

Lent dans les motions, au moins donne-t-il enfin un signe clair de ralliement à sa voisine aux chabichous, qui prend le modem pour un périphérique de conversion du numérique en analogique, et réciproquement. Il faut bien être une femme pour gober que le centre se puisse trouver à la périphérie ! Si certains lui accordent l'esprit de finesse, la dame semble dépourvue de celui de géométrie. Variable ou euclidienne, demandera le spectre orangé du congrès rémois ?
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* Sur son insupportable blogue où s'ébattent quelques traîne-savate plus ou moins douteux, ma pie voleuse défend hystériquement depuis plusieurs jours, bec et ongles, le sacrosaint repos dominical. En vérité, je vous le dis, nous la retrouverons bientôt en tête de procession, entre la pourpre cardinalice et les francs-maçons. A croire que les pies, les avions et les pilleurs de troncs s’arrêtent de voler le dimanche !

jeudi 27 novembre 2008

La forme


C’est insupportable ! C'est exaspérant ! Elle s’est encore collée dans mes pattes, si l’on veut bien me pardonner une trivialité dont ce blogue est peu coutumier ! J’étais tranquillement avant-hier en ma cathédrale du CAPC, prêchant mes fidèles du conseil de quartier, quand la dame du parti pris, que j’ignorais à mon accoutumée, a plongé comme une méchante grimace dans la soupe dont j’abreuvais mes brebis extasiées. Ayant suspendu son vol entre deux avions, mais pas celui du temps, ma pie pressée exigeait d'ouvrir son bec hic et nunc, avant de rebattre de l’aile vers la capitale. Avec l’amabilité que je réserve en toute circonstance à l’oiselle, je lui fis fermement remarquer qu’étant en communion particulière, nous n’avions que faire de son conseil général. Sans respect pour ma personne ni mon ministère municipal, elle n'en fit pas moins hargneusement valoir son droit de simple matrone du quartier à défendre la veuve et l’orphelin, sous des sifflets d'indignation.


Il ne lui suffit pas d’avoir dérobé mon siège : il lui faut aussi le faire, si l'on m'accorde cette façon de zeugme ! Pourquoi diable cette fixation sur ma pomme, pour employer son vocabulaire ? La harcelé-je personnellement ? Non, on ne tourmente pas l’unique objet de son ressentiment ; on l’ignore, on le nie, on le dénie ! Je ne veux pas la voir, bon sang de bois ! Elle n’existe pas ! Est-ce si compliqué à comprendre ? Vivement 2012 que je quitte cette ville ingrate et m’installe au Château, dont le perron jamais ne sera foulé par la péronnelle !


Si j’avais eu quelque chose à lui dire, en ce noir tombeau de l’art déchu, c’eût été paradoxalement mon soutien sans réserve à sa dame de cœur du Poitou, ce qui n’eût pas manqué de la surprendre. N’ayant en effet jamais admis moi-même que six cent soixante-dix voix pussent me défaire, je sais d’instinct que cent deux bulletins ne sauraient faire une reine des socialistes ! Croyez-moi : ici aussi il aurait fallu récoler et réclamer un troisième tour, pour me rétablir sans tarder dans mes droits inaliénables de législateur. Cela dit, je n’ignore pas le vœu secret de ma dame de pique pour finir son travail de conquête : qu’en 2014 notre ville aille de mâle en pie ! Soyons francs : je serai déjà parti, ayant au second tour de l'an 12 renvoyé la Jeanne du PS à ses chèvres.


A ce sujet, suis agacé que la presse ait semblé indifférente à une récente dépêche reprenant des propos par quoi, finement mais sans équivoque, je me mettais sur les rangs de la présidentielle. Le petit Hun quant à lui ne s’y est pas trompé, qui épluche la moindre feuille de chou cantonale. Il me l’a fait savoir avec la délicatesse qu’on lui connaît. Évoquant sa boulimie de réformes avec le journaliste qui m’interrogeait, j’avais en effet glissé du bout des lèvres, avec une moue innocente comme les affectionnait Mitterrand : "ça part un peu dans tous les sens". On sait que le nain agité les a tous en éveil, mais je l'aurai.


Elle a osé en parler sur son blogue ! Elle a osé ! Denise ne comprend pas que je m’abime à consulter ses billets grinçants, mais qu'y puis-je ? J’ai beau me jurer de ne plus cliquer sur son adresse, c’est plus fort que moi, il faut que j’y retourne ! Nisa se trompe pourtant, qui parle d’addiction. C’est en effet plutôt, je crois, la fascination du vide dans quoi cette détrousseuse sans vergogne m’a poussé. "Le vase donne une forme au vide" a écrit quelque part un peintre observateur*. Je ne saurais mieux dire : cette femme cruelle est le vase maudit sans quoi je ne puis retrouver ma forme.

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Georges Braque, Le Jour et la Nuit.

mardi 18 novembre 2008

Nuits de chine


Viens de recevoir les syndicats du tramway, qui craignent pour les salaires et la productivité si leur temps de travail est annualisé par Keolis. C’est leur problème. On m’a assez répété pendant la campagne municipale que le tramway n’est pas l’œuvre du maire : qu’ils aillent donc se plaindre au brouillon cub, s’il est remis d’un méchant tour de Reims qui le fait terriblement souffrir, me dit-on. Le problème, avec les syndicats, c’est qu’ils veulent toujours travailler moins pour gagner plus, comme dirait l’autre. Ce n’est pas de la sorte qu’on va juguler la crise, croyez-moi ! Soyons francs : nul n’ignorant désormais que cette ville classée compte deux fois plus de pauvres que la moyenne nationale, j’ai autre chose à faire que de m’occuper de travailleurs nantis qui roulent au chaud en tramway. Qu’ils s’estiment donc déjà heureux qu’on n’exige pas d’eux un titre de transport !

Me suis gardé d’évoquer, devant ces fainéants revendicatifs, l’idée géniale qui m’est venue à trente mille pieds d’altitude, retour du Canada. Dans la nuit qui assombrissait progressivement les nuages, mon esprit toujours vif a conçu dans un demi-sommeil un plan qui ne devrait pas contrarier notre archevêque. L'incontestable succès de l’ouverture dominicale des magasins est la preuve, s'il en est besoin, que mes administrés plébiscitent l’étalement des achats sur leur temps de repos, quoi qu’en pensent quelques pincés du culte. Hors, ils ne se reposent pas que le week-end, mais aussi la nuit, ce que personne ne semble remarquer ! On doit donc en toute logique autoriser l’activité marchande nocturne, à l’instar du commerce de la chair. Il faut que cette ville pionnière invente le commerce durable, vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept !

Outre la rentabilisation des infrastructures commer-ciales, les profits et la croissance, le dévelop-pement de l’emploi et les heures supplémentaires, cette révolution moderne offrira aux insomniaques une alternative saine et intelligente aux somnifères, anxiolytiques et autres antidépresseurs, dont notre pays fait une consommation anormalement élevée. Roselyne est bonne fille, et pharmacienne dans le civil : si les apothicaires se plaignent, je me fais fort d’obtenir qu’elle les autorise à vendre nos châteaux, dont les vertus thérapeutiques n’ont plus à être démontrées. Keolis fera naturellement rouler ses tramways toute la nuit sans interruption, pour aspirer des plus lointaines banlieues les jeunes consommateurs, qui ne traîneront plus nuitamment leur misère existentielle sur des parkings à délinquance. Ceux à qui est interdite l’entrée des boîtes de nuit, pour cause de faciès ou de pauvreté, pourront aller dans les bibliothèques municipales, dont nous assurerons également l’ouverture en permanence par des bénévoles, pour assurer le brassage nocturne des populations au-delà des camionnettes « buissonnières ». Un peu de lecture ne fera pas de mal aux pauvres, je vous l'assure, et les illettrés seront au chaud !

Nisa, qui à vérifié dans sa Bible digitale, m’assure qu’il n’y est nulle part question de nuit du Seigneur. C’est donc que Dieu, qui a le souci de la procréation mais le sommeil lourd des travailleurs de force, laisse l’homme totalement maître de son temps nocturne. Fayaux, que j’imagine au demeurant insomniaque, ne trouvera rien à redire à cette œuvre municipale de salubrité publique, de surcroît respectueuse du Livre. Peut-être même la verra-t-on, à minuit passé dans le faisceau d’un réverbère, en quête de quelque infâme tisane, ou épuisant à bicyclette son forfait Orange, enveloppée d’un improbable châle.

Seule râlera comme à l’habitude ma pie de mauvais augure, par principe prétendument républicain. Cela dit, j'en fais le pari, si j’organise à une heure du matin une cérémonie de commémoration, on la verra à mes côtés en robe de Chambre.

jeudi 13 novembre 2008

Yahvé Allah et moi


Fin de mission à N.Y. où je représentais N.S. à une réunion de chefs d’Etat sur le dialogue interreligieux. Si le petit monsieur prétendait me mettre en apprentissage pendant deux jours, c'est raté : je connais le métier et l’on m’y reconnaît. Tout de même agréable de se retrouver à l'ONU parmi ses pairs, quand bien même on les domine intellectuellement, sans vouloir me vanter. Parmi eux, ai repensé avec tendresse à cette vieille dame, un peu sourde sans doute, heureuse de me croiser à l’aéroport, qui m’a gratifié avec assurance d’un affectueux : "Je vous adore, c’est vous notre futur président Groupama !" Si la restitution était approximative, l’intelligence m’a semblé vive et l’intuition réelle. Soyons francs : par la médiation de cette administrée peut-être, Yahvé et Allah m’ont, je crois, dans leur dialogue œcuménique, désigné clairement du doigt. Que leur volonté soit faite.


Suis allé cet après-midi me recueillir un instant sur le site des feues Twin Towers. En élevant mon regard vers leurs sommets disparus, ai vu dans un flash s’élever à leur place notre passerelle métallique dédoublée, telles deux tours Eiffel buissonnières. Une voix semble alors m’avoir murmuré, comme sortie dans un souffle des nuages : "Construis une tour Eiffel près de ton fleuve pour la jumeler à celle de Chagall et de Trenet." Je sais que le long fil rimbaldien tendu entre les deux me fera, de clocher en clocher, gagner la capitale ! » A ton chalumeau, Buisson, nous n’avons plus de temps à perdre mais une élection à gagner !


Barack Obama n’avait pas encore répondu à mon courrier quand j’ai quitté notre ex future capitale européenne de la culture pour le nouveau continent. Sans doute sa lettre enthousiaste m’attendra-t-elle à notre retour, mêlée à l’abondant courrier d’administrés reconnaissants que me délivre chaque jour un facteur résolument hostile. Chicago n’est pas si loin, mais Barack me pardonnera de ne pouvoir y faire un crochet, étant attendu dès demain dans mon cher et vieux Canada, pour y célébrer le 400e anniversaire de la fondation de Québec, et effacer les pas de Roussy. Serai fêté comme un enfant du pays dans les deux langues.


Quel besoin avait Denise, dans un hôtel copieusement étoilé de l'Upper East Side, à des milliers de kilomètres de la France, au-delà d'un océan, d’aller me dégoter sur Internet une photo de ma pie voleuse entre notre préfet et un général, à la cérémonie municipale du 11 novembre ! La péronnelle ne rate pas une commémoration, marquant un certain goût pour l’uniforme. Si le petit Hun suit les recommandations de la commission Kaspi, je me demande à quoi elle passera son temps. Le cliché la montre dans un tailleur bleu, pas très couverte pour la saison. A quelques pas mon légionnaire, raide comme la justice, que n'inspire pas son propre patronyme pour lui offrir la moitié de sa veste sénatoriale... C’est indigne, mais je le comprends.


Quoi qu'il advienne, on ne verra pas la dame de pique dans la ville à partir de demain. Non à cause d'une mauvaise bronchite, mais parce qu'elle va commémorer à Reims ce week-end le soixante-quinzième anniversaire des congrès socialistes. Le préfet et le général, me dit-on, ont décliné cette partie de chasse royale, qui s'annonce trop sportive. Tant pis pour les photos. La doctoresse s’en remettra, et eux pourront à l'occasion regarder au chaud, sur la chaîne parlementaire, la recette du broyé du Poitou.

dimanche 9 novembre 2008

Enfin Grouchy !


Visité à Berlin le site d’une éolienne de dernière génération. Haute de cent quatre-vingt mètres, elle produit de l’électricité pour quinze mille habitants. C'est incroyable ! Émerveillé, j’ai confié à Angela Merkel - amie de quinze ans avec qui j’ai des atomes crochus, sans danger de fission - que je pourrais reconsidérer cette histoire de redressement du pont Eiffel, prise à tort peut-être pour une mauvaise plaisanterie. Imaginez que, si notre soudeur Buisson acceptait qu’on donne à sa tour des ailes de moulin, nous pourrions fournir en électricité près de quarante mille de mes administrés, puisqu’elle ferait plus de deux fois la hauteur de celle de Berlin ! Joschka Fischer m’a soutenu, dont la pensée est toujours aussi pénétrante, arguant qu’on peut en effet se battre contre une tour, mais plus difficilement contre des moulins à vent. Angela a semblé d’accord, évoquant subtilement en illustration sa relation difficile avec notre petit président.


Au-delà de ces rencontres amicales, j’étais en fait fin octobre à Berlin pour m'exprimer comme expert, devant le Haut Conseil Culturel franco-allemand que préside un vieux compagnon, Jacques Toubon - "comme dans le cochon", plaisantions-nous dans notre jeunesse ! Il s’agissait de plancher sur la question suivante : "Une politique culturelle européenne est-elle souhaitable ?" J’ai passé outre la mise en garde de Denise, qui voyait dans cette invitation une façon de provocation envers le maire d’une ville honteusement privée, il y a peu, du titre de capitale européenne de la culture. Je ne pouvais en effet, au motif de cette blessure, ne pas saisir l’occasion de rappeler au monde que la culture est un puissant levier de développement économique et social, notamment grâce aux industries culturelles.


J’ai donc de nouveau évoqué la filière culturelle viti-vinicole, les châteaux de nos vignes devant naturellement dialoguer avec les vins d’Outre-Rhin, mais avec aussi d’autres boissons allemandes servies à la pression. A la faveur de leurs échanges, les jeunes de nos collèges, de nos lycées et de nos universités sont à ce sujet les meilleurs vecteurs de brassage et de rayonnement culturels, pour preuve le fructueux jumelage de notre ville avec Munich. Il est enivrant à leur âge de découvrir sur place, par tâtonnements successifs, qu’on ne marie pas un vin rouge à une choucroute ou une bière à un magret. C’est une belle illustration de la méthode expérimentale de Claude Bernard, qui vaut bien quelques juvéniles gueules de bois : "on n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans !"


Quant au champagne, on le sabrera semble-t-il très bientôt à Reims, pour fêter la victoire d’une femme, à défaut d’avoir pu user efficacement de sa rapière pour la décapiter. Qu’il le veuille ou non, le parti socialiste s'apprête à m’offrir un cadeau royal pour ma présidentielle. Soyons francs : je sais parler aux femmes en politique et on m’a vu à l’œuvre, au siècle dernier, avec quelques péronnelles de mon gouvernement. La Perrette de Poitiers prépare ses aiguilles de couture pour terrasser la petite éolienne vaudou de l’Elysée ? Grand bien lui fasse ! Elle rêve d'écraser Blücher mais devra affronter Grouchy : j’offrirai aux frères ennemis de Joséphine leur victoire de Waterloo.

jeudi 6 novembre 2008

Yes, week-end !


Homme d’ouverture pourtant au-delà d’un nom apéritif, notre cardinal m’a appelé hier soir, depuis Lourdes, pour me conjurer de fermer les magasins le dimanche, sur instruction expresse de Monseigneur Vingt-Trois, président de la conférence des évêques de France, sans doute alerté par la pieuse Faillaux. J’apprécie l’homme, mais il m’agace. Pourquoi les prêtres seraient-ils seuls autorisés à travailler le jour du Seigneur ? J’ai rappelé au bon prélat que le salut des créatures de Dieu passe aussi par le beurre qu’elles peuvent mettre dans leurs épinards, qui ne tombe pas du ciel en mottes.


Parlant d’épinards, lui ai soufflé une question pour sa conférence : pourquoi la sainte communion ne permet-elle au fidèle de ne consommer que le corps du Christ et non point aussi son sang, comme il l’a enseigné aux apôtres pour leurs mises en cène? Je m’explique : qu’on propose nos meilleurs châteaux à mes administrés pour l’eucharistie dominicale, en sus de l’hostie consacrée, et je m’engage à les envoyer en masse à l’église plutôt qu’au quai des marques ! Des étals pourraient ainsi, après la sainte dégustation, être installés sur le parvis des églises, pour proposer à bon prix des bouteilles de vin béni aux fidèles allégés de leurs péchés. Le cardinal ne m’a rien promis, je l’avoue, se contentant de remarquer que Dieu, pour me punir, pourrait bien faire travailler aussi nos vins tous les jours de la semaine, week-end compris, et les transformer finalement en piquette. Allons, Dieu est amour, non vengeance, et je sais qu’il veut comme moi que nos châteaux se vendent aussi bien que l’eau de Lourdes!


S’il me rappelle, penser à demander à notre épiscope ce qu’il pense de la retraite à soixante-dix ans. Certes, le Christ a quitté son travail terrestre à moitié moins, mais il est toujours à la tâche auprès du Père, comme beaucoup de vieux prêtres qu’on ne se bat pas pour remplacer au portillon des presbytères. Peut-être l’archevêque me rappel-lera-t-il que j’ai moi-même naguère fait valoir mes droits à pension civile bien avant soixante ans, profitant in extremis d’une loi trop prodigue que nous allions supprimer, mais c’était pour faire don de ma personne à la cité, au pays et au monde. On sait que Dieu, qui a clairement opté pour le repos dominical, sans le moindre commandement sur la retraite, m’a bien fait payer depuis, avec le secours d’une justice aucunement céleste, d’avoir rendu si tôt mon tablier de fonctionnaire. Soyons francs et disons-le sans détour à nos anciens : à partir d’un certain âge, on se remet statistiquement mieux d’un accident du travail que d’un accident vasculaire cérébral. Travailler plus longtemps permet donc de désengorger non seulement les maisons de retraite, mais aussi les urgences des hôpitaux. C’est bon pour les comptes de l’État et de la sécurité sociale.


Ai tenté de téléphoner à Barack Obama ce midi, pour le féliciter. On a refusé de me le passer, en me gratifiant d’un désobligeant "Never heard of you, man !". Ces démocrates métissés sont trop jeunes pour savoir que j’ai occupé naguère le quai d’Orsay et Matignon. Ignorent-ils seulement moins que Bush ce que sont l’un et l’autre ? Faute de mieux, me suis replié sur un petit compliment postal "prioritaire", accompagné d’une photo dédicacée de moi sur un âne, pour gage de ma proximité quotidienne avec le sympathique symbole du nouveau parti présidentiel. J’y rappelle à Obama que nos sorts seront liés en 2012, année du renouvellement de son bail à la Maison Blanche et de la signature du mien à l’Elysée. Par la grâce d’une loi de progrès, je ne serai pas plus que lui menacé à cette date , en pleine jeunesse, du couperet humiliant de la retraite obligatoire.

dimanche 2 novembre 2008

Soglitude des pauvres


Jour des morts, et temps de chien à noyer, plus que le chagrin des vivants, les chrysanthèmes qu'ils ont abandonnés hier dans des cimetières presque marins. Je pense à nos pauvres, chiens battus et mouillés de la vie, dont le nombre a crû sans que nous ne puissions le croire. C’est qu’on ne les voit guère, et il aura fallu une enquête pour me faire admettre qu’un quart de mes administrés vivent sous le seuil de la pauvreté. Christine Lagarde m’a rassuré, à qui j’ai confié mon inquiétude. Elle me conseille de communiquer sur l’écrasante majorité des habitants - 75% ! - qui sont au-dessus de ce seuil fatidique. Ce n’est pas faux, et je retiens aussi sa suggestion de parler de plan "chaleur retrouvée" plutôt que de plan "grand froid". Cette femme intelligente a raison, voyez-vous : il est inutile d’effrayer les pauvres avec des formules humiliantes et définitives, qui souvent ne font pas sens pour eux.


Ainsi du seuil de pauvreté. Quels pauvres, je le demande, sont en mesure de comprendre le sens d’une expression aussi absconse ? Même si la plupart sont au chômage, combien se lèvent le matin pour aller battre la semelle devant l’ANPE ? Cette semelle qui les renverrait pourtant au latin "solum", d’où nous est venu le seuil, par l’italien "soglio". J’en entends déjà me rétorquer méchamment que cela leur ferait une belle jambe, quand la misère leur colle aux semelles comme une gomme mâchée. Certes, mais mon propos est d’en venir à Tanja Barazon, docteure en philosophie de la Sorbonne, actuellement à la recherche de contributeurs prêts à méditer sur le concept de seuil, pour une revue scientifique* de l’université Laval de Québec, dans une livraison qui s’intitulera "Soglitude", en écho à "soglio" et à la solitude humaine. J’encourage vivement les visiteurs de ce blogue se trouvant au-dessous du seuil de pauvreté à contacter cette universitaire, pour lui exposer les joies et les peines de leur soglitude personnelle. Soyons francs: ils découvriront au passage que l’activité intellectuelle est aussi un moyen de se réchauffer, en préservant sa santé mentale, aussi essentielle à la santé physique, croyez-moi, que cinq fruits et légumes par jour.


Soglitude… Je ne sais pourquoi ce néologisme sympathique me renvoie à Royal de Luxe, cette brillante troupe nantaise qui vient de se produire à la base sous-marine avec "Le cauchemar de Toni Travolta", une comédie musicale drolatique et burlesque. Il reste encore deux représentations, lundi et mardi : l’occasion pour nos pauvres, s’ils acceptent de faire un peu la queue sous la pluie, de se remplir à l’œil le boyau de la rigolade !


P.S. Notre chère Marie-Agnès qui, attirée par Denise, vient de relire ces lignes, m’assure avec enthousiasme, et non sans humour, que le parti socialiste sera bientôt repris par Royal de Luxe, alors que le maire de Nantes roule pour celui de Paris. C’est à n’y rien comprendre, mais qu’importe, quand le premier socialiste de France est de toute façon déjà à l’Elysée…

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* Conserveries Mémorielles, revue interdisciplinaire de la chaire de recherche du Canada en histoire comparée de la mémoire :
http://www.celat.ulaval.ca/histoire.memoire/appelpage3.htm

jeudi 30 octobre 2008

Poupée de Sire


Lever très matinal, après une nuit battue par la pluie, perturbée par de curieux picotements dans plusieurs parties du corps. Anxiété, hernie discale, mauvaise circulation sanguine, diabète, problème cardiaque, accident vasculaire cérébral, arthrite, syndrome du canal carpien, tumeur ? Je suis inquiet. Devrai consulter si les symptômes persistent, tant l’altération de ma santé pourrait être fatale à la France. De plus en plus nombreux sont les Français impatients de nos retrouvailles, au douzième anniversaire de ce siècle déjà si tourmenté : un handicap ou ma disparition les laisserait orphelins de leur avenir.

Nisa hausse les épaules, qui pense à une simple manifestation psychosomatique, après que j’ai joué quelques instants hier soir avec une petite poupée vaudou, qu’on dit poursuivie en justice. Je ne crois pas plus à ce diagnostic qu’à une ou deux aiguilles glissées entre mes draps. Au passage, je trouve l’idée de la poupée intelligente, et stupide le courroux du petit pantin débouté qui squatte mon appartement, au 55 de la rue du Faubourg-Saint-Honoré. L’ensorcellement l'effraie-t-il ? A-t-il peur pour sa rate ? Craint-il l’impuissance, ou plus trivialement qu’on pique son portefeuille ? Curieux homme tout de même, offusqué par sa poupée habillée, mais nullement gêné de voir sa femme exposée sur Internet dans le plus simple appareil. La reine peut donc aller nue tant qu’on n’habille pas le roi pour l’hiver.

Cette affaire de justice est ridicule, et j’avoue avoir encouragé Nisa à rencontrer discrètement l’éditeur K&B, sous un prétexte digital. Soyons francs : je suis blessé qu’on n’ait pas pensé à moi, plutôt qu’à la présidente des chèvres du Poitou. Les Français en effet, je le crois, apprécieraient pour Noël une poupée vaudou à mon effigie, tant ils montrent d'affectueuse admiration pour ma personne. Peu m’importe la liste des formules magiques dans quoi ils planteraient leurs aiguilles :
"caribou, droit dans mes bottes, adichat, emplois fictifs, tentation de Denise, deuxième circonscription, dévelop-pement d’érables, 26 rue Jacob, Entre-moi, dissolution, capitale européenne de la culture", que sais-je encore ? Plutôt le bénéfice facile d’une saine publicité bon enfant, croyez-moi, que les honneurs létaux d’un journal satirique et l’acharnement des juges !

Je m’interroge : un lien peut-il exister entre cette histoire de poupée
"déboutante" et l’incendie criminel qui a détruit avant-hier notre Guignol au jardin public ? Faire demander à Guérin s’il n’aurait pas fait tenir à sa marionnette des propos déplacés sur la poupée de Sire. Pour tout dire, je ne serais qu’à moitié surpris qu’un incendie accidentel ravage une de ces nuits des locaux éditoriaux parisiens de la rue de Liège. A défaut du pilon, le vaudou pourrait bien finir à la broche comme le veau gras, et partir en fumée s’il a fâché Néron.

dimanche 26 octobre 2008

Le pommier et le péché


Apprends par une dépêche que, selon un chercheur australien, les abeilles sauraient compter jusqu’à quatre. C’est assez incroyable. En parler à Fayaux, pour qui elles pourraient recenser les adhérents du MoDem. Ces butineuses de rosiers seraient en revanche déroutées par le congrès socialiste, car bien incapables de faire leur miel des motions E et F, au désespoir des architectes de ces dernières, victimes du tirage au sort. Il faut dire que ces petites bêtes ont un cerveau de la taille d’une graine de sésame, comme le souligne notre chercheur du Queensland. Ce n’est déjà pas si mal, croyez-moi. J’ai autour de moi à la mairie quelques cervelles, de la grosseur d’un petit melon sans chapeau, qui gagneraient à en prendre de la graine.


L’abeille et l’architecte... Ce couple éveille en moi le souvenir du feu président Mitterrand, aussi fidèle promeneur de mes rêves que du Champ de Mars de Guédiguian. J’en reparlerai. Il doit, de Là-haut, jubiler que sa définition du centre n’ait pas pris une ride au MoDem : "variété molle de la droite"*. On n’y mange toujours pas les œufs durs mais mollets, et on prend garde à ne les mettre jamais tous dans le même panier. C’est dans ce parti une forme d’audace, qui conduit aujourd'hui la pieuse Fayaux à tirer le nez devant l’ouverture dominicale de nos magasins. Qu’elle nous explique donc pourquoi nos administrés ne devraient faire commerce le dimanche qu’avec Dieu, et au nom de quoi il faudrait interdire l’achat d’un pommier, dans une jardinerie de la périphérie, quand le rachat des péchés est autorisé dans une église du centre ! Je rappelle que nous vivons tout de même depuis 1905 dans un État laïc, où la liberté du commerce et du culte est protégée par la loi. Me voit-on bannir les messes en semaine par arrêté municipal, au prétexte que les magasins sont ouverts ? Il y a vraiment, avec cette droite molle, des coups de pied au culte qui se perdent.


Me félicitant de ma détermination, un lecteur discret de ce blogue ne m'en rappelle pas moins que notre ville n’a jamais donné de président à la France, seulement des ministres, dont deux Premiers. Certes, mais pourquoi me serait refusée la chance qu’a tentée sans succès l’ancien Premier ministre de Pompidou ? A défaut d’obtenir l’Elysée, ce prédé-cesseur sportif à l’hôtel de ville et à Matignon n'a en fin de compte laissé son nom qu'à un stade. Qu’on donne en toute logique le mien à une impasse, si la route de la présidence me demeure une voie sans issue ! Nous n’en sommes cependant pas là, soyons francs.


A propos d’impasse, on me soupçonnerait d’en avoir fait sciemment une, dans mon dernier billet, sur la motion de la fille d’un ancien conseiller, à Matignon, de mon prédécesseur dans le dernier fauteuil qui me reste. La motion D, précise une abeille, qui trouve ma phrase trop alambiquée et craint sans doute que je ne sache compter jusqu’à trois, ou bien que je m’égare dans l’arbre généalogique des Delors. Voyons, Nisa... Je n’ai pas parlé non plus de sœur Emmanuelle que je sache, une amie chère et pugnace qui, sans autre motion que sa foi, a préparé durant près de cent ans son élection au Paradis, sans jamais désespérer des hommes ou croire aux trente-cinq heures. N’ayant comme elle au cœur que l'amour de mon prochain, peu me chaut la femme que m’opposera le parti socialiste en 2012, car rose elle vivra ce que vivent les roses, l'espace d'un scrutin.

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* François Mitterrand, « L’abeille et l’architecte ».