"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

dimanche 22 février 2009

La particule et le tiret


Je m’engage solennellement à ce que ce pont soit inauguré en 2012 par le président de la République. Mieux encore, je m'engage ici à ce qu'il constitue la première inauguration du quinquennat. L’ère des yachts de milliardaire sera derrière nous. J’arriverai en paquebot, par l’estuaire et, pour la première fois, on lèvera le pont pour mon passage, pendant que mes anciens administrés en liesse agiteront sur les quais de petits drapeaux tricolores.


Comment l’appellerons-nous ? Soyons francs : lui donner mon nom ne manquerait pas d’allure, mais serait sans doute prématuré. Denise me susurre "La grande traversée", sans trop y croire. Pourquoi pas le pont de la Discorde pendant qu’on y est ? Personnellement, je le verrais bien en pont René-Magritte. Sans vouloir narguer certaine personne, un grand panneau indiquerait sobrement aux oublieux, à chaque extrémité de l’ouvrage : "Ceci n’est pas un tunnel" - pour les encourager à éteindre leurs phares et rabattre leur caquet ! J’ai gagné ! En solitaire, comme d’habitude. Contre vents et marées. Je suis certain que nos amis de l’UNESCO auront enfin compris qu’ils n’ont qu’à bien se tenir, à l'instar des juges du tribunal administratif. Ce sera un pont : jamais je ne rendrai mon tablier !


Puisque j’évoque en creux mon futur prédécesseur à l’Elysée, parlons de lui sans détour. Je sais qu’il ne fait pas mystère de n’avoir "rien à f..." de moi, ce que la presse traduit pudiquement par "rien à faire". Nonobstant ma tentation, je m’interdis de lui répondre en public par des propos de salon de l’agriculture, plus conscient que lui des écarts qu’interdit la solennité de ma future charge. Présent ou à venir, un maître de Versailles ne s'oublie pas dans la paille, fût-ce d'une porte éponyme ! J’ai connu le pavillon de la Lanterne plus distingué. Mais venons-en au fait : que me vaut cette délicatesse suprême ? La préparation d’une mayonnaise électorale dans les cuisines du palais, me dit-on, pour le scrutin européen de juin. Pour ses douze étoiles au Michelin, notre chefaillon serait prêt à s’asseoir sur une mienne adjointe à tiret pour une Toulousaine à particule, pouliche d’un ancien président accordéoniste promise au tiercé dominical gagnant du 7 juin. Croit-on là-bas - ou là-haut, si l’on y tient - que je vais me laisser faire ? J'en ai vu d'autres et on ne va tout de même pas, sur ce coup, oser m'envoyer encore les juges !


Si l’on veut la guerre, OTAN que les choses soient claires ! A cette heure, le charlot de Carla aura décrypté ma tribune du Monde, dans quoi je m’interroge au grand jour sur la pertinence de notre réintégration dans le commandement militaire de l’Alliance. Habité par le Général, qui me guide en toutes choses, j’exige un débat de fond, au nom de son immense héritage. Qu'on se le dise : si d’aventure la particule l’emporte sur le tiret, je me fais fort de mobiliser nos troupes pour que les Français et leur parlement s’opposent à la réintégration, qui nous exposerait à une mise sous tutelle ! Que le petit Hun y regarde donc à deux fois, comme je l’ai écrit en toutes lettres dans Le Monde ! Et qu’il fasse le bon choix pour la France, comme disait l'autre, entre un ancien président politiquement mort et un futur on ne peut plus vivant ! Le bon sens, qu'il m'en croie, serait d’intégrer la saucisse toulousaine à la potée auvergnate, si l’on veut s’obstiner à en faire une saucisse de Strasbourg. La seconde de liste sera blonde et d'ici, je m'y engage : il me faut toute la ville derrière moi sur le pont !


Un vol de grues a passé avant-hier au-dessus de la cité, remontant en V vers l’Europe du Nord. C’est le signe du printemps. Curieusement, c’est le moment que choisit ma pie voleuse pour s’envoler vers le soleil de l’Afrique, à rebours du calendrier. Aurait-elle perdu le sens de l'orientation ? On l'a en effet vue embarquer aujourd'hui de son plein gré sur un vol pour Bamako. Honni soit qui Mali pense ! La voilà qui, telle la Carla de notre petit charlot, s’en va deviser du SIDA hors de nos frontières. Franchement, si elle trouve l’Hexagone trop exigu pour y déployer ses ailes de géant, que son parti ne l’envoie-t-il sur les roses à Strasbourg ? Je dégoterai au débotté quelqu’un pour la remplacer à l’assemblée nationale, qu’on se rassure ! Denise me suggère de parler d’elle à Giscard, qui pourrait tenter de convaincre la fille Delors. Comme dirait l'ami Bignolas, "faut pas rêver !"

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Denise, puriste en diable, me fait remarquer que je confonds trait d'union et tiret. Quelle est la différence pour un trait d'union, certes bien nommé, qui relie le mari au père, lui-même ancien adjoint ? Comme on l'eût dit dans la langue médiévale, le trait d'union n'est après tout qu'un tiret tréci.

dimanche 15 février 2009

Liter, militer, déliter


Sait-on le verbe qui définit l’action de superposer les poissons salés dans les barils ou les caques ? Non. Grande tristesse face à l’érosion de la langue, ou à la porosité de neurones oublieux qui la laissent s’échapper de notre mémoire collective. Je veux parler de "liter", croisé récemment en flânant dans un vieux Larousse rescapé de mon enfance de pinèdes. Repensé à lui cette semaine, à la faveur d’une nouvelle immersion dans le bain militant de notre grand parti départemental. Non pas que mes compagnons de la septième circonscription sentissent le poisson en saumure plus que le Roussy mais, à les écouter grogner, je n’ai pu m'empêcher de rapprocher "liter" et "militer" ; c’est qu’ils ne semblent adhérer qu'à demi à la politique d’un président qui, ces jours-ci, lite systématiquement en couches successives ministres et médiateurs, les seconds appliquant un baume sur des plaies salées par les premiers, pour en calmer la morsure. Cette politique à la sauce "sweet and sour", façon asiatique, ne manque pas de dérouter des palais plus familiers chez nous de la garbure, du confit et des graves.


Ainsi des enseignants-chercheurs qui sont dans la rue. Qu’y cherchent-ils et quel enseignement doit-on en tirer ? Soyons francs : que diraient-ils eux-mêmes s’il prenait, à la foule de nos administrés dont la rue est l’unique domicile, d’occuper les amphithéâtres et les laboratoires de recherche avec leurs chiens, pour s’y tenir au chaud ? Ils veulent, me dit-on, être associés à la réforme de leur recrutement, de leur rémunération et de leur notation. Diable ! Plutôt que d’être évalués scientifiquement, voudrait-on que les plus mauvais d’entre eux fussent dénoncés à la ministre par les meilleurs, à la faveur de quoi on renouvellerait aux délateurs leur permis de séjour à l’université ? Soyons sérieux, nos facultés ne sont pas des caques empestant ce type de saumure ! Croyez-moi, quand on veut conduire une réforme, la dernière chose à faire est de consulter ceux qu’elle concerne, qui s’efforceront de la freiner. On ne contestera pas sur ce point mon expérience et ma prétention à savoir ce dont je parle. Je suis constant dans ce domaine comme en toutes choses : il faut imposer, sans concertation ni médiation. Le peuple a besoin de sentir la poigne, surtout quand il rue dans les brancards.


Cela dit, très sincèrement, je ne vois pas la France se déliter. Loin de moi l'idée de nier pour autant certaines turbulences, dont il ne me déplairait pas du reste, je l'avoue, qu’elles pussent déstabiliser un blême pygmée hexagonal, à qui le miroir abusé de sa salle de bain renvoie chaque matin l'image d'Obama. Notre pays est sans conteste dans une mauvaise passe mais, s’il sait rapidement mettre son destin en de bonnes mains, que j’ai propres et musclées, il se relèvera demain avec panache, comme il a su le faire au siècle dernier. Nous avons ici, mon Général, une rue Sainte-Colombe et, aussi, bien plus de deux églises ! Je ne laisserai pas un clown, fût-il dans votre fauteuil par la volonté d'un peuple crédule, abîmer votre Grand Œuvre, dont j’exigerai le classement au patrimoine mondial de l’UNESCO ! Et, quoi qu’il m’en coûte, je n’hésiterai pas une seconde, comme vous avez su le faire, à prendre d'abord la tête du gouvernement, pour rendre la France à votre Grandeur.


On aura compris que je demeure optimiste et déterminé. Comme l’a rapporté la presse locale, toujours atttentive au moindre de mes propos, je préfère en effet voir mon verre à moitié plein qu’à moitié vide. Ne parlant que de moitié, je ne voudrais pas néanmoins qu’on me rangeât dans la catégorie des mi-litants évoquée plus haut. Qu’il soit donc clair que je préfère bien sûr un verre carrément plein à un verre complètement vide, mais la conjoncture est hélas difficile, et le verre fort fragile. Notamment dans la filière viti-vinicole, dont on sait qu’elle m’est chère. En refusant obstinément la publicité pour l’alcool sur l’Internet, ma pie voleuse prône ni plus ni moins la politique du verre vide. Elle prétend s’opposer aux seuls alcools forts et non pas au vin ? Quelle hypocrisie ! La réalité, c’est qu’il y a plus d’hôpitaux que de châteaux dans sa circonscription : elle donne dans le clientélisme. Et le corporatisme, défendant l'hôpital contre l'ébriété. Puisque la vérité est dans le vin, il ne reste à l'oiselle chapardeuse que l'ignominie du mensonge. Mais nul n'ignore plus aujourd'hui qu'on meurt moins dans ce pays d'alcoolisme que de maladies nosocomiales : je sais que les Français, en trinquant à sa santé, rendront bientôt grâce à ma chère Roselyne d'avoir, une bonne fois pour toutes, délité leur funeste et public hôpital.

samedi 7 février 2009

Pallas et Thémis


"Un ministre, ça ferme sa gueule. Si ça veut l’ouvrir, ça démis-sionne." Curieuse maxime de Chevènement, à la réflexion. En 2007, n’ai-je pas dû démissionner sans l’avoir ouverte ni fermée ? Le conseil des ministres, voyez-vous, est devenu un stupide jeu de cartes, dans quoi celui qui tire la dame de pique doit se retirer. Un sort funeste a voulu que je fusse celui-là, au grand désespoir de la France qui en a sombré dans la crise. Depuis bientôt deux ans, telle une bernique impénitente sur son rocher, cette maudite Pallas garde impunément le derrière collé à mon fauteuil ! Et voilà que, à la tête de son comité socialiste de ville, elle se prend maintenant pour l'Athéna municipale ! Quelle Minerve, mon Dieu, quelle Minerve !

Pourquoi remuer ces souvenirs toujours à vif, me demandera-t-on ? A cause d’un éclat de rire franc de Denise venu, dans un froissement de papier, me chatouiller la nuque au petit déjeuner, tel un rayon de soleil juvénile. A la source de cette hilarité, une "indiscrétion" (sic !) de notre quotidien régional, selon quoi, quand il n’est pas occupé à terrasser le dragon de la crise, nain Georges raconte que je lui pleure un maroquin à chaque fois qu’il me rencontre. Attendez ! Le comique n’est pas dans cette vérité ; "Nos informations disent l’inverse", peut-on lire sobrement à la suite. Ce n’est pas à mourir de rire, mais tout de même assez drôle, Nisa a raison. Voilà un vrai journal d’information ! Ici encore, au moins, ma parole est-elle d’évangile : mes pieux mensonges y sont pieusement acceptés.

Trêve de plaisanterie : les Etats-Unis d’Amérique nous ont montré, avec l’élection d’Obama, qu’il est temps que les affaires du monde soient reprises en main par des personnalités d’envergure mondiale. Croyez-moi, ceux qui répondent en France à cette définition se comptent sur un doigt de ma main. Peut-on dès lors continuer de me gaspiller dans des joutes municipales de province où, quand des roquettes s’abattent sur Israël, je dois me résoudre à être attaqué, moi, par des roquets ? Soyons francs : je suis ministrable, comme on dit dans une agence immobilière d’un terrain qu’il est "piscinable", au sens où j’ai la nécessaire dimension. Comme l’induisaient la semaine dernière, de manière subliminale, les slogans de la gigantesque manifestation nationale de nos compatriotes, il convient donc que je sois très rapidement "reministré". Où l’on voudra, tant je puis faire la grandeur de n’importe quel ministère ! Tenez, pourquoi pas à la justice, par exemple ? Connaissant bien le monde judiciaire, j’ai quelques idées personnelles à proposer pour sa réforme. A la faveur du départ annoncé de l’amère célibataire de la place Vendôme, j’exige qu’on me donne enfin la possibilité de valider les acquis de mon expérience, comme le prévoit la loi, et ne m’oppose pas à un mouvement spontané de soutien national.

Selon des amies de Denise, revigorées par le crédo social du Hun qui par miracle a recouvré la vue, on ne comprend pas, dans le triangle d’or, la discrétion de ce blogue sur la victoire des Ford. Elle est imputable, voyez-vous, à mon incurable modestie. A ma timidité maladive aussi, qui m'empêche constamment de me mettre en avant. Si j’ai arraché cette victoire à mains nues, quasiment seul je dois le dire, au prix de ma santé parfois, c’était pour la leur offrir, non pour m’en glorifier. Je me réjouis que mes propositions aient été entendues par le généreux repreneur allemand : j’avais compris, avant tout le monde, que l’agitation des Ford n’étant largement que du vent, leur avenir se trouvait dans la fabrication de pièces d’éoliennes. Elle-même spécialiste de la chose, la ministre en visite m’en a justement rendu hommage, en méprisant par son silence ceux qui, insensibles à la menace du chômage, m’ont lâchement abandonné à la manœuvre pour aller battre, dans un inutile fracas, le pavé de la capitale. J’ai donné aux Ford leur victoire : à travers moi, la République leur doit maintenant la Justice.