"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

jeudi 30 octobre 2008

Poupée de Sire


Lever très matinal, après une nuit battue par la pluie, perturbée par de curieux picotements dans plusieurs parties du corps. Anxiété, hernie discale, mauvaise circulation sanguine, diabète, problème cardiaque, accident vasculaire cérébral, arthrite, syndrome du canal carpien, tumeur ? Je suis inquiet. Devrai consulter si les symptômes persistent, tant l’altération de ma santé pourrait être fatale à la France. De plus en plus nombreux sont les Français impatients de nos retrouvailles, au douzième anniversaire de ce siècle déjà si tourmenté : un handicap ou ma disparition les laisserait orphelins de leur avenir.

Nisa hausse les épaules, qui pense à une simple manifestation psychosomatique, après que j’ai joué quelques instants hier soir avec une petite poupée vaudou, qu’on dit poursuivie en justice. Je ne crois pas plus à ce diagnostic qu’à une ou deux aiguilles glissées entre mes draps. Au passage, je trouve l’idée de la poupée intelligente, et stupide le courroux du petit pantin débouté qui squatte mon appartement, au 55 de la rue du Faubourg-Saint-Honoré. L’ensorcellement l'effraie-t-il ? A-t-il peur pour sa rate ? Craint-il l’impuissance, ou plus trivialement qu’on pique son portefeuille ? Curieux homme tout de même, offusqué par sa poupée habillée, mais nullement gêné de voir sa femme exposée sur Internet dans le plus simple appareil. La reine peut donc aller nue tant qu’on n’habille pas le roi pour l’hiver.

Cette affaire de justice est ridicule, et j’avoue avoir encouragé Nisa à rencontrer discrètement l’éditeur K&B, sous un prétexte digital. Soyons francs : je suis blessé qu’on n’ait pas pensé à moi, plutôt qu’à la présidente des chèvres du Poitou. Les Français en effet, je le crois, apprécieraient pour Noël une poupée vaudou à mon effigie, tant ils montrent d'affectueuse admiration pour ma personne. Peu m’importe la liste des formules magiques dans quoi ils planteraient leurs aiguilles :
"caribou, droit dans mes bottes, adichat, emplois fictifs, tentation de Denise, deuxième circonscription, dévelop-pement d’érables, 26 rue Jacob, Entre-moi, dissolution, capitale européenne de la culture", que sais-je encore ? Plutôt le bénéfice facile d’une saine publicité bon enfant, croyez-moi, que les honneurs létaux d’un journal satirique et l’acharnement des juges !

Je m’interroge : un lien peut-il exister entre cette histoire de poupée
"déboutante" et l’incendie criminel qui a détruit avant-hier notre Guignol au jardin public ? Faire demander à Guérin s’il n’aurait pas fait tenir à sa marionnette des propos déplacés sur la poupée de Sire. Pour tout dire, je ne serais qu’à moitié surpris qu’un incendie accidentel ravage une de ces nuits des locaux éditoriaux parisiens de la rue de Liège. A défaut du pilon, le vaudou pourrait bien finir à la broche comme le veau gras, et partir en fumée s’il a fâché Néron.

dimanche 26 octobre 2008

Le pommier et le péché


Apprends par une dépêche que, selon un chercheur australien, les abeilles sauraient compter jusqu’à quatre. C’est assez incroyable. En parler à Fayaux, pour qui elles pourraient recenser les adhérents du MoDem. Ces butineuses de rosiers seraient en revanche déroutées par le congrès socialiste, car bien incapables de faire leur miel des motions E et F, au désespoir des architectes de ces dernières, victimes du tirage au sort. Il faut dire que ces petites bêtes ont un cerveau de la taille d’une graine de sésame, comme le souligne notre chercheur du Queensland. Ce n’est déjà pas si mal, croyez-moi. J’ai autour de moi à la mairie quelques cervelles, de la grosseur d’un petit melon sans chapeau, qui gagneraient à en prendre de la graine.


L’abeille et l’architecte... Ce couple éveille en moi le souvenir du feu président Mitterrand, aussi fidèle promeneur de mes rêves que du Champ de Mars de Guédiguian. J’en reparlerai. Il doit, de Là-haut, jubiler que sa définition du centre n’ait pas pris une ride au MoDem : "variété molle de la droite"*. On n’y mange toujours pas les œufs durs mais mollets, et on prend garde à ne les mettre jamais tous dans le même panier. C’est dans ce parti une forme d’audace, qui conduit aujourd'hui la pieuse Fayaux à tirer le nez devant l’ouverture dominicale de nos magasins. Qu’elle nous explique donc pourquoi nos administrés ne devraient faire commerce le dimanche qu’avec Dieu, et au nom de quoi il faudrait interdire l’achat d’un pommier, dans une jardinerie de la périphérie, quand le rachat des péchés est autorisé dans une église du centre ! Je rappelle que nous vivons tout de même depuis 1905 dans un État laïc, où la liberté du commerce et du culte est protégée par la loi. Me voit-on bannir les messes en semaine par arrêté municipal, au prétexte que les magasins sont ouverts ? Il y a vraiment, avec cette droite molle, des coups de pied au culte qui se perdent.


Me félicitant de ma détermination, un lecteur discret de ce blogue ne m'en rappelle pas moins que notre ville n’a jamais donné de président à la France, seulement des ministres, dont deux Premiers. Certes, mais pourquoi me serait refusée la chance qu’a tentée sans succès l’ancien Premier ministre de Pompidou ? A défaut d’obtenir l’Elysée, ce prédé-cesseur sportif à l’hôtel de ville et à Matignon n'a en fin de compte laissé son nom qu'à un stade. Qu’on donne en toute logique le mien à une impasse, si la route de la présidence me demeure une voie sans issue ! Nous n’en sommes cependant pas là, soyons francs.


A propos d’impasse, on me soupçonnerait d’en avoir fait sciemment une, dans mon dernier billet, sur la motion de la fille d’un ancien conseiller, à Matignon, de mon prédécesseur dans le dernier fauteuil qui me reste. La motion D, précise une abeille, qui trouve ma phrase trop alambiquée et craint sans doute que je ne sache compter jusqu’à trois, ou bien que je m’égare dans l’arbre généalogique des Delors. Voyons, Nisa... Je n’ai pas parlé non plus de sœur Emmanuelle que je sache, une amie chère et pugnace qui, sans autre motion que sa foi, a préparé durant près de cent ans son élection au Paradis, sans jamais désespérer des hommes ou croire aux trente-cinq heures. N’ayant comme elle au cœur que l'amour de mon prochain, peu me chaut la femme que m’opposera le parti socialiste en 2012, car rose elle vivra ce que vivent les roses, l'espace d'un scrutin.

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* François Mitterrand, « L’abeille et l’architecte ».

jeudi 23 octobre 2008

Les motions d'Abraham


Rien de bien intéressant à la télé hier soir, après le feuilleton anisé de France 3 que je continue résolument de boycotter. Vaguement parcouru au lit, pour m’endormir, les motions du congrès rémois des socialistes. Ce n’est certes pas l’alpha et l’oméga, puisqu’on n’y dépasse pas la lettre F, mais il y a là-dedans pour un solide capitaine, avec l’effondrement de la finance spéculative, quelques idées recyclables à tribord. Pour la motion A, j’hésite entre la nostalgie et la mise en garde, tant j’aurais deux ou trois choses à dire sur le retour d’un maire de Paris à l’Elysée. L’enfer de Matignon, qu’on ne saurait taxer d’emploi fictif, était en effet bien doux, comparé à ce qu’il m’a fallu payer ensuite pour le bazar de l’hôtel de ville. En cas de défaillance socialiste à Reims, les Français sauront bien, croyez-moi, prévenir la récidive, en choisissant un grand maire de province endurci dans l’adversité.

J’avoue une certaine tendresse pour la touche
"grenelée" de la motion écologique, à quoi le sort a réservé la lettre B, tel un sobre "bien" moulé dans la marge à l’encre verte. Me dira-t-on présomptueux si je revendique la paternité de ses propositions les plus hardies ? Qui connaîtra jamais la politique révolutionnaire que j’aurais conduite si, dans l’espace législatif, l’irruption fatale d’une cancérologue avide de pouvoir n’avait fauché, dans son somptueux envol, le meilleur ministre d’État durable dont ait jamais pu rêver la France ! A-t-on vent du nombre d’éoliennes dont la cupidité honteusement récompensée de cette usurpatrice a privé par ricochet le territoire national ? Je demande fraternellement aux militants sensés de la motion B, pourfendeurs du tout nucléaire, de s’interroger avec moi : cette misérable femme battue, n’aurions-nous pas échappé hier aux fuites à répétition du Tricastin ?

D’un congrès l’autre, je franchis l’Atlantique. Non point à destination de ce cher Québec qui m’a tout appris naguère du développement durable, mais des États-Unis. Je n’évoquerai pas leur élection présidentielle imminente – bronzé, quel superbe Obama je ferais tout de même pour la France ! – mais leur grand Abraham Lincoln, qui a dû jadis affronter comme nos socialistes une guerre de sécession. Qu’on médite un instant les paroles suivantes, par lui prononcées dans son premier message au congrès :
"Le capital est seulement le fruit du travail et il n’aurait jamais pu exister si le travail n’avait d’abord existé." Voilà bien la preuve que ce président républicain, contemporain de Marx, a peut-être à sa façon inspiré l’auteur du Capital. Nul n’ignore que Bush n’est le descendant ni de l’un, ni de l’autre. Pendant que notre petite mouche du coach nationale joue avec son copain Jaurès dans la cour de l’Elysée, en rêvant d’être George W., retournons sans complexe aux sources vives de la droite américaine qui a su affirmer, avant Marx, la primauté du travail sur le capital.

Nisa me soutient que Lincoln, qui avait un monde d’avance sur son époque, voterait peut-être aujourd'hui la motion C du jeune et séduisant Hamon. Je suis tout de même dubitatif. Quoi qu'il en soit, je concède volontiers que la star de la motion E, des Charente et du Poitou a plus de charme, de classe et d’intelligence que Sarah Palin. Ce n'est pas rien, et l'on sait du reste qu’elle n’est pas candidate à la vice-présidence. Elle n'en souffre pas moins pour autant d’un handicap majeur : la proximité et le soutien de mon insoutenable pie voleuse ! Dans mes pires cauchemars, je les vois toutes les deux, bras dessus, bras dessous, au beau milieu de ma route de 2012, me hurlant aux oreilles comme les sirènes du SAMU.

dimanche 19 octobre 2008

Le redressement


Cru à une blague ce matin dans mon quotidien dominical, qui propose sur le mode interrogatif une tour Eiffel à la cité. De quoi s’agit-il ? Un sculpteur local, nommé Buisson si ma mémoire est bonne (Jean-François et non pas Ferdinand), nous propose rien moins que la passerelle Eiffel en érection. Comment ce vieux pont ferroviaire à la retraite, mais encore vert, me susurre Nisa l’œil coquin, pourrait-il mieux dire à notre métropole qu’elle l’excite enfin après toutes ces années ! Certes, mais accepter telle folie reviendrait à tendre une nouvelle fois l’échine aux verges de l’UNESCO. Très peu pour moi !


Et puis, soyons francs : élever cette ferraille près de la caserne de pompiers de la rive droite, comme sur la photo du journal, vous aurait carrément des allures de mosquée. Qu’on ne compte pas sur moi pour donner dans la provocation, tant il suffit aux électeurs locaux du minaret qui leur est promis, si je veux préserver leurs parcimonieux suffrages. De surcroît, j’entends déjà la minorité municipale railler ma rampe de lancement vers l’Elysée, dans quoi elle me dira aussi droit que dans mes bottes ! Croyez-moi, je me débarrasserais de ce pont avec plaisir si les petits juges du patrimoine mondial m’y autorisaient, mais le dresser là reviendrait à leur planter sous le nez un pylône à très haute tension !


Un détail tout de même, à quoi le soudeur Buisson ne semble pas avoir pensé, puisqu’il ne fait art, nous dit-on, que de la ferraille : quid des piles, qui sont signées Eiffel ? Allons-nous devoir les entasser de guingois rive gauche pour en faire une façon de tour de Pise, à opposer au mécano phallique de notre fou du chalumeau ? Non, comme aurait dit le Christ, il faut laisser les ponts avec les ponts ; ce n’est pas en les dressant comme des flèches de cathédrale que l’homme atteindra jamais Dieu, ni l'art ou le paradis.


On aura compris ma volonté que l’eau continue de couler sous la passerelle Eiffel, plutôt que de mettre à cette dernière la tête dans les nuages. Un maire responsable doit, en ces temps difficiles, penser avant tout aux plus démunis de ses administrés, que la crise financière mondiale va bientôt jeter par milliers dans la misère. Quand ils n’auront plus d’abri, où iront-ils dormir si on dresse leurs ponts comme des lits en cathédrale ? Les yeux dans les yeux, je le dis à ces électeurs : jamais sous mon mandat il ne leur sera imposé pareille brimade !


jeudi 16 octobre 2008

Des camionnettes


La presse m’agace qui s’éternise sur un mien arrêté municipal, traitant des "véhicules équipés pour le séjour ou l’exercice d’une activité", dont un nouvel alinéa n’interdira plus bientôt le stationnement sur la voie publique qu’entre 5h00 et 23h00. De mauvais esprits, souhaitant attirer l’attention de mes administrés sur un prétendu revirement, ne manquent pas de pointer que j’autorise hypocritement de facto certaines camionnettes, à la suspension parfois indiscrète, à demeurer sur la voie publique entre 11h00 du soir et 5h00 du matin.

Quelle absurdité ! Si l’on admet le travail de nuit dans les abattoirs, pense-t-on vraiment que le commerce de la viande soit plus noble que celui de la chair, et pour quelle raison ? Sur le principe de l’économie de marché, je ne suis pas choqué que l’offre réponde ici à la demande, de surcroît près d’une école dont le nom bucolique, Ferdinand-Buisson, évoque un peu pour moi le nid de Cupidon. Soyons francs : les enfants dorment à pareille heure, et je ne propose qu’une gestion intelligente et pragmatique du temps, entre La Fontaine le jour, et le Marquis de Sade la nuit. Croyez-moi, c’est un moyen de rapprocher les pères de l’école de leurs enfants, fût-ce dans une fourgonnette au bord du trottoir. J’ai soudain la nostalgie de la voiture du boulanger de mon enfance landaise. Pourquoi parler de prostitution ?


La camionnette du boulanger, c’est dans cette ville, nous dit-on, celle d’Ali Coskun, un généreux Turc qui chaque matin distribue gratuitement son pain aux pauvres. Franchement, ne maintient-il pas à sa façon les indigents dans le confort d’une oisiveté nocive ? Un homme respectable doit gagner son pain, et il n’appartient ni à l’Etat ni au boulanger de le lui donner sans contrepartie. Ceux qui stigmatisent les milliards d’euros publics donnés à des banques indélicates pour leur sauvetage seraient inspirés de se dire que, un jour lointain, cela a pu commencer par un pain. Qu’on se rappelle le commandement de Moïse : "Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front". C’est sans cela du pain sans sel, qui témoigne d'un bien mauvais régime.


Au mini zénith de Parempuyre hier soir, la Boucle d’or épanouie des socialistes en était quasiment à proposer de nationaliser les boulangeries pour en faire des banques du pain, sous les applau-dissements des ouvriers de Ford, en grève pour l’occasion au lieu de chercher du travail. Ces fainéants croient-ils donc que le pain va leur tomber tout cuit dans le bec et qu’ils seront sauvés par l’Etat-providence ? Ils se trompent royalement, croyez-moi, et leur réveil sera difficile quand ils comprendront enfin que c’est au seul prix de leur sacrifice que, peut-être, seront sauvés leurs emplois. Qu’ils écoutent la reine du Chabichou s'ils n’ont pas confiance dans le libéralisme, et ils n’auront plus demain de pain sur quoi manger son fromage ! Ils peuvent toujours rêver, je vous l’assure : leurs désirs d’avenir ne sont pas de ceux qu’on assouvit dans une camionnette Ford, fût-elle respectueuse de son environnement.


Denise s’étonne que mon blogue se spécialise imperceptiblement dans les camionnettes. C’est une curiosité intéressante, je le concède, dont j’avoue ignorer la symbolique freudienne. Mon intuition m’entraîne vers la location, au double sens du (mauvais) lieu et du louage. Ayant perdu la chambre, relouée à la gazza ladra qu’on sait pour un bail inique de cinq ans, j’ai sans doute opéré un transfert sur la camionnette, dans quoi l'homme peut louer les services d’une assistante, avec qui parlementer en caressant son gagne-pain. Dieu soit loué, je n’en suis pas encore arrivé là !

dimanche 12 octobre 2008

A louer


Croisé hier cours Victor-Hugo une camionnette sur quoi on pouvait lire en gros caractères : "Louez-moi". Ai goûté la franchise ambiguë de ce bel encouragement, que mon T-shirt aurait pu lui-même arborer en cette chaude après-midi d’été indien. Nul n’ignore en effet combien je suis "emprunté", au sens où les indigents de la chose publique récupèrent toutes mes idées, pour feindre l’imagination dont ils sont dépourvus. J’avoue volontiers ne pas rechigner par ailleurs aux louanges que mérite mon action dans la ville, en France et dans le monde. Qu’on me loue donc, du matin jusqu’aux urnes, puisque tel est mon destin ! Aux quelques revêches obtus qui s’y refusent, je conseille de s’occuper à la lecture de Marc-Aurèle, selon qui "l'émeraude ne perd pas de sa valeur faute de louanges". Je suis un Vert plein de carats.


Le chanoine paillard et la chancelière coincée à Colombey… On était bien loin hier du Général y accueillant Adenauer en cinquante-huit ! Le grand homme a dû se retourner dans sa tombe, à sentir trépigner si près de lui le petit fossoyeur du gaullisme. De tous points de vue, c’était un peu la rencontre incongrue de l’étalon avec les talonnettes; soyons francs, même des échasses n’y auraient rien changé ! Ma raideur en revanche eût été d'une autre allure, croyez-moi, tant pour inaugurer le mémorial que pour imposer mes remèdes à la crise. Mais, on le sait, l’acharnement des juges a détourné la marche de l’histoire et, en me contraignant à un humiliant exil, ils ont pris la lourde responsabilité d'un séisme financier planétaire. Qui, face à ce gouffre dans quoi la France s'abîme chaque jour davantage, oserait encore prétendre que nous avons la meilleure justice du monde ? Quel gâchis !


La lecture du Général m’a renvoyé à Machiavel, authentique Nicolas de la politique celui-là qui, je le sens, est toujours présent sous sa plume. J’offrirai un jour au prince Zébulon de la République le Discours sur la première décade de Tite-Live (plût au Ciel qu’il ne double pas lui-même un pitoyable lustre !). Il y lira, depuis son manège enchanté, que "ce n’est pas le titre qui honore l’homme, mais l’homme qui honore le titre". Cela dit, notre chanoine du Latran n’a pas besoin d’être pape pour faire des bulles, on le voit tous les jours, et il laisse aux médecins les ordonnances. Tenant du titre, il l'abaisse à sa hauteur pour mieux en jouir, et l’honore comme il le ferait d’une courtisane. Plus sensée que ses juges, la France reconnaîtra-t-elle enfin bientôt son Sauveur, dont la vive intelligence croupit indignement au fond d’une province méridionale ?


En attendant, pendant que le clone de Louis de Funès réunit son eurogroupe à Paris, je m’en vais traverser le fleuve à bicyclette avec Nisa, pour honorer avenue Thiers des étals de vin bourru et de saucisson, patrimoine culturel de notre région méprisé par une poignée de juges européens, au profit d’une infâme bouillabaisse. M’explique-ra-t-on un jour pourquoi, à chaque promesse d’ascension, des juges se mettent invariablement au travers de ma route ? Puissent les urnes empêcher demain que l’histoire se souvienne de moi comme la victime expiatoire d’une démocratie de prétoire !

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P.S. Denise me fait promettre de ne pas me retourner sans cesse sur mon vélo, comme pour m’assurer que la péronnelle qui m’a volé mon siège n’est pas en selle derrière moi. Je n’y peux rien, c’est devenu une obsession. Est-ce donc parce qu’elle me prend pour un paon qu’elle est toujours dans ma roue ?

jeudi 9 octobre 2008

Les Géants




Feuilleté l’œuvre du Général hier soir, retour de Bruxelles, au gré de phrases soulignées au crayon et marquées de signes plus dans la marge, émouvants témoignages de visites passées, comme de la pointe d’un canif dans la pierre d’un monument, pour dire qu’on était là. Ces passages sont pour moi des miroirs lumineux où je continue de me reconnaître. Ainsi : "Rien ne rehausse l’autorité mieux que le silence, splendeur des forts et refuge des faibles ", dans Le fil de l’épée. Et puis : "On ne fait rien de grand sans de grands hommes, et ceux-ci le sont pour l’avoir voulu", dans Vers l’armée de métier. J’y retrouve à la fois avec émotion mon exil québécois, trop facilement qualifié de "silence de l’amer", et ma splendide vocation à la solitude des cimes où, s'il est rare, l’oxygène est pur aussi tant il est peu respiré.

Étrange résonance aujourd’hui dans la consécration planétaire de Le Clézio, nouveau prix Nobel de littérature. Je pense à Bogo le Muet, dans son roman Les Géants*, infatigable Sisyphe reconstruisant chaque jour sa pyramide de sable, sur une plage rebelle au piétinement des hommes qu’elle "renvoyait chez eux à leurs petites histoires d’hommes". Je pense aux "petites soupes" sur de "petits feux" à quoi je suis plus ou moins réduit ici. Ô plages sœurs d’Irlande et du Canada, également hospitalières aux solitudes d’exception !

Denise me fait remarquer qu’il n’est sans doute jamais venu au Général l’idée saugrenue d’admi-nistrer Colombey-les-deux-Eglises, ou d’aller pleurer quelques subsides à un vague commissaire européen. Femme délicieuse et cruelle ! Il faut bien s’agiter dans la division où l’on a été relégué, que voulez-vous, et feindre de s'y épanouir ! Nisa ajoute, perfide à souhait, que, si l'on en croit Tournoux dans La Tragédie du Général, le grand homme aurait confié qu’"on ne devrait pas accepter de responsabilités suprêmes au-delà de soixante ans". C’était une autre époque, où l’on était vieux bien jeune ! Pour un homme d’action, la sagesse n’est littéralement que spéculation à rebours, au sens où tout miroir (speculum) est un rétroviseur. Son âge lointain est celui des mémoires, quand la messe sera dite. Jeune sexagénaire, je me sens pour l'heure en excellente forme pour la suprématie.

Voilà vingt-trois ans déjà que la France n’avait pas été consacrée par le Nobel de littérature. Soyons francs : qui lit encore aujourd’hui Claude Simon ? Cette honorable distinction, comme bien d’autres, n’est-elle pas finalement qu’une majestueuse dalle de marbre sous quoi allonger les écrivains pour leur dernier sommeil ? Je gage qu’il en sera de même de la Canebière qui, consacrée pour 2013 par un jury honteusement soudoyé, sombrera dès 2014 dans l’indifférence des circuits touristiques et culturels, à l’instar de Sully Prudhomme ou d’Anatole France. Croyez-moi, on ne saura pas davantage, en 2015, citer un monument de Marseille qu’aujourd’hui un roman du pauvre Anatole. Je sais d’expérience qu’il est plus enthousiasmant de vouloir être que d’avoir été ; on ne peut être sauvé que par sa renaissance, pas par son passé.

Avoir été. C’est un peu le thème de L’Enfer de Matignon**, à la fois un livre de Raphaëlle Bacqué et un documentaire de Philippe Kohly où j'apparais, que diffusera France 5 à partir du 20 octobre. J’ai eu ma part de cet enfer-là, on le sait, mais j’ose dire, à onze ans de distance, qu’il s’y passait au moins quelque chose ! Que j’y affrontais des événements à ma mesure et des hommes proches de mon gabarit cérébral ! Pour tout dire, c'était mille fois plus exaltant qu'un purgatoire municipal, qui jamais ne connaîtra les braises ni la flamme.
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* L'imaginaire Gallimard
**Albin Michel

samedi 4 octobre 2008

Aimé Césaire


Me réjouis que le jeune et gentil remplaçant du sinistre Roussy, à la tête de notre communauté urbaine, ait eu son Poutou matinal dans le TGV de Paris, à l’heure du laitier. Non pas que je lui ménage moi-même mon affection mais, au train où vont les choses, je ne m’étonnerais pas qu’il rebaptise bientôt sa ville Blanque-Ford, en mémoire de l’usine qui va se faire la belle. Avec une joyeuse troupe, pancartes et calicots, il s’est donc offert aujourd'hui le Mondial de l’automobile, dans un train spécialement affrété par le comité d’entreprise - qui doit avoir sa cagnotte, tenez, comme le sénat !


Outre le Poutou de la CGT et autres coreli-gionnaires, il y avait dans ces wagons de l’aube, me dit-on, des représentants de tous les partis politiques. Tous, sauf un : celui que j’ai donné naguère à la France, comme le général le RPF, et dont il me faut - pauvre Sisyphe ! - reconquérir aujourd’hui la présidence… départementale ! Que ne m’a-t-on invité à bord du train, en tant que successeur à l’hôtel de ville de ce maire séducteur au nom de stade, qui avait su attirer chez nous le constructeur automobile américain ? Je ne comprends pas cet ostracisme d’un autre âge, qui m’afflige et me blesse. Mon agenda étant très chargé, j’aurais volontiers délégué mon légionnaire, lève-tôt en mal de nouveaux combats à perdre.


J’ignore si le MoDem et la LCR ont saucissonné sur la même banquette de première classe, et offert l’un une orange et l’autre un coup de rouge à l'Aimé Césaire de Ford-France, pour lui remonter le moral. C’est en tout cas beaucoup de bruit pour rien et, depuis plus d’un an que la nouvelle est tombée, ces seize cents ouvriers auraient été bien avisés de chercher un nouvel emploi, plutôt que de s’obstiner à réclamer bruyamment l’impossible ! Eu égard au marasme économique et financier dans quoi se trouvent aujourd’hui plongés la France, l’Europe et le monde, il est même franchement indécent, pour tout dire, de garder le nez enfoncé dans son petit nombril, au lieu de tendre courageusement la narine vers de lointains gisements d’emplois. A tout prendre, un maire adepte des énergies renou-velables aurait été mieux inspiré, croyez-moi, d’envoyer ces pauvres gens se battre pour des moulins à vent, au nom du développement durable !


Quoi qu’il en soit, je préfère ce brouillon cub dans son TGV matutinal, plutôt qu’à marcher sur mes platebandes ou à faire le nez devant une facture de ligne à grande vitesse, en prétendant qu’il a laissé son carnet de chèques dans un autre veston. Sait-on à propos que, pour le congrès socialiste, ce doux rêveur a rejoint, avec jean et baskets, la motion de la nouvelle star bouclée du Zénith parisien ? Le voilà donc par ricochet acoquiné localement avec la mia gazza ladra, qu’on va sans doute bientôt voir me filer le train sur les tribunes officielles avec une guitare électrique. Cela dit, le petit chanoine ayant installé à l’Elysée una bella cantante qui lui chante "Tu es ma came", il est bien naturel qu’on reconnaisse à un élu socialiste son droit à l’héroïne.

mercredi 1 octobre 2008

Après l'an pire ?


Lu ceci hier, sur un blogue dont je tairai le nom par charité bien ordonnée, sous un titre à l’ambigüité plurielle - Crises : "Nous sommes tous choqués par l’ampleur, la brutalité, la complexité de la ou des crises qui secouent la planète. Qui a vu venir le coup ?" Et plus loin : "Soyons francs. Au-delà des déclarations de principe, personne n’a vraiment compris, anticipé, agi. Encore aujourd’hui personne ne sait vraiment où tout cela va s’arrêter." N'est-ce pas rassurant !

On croirait d’une suite de tremblements de terre et d’éruptions volcaniques, ou de la pandémie d’une Peste majuscule, comme dans la fable de La Fontaine ! Ne tournons pas autour du pot : j’affirme qu’un homme d’Etat véritable est celui qui voit dans la nuit des autres ; telle la chouette d’Athéna, il est lucide. Franchement, que penserait-on aujourd’hui d’une personnalité politique de haut rang qui, confrontée aux assauts du nazisme, aurait osé en 1940 une telle déclaration au lieu, comme de Gaulle, de s’insurger au premier jour ? Je l’ai déjà écrit ici : il faut d’urgence à ce siècle, comme au précédent, son général visionnaire. Soyons francs : qui d’autre que moi peut prétendre aujourd’hui à ce rôle, qui n'est pas de composition ?

J’ai cité en d’autres combats le Traité de décomposition de Cioran. Dans ce registre, je recommande ardemment aujourd’hui aux aveugles la lecture d’un livre d’Emmanuel Todd, paru en 2004 : "Après l'empire : Essai sur la décomposition du système américain". Tout y est ou presque, preuve qu’il vaut mieux préférer parfois la fréquentation des démographes à celle des sismographes, si l’on n’est pas soi-même trop sensible aux mouvements profonds du monde. Faute de quoi, on expose dangereusement les citoyens aux facéties de banquiers avides et inconséquents, dont on finit toujours par classer les turpitudes en catastrophes naturelles. La foi du libéralisme débridé a ses limites : il ne s’adresse jamais à Dieu pour un miracle, mais toujours à l’État, dont il boude bien moins les deniers que le culte Me laissera-t-on, avec une baguette de coudrier, retrouver les sources du gaullisme pour la France, ou suis-je condamné à subir et ne rien comprendre, ou du moins à le prétendre, tel Nicolas XVI ou ce plaisant blogueur obtus qui se reconnaîtra ? Ô miroir !

Hélas, à l’heure où la cité vit, sans moi ou presque, au rythme de réunions ministérielles européennes sur le devenir du monde, présidence française de l'U.E. oblige, il ne me reste guère pour agir sur la Crise que la surveillance du Crédit municipal.
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P.S. Denise, ma tentation durable parisienne auprès de qui je m’épanchais tout à l’heure au téléphone, m’a conseillé d’ouvrir au hasard l’intégrale de Cioran de Quarto-Gallimard, que j’avais sous la main. Suis tombé sur ce syllogisme de l’amertume : "La malhonnêteté d’un penseur se reconnaît à la somme d’idées précises qu’il avance". Comprenne qui pourra. Comme celles du Seigneur et du capitalisme financier, les voies de Cioran sont parfois impénétrables.