"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

dimanche 26 avril 2009

Constance

Constance ou malédiction, je ne saurais dire, mais le mauvais sort s’acharne sur cette ville. On se souvient assurément du déjeuner municipal des indigents de Noël dernier, où un pauvre hère affamé mais sans vergogne avait dérobé son portefeuille à une conseillère municipale. Bien que le voyou soit heureusement depuis sous les verrous, j’ai été cette semaine victime de la même mésaventure : mon portefeuille a disparu. Je crains hélas que mon petit voleur ne soit au-dessus des lois et de la justice, depuis que les Français ont eu la bêtise de lui offrir un escabeau. Ma sœur prétend pour sa part que, oublieux des proverbes de notre enfance, je me suis trop découvert en avril, alors que mon destin national ne tenait encore qu’à un fil, que le petit Hongreur a coupé court.


Puisqu’il est question de couper court, j’entends qu’on me taxe ici ou là d’inconstance. C’est un peu fort au regard de mon durable sacrifice ! Oublie-t-on que, quand main basse a été faite en 2007 sur ma circonscription, par une pie prétendument de haut vol, j’ai fait don de ma personne à mes administrés, pour respecter leur souhait de garder mes reliques en leur ville ? M’a-t-on jamais vu depuis revenir sur cet engagement solennel, courir après je ne sais quelles chimères ? A l’instar de notre équipe de football, je veux faire rayonner cette métropole dans l'Hexagone et dans le monde, voilà tout. Je n’ai, comme elle, d’autre ambition que le stade de France et la ligue Europe, je le jure ! Qu’elle se soit mieux débrouillée que moi ces dernières semaines, je n’en disconviens pas, mais en quoi ses succès, dont je participe et me réjouis, peuvent-ils jeter sur moi un quelconque discrédit, en me faisant passer pour un guignol ou une girouette ? Soyons sérieux !


Et soyons clair : mes administrés ont la chance d’avoir à leur tête un maire porteur : c’est auprès d’eux et avec eux, éclairé par un conseil municipal d’exception, que je veux réfléchir au moyen de sortir la France et le monde de la crise. Il m’avait échappé en 1995 et en 2007 que le maire d’une métropole n’a pas le temps d’être ministre. Jamais 203, comme disaient jadis les détracteurs de Peugeot ? Que nenni, on ne m’y reprendra pas ! Loin de la capitale, nous avons la chance ici de n’avoir pas le nez sur le guidon, ou au-dessous comme le président Razibus. Profitons-en et faisons contre mauvaise fortune bon cœur, quitte à avaler s'il le faut un parapluie. Qu’on sache que c’est sans regret que je rentre dans le rang, en pliant même légèrement les genoux pour éviter que ma calvitie ne dépasse. Soyons franc aussi : on n’a d’autre choix parfois que d’obéir aux ordres, en suçant discrètement des pastilles si l’on a des aigreurs.


Plus sérieusement et sans nous éloigner de notre propos, connaît-on suffisamment les vertus de la cerise aigre de Montmorency ? Sait-on que son jus est l’une des meilleures sources de mélatonine au monde, hormone indispensable au sommeil ? Enthousiaste, Denise vient de m’en commander plusieurs packs sur Internet, pour préparer mes siestes vernales, entre l’excitation de l’agenda 21 et l’exaltation de l’horizon 2030. Rassurons ceux qui pourraient craindre que je ne me rouille un peu dans cette torpeur méridienne : la cerise aigre de Montmorency est aussi extrêmement riche en antioxydants de type anthocyanine. Médecin dans le civil mais piètre couturière, ma pie voleuse pourra confirmer tout cela dans le détail aux lecteurs dubitatifs, plutôt que de me tailler inutilement des shorts.


On me dit que le grand artiste Tadashi Kawamata qui, le temps d’une fête, nous construira bientôt une passerelle "furtive", s’est un jour illustré en déversant des cagettes dans la cour de la Maréchalerie à Versailles. Merveille de l’art contemporain ! On pourrait lui suggérer de benner bientôt une tonne de cageots de cerises aigres de Montmorency dans la cour du pavillon de la Lanterne. Accompagnés d’un bristol à mon nom, en lettres italiques.

samedi 18 avril 2009

Cherry FM

Le nabot commence à me chatouiller la griotte ! Ce fourbe égocentrique n’a aucune parole et se joue de chacun sans vergogne ; c’est génétique : il est gavé tricheur, comme dirait Marie-Agnès ! Je m’explique.


Fin politique, je fignole depuis des mois un troc vital, pour que me soit enfin rendu un maroquin d’envergure ; la chose est enfin mûre et, au moment de conclure, il se paie carrément ma poire, ou si l’on préfère mon bigarreau ! C’est indigne. En clair, après avoir avec maestria fait monter crescendo la pression, j’ai accepté comme prévu, en début de semaine, de remiser ma petite Perrette à tiret au placard municipal, en échange du développement durable ou de Bercy, qui valent bien tout de même un pot au lait européen. Un coup superbe et parfaitement régulier, mais c’était compter sans le vert octogénaire entiché de sa dame à particule, qui a la rancune tenace des Bourbons dont il prétend descendre. C’est donc lui qui, à l’enterrement de l’ancien président du sénat, goupillon en main, aurait chuinté à Ragibuche Ier de m’aiguiller sur une voie de garage. A peine sorti du cimetière, l’autre a aussitôt pianoté sur son portable pour me proposer, avec une pompe exagérément funèbre, un ministère d’Etat aux anciens combattants ! Jusque dans cette bourgade de Loudun, au fin fond du domaine Royal, il faut encore qu’il m’empoisonne ! La bonne dame de ce lieu n’a pas pour moi les grâces de celle de l’Assomption, qui m’a vu naître et me protège ; qu’elle rôtisse en enfer, pour son manque de reconnaissance au maire de la ville qui l’a généreusement acquittée !


Les anciens combattants ! Le message subliminal de cette mauvaise blague est sans doute que mes combats sont derrière moi, ma soudaine résurrection n’étant qu’un phénomène médiatique appelé à faire pschitt. Je vous parie qu’il y a deux mille ans, ce torve Iscariote n’aurait pas davantage misé un denier sur l’avenir du Christ, préférant le vendre pour trente, et sans courir se pendre par-dessus le marché. On connaît pourtant la suite. Croyez-moi, les Français sont assez sensés pour faire la différence entre un camelot de foire du trône et un Sauveur authentique. Comme le disait François Mitterrand, "il y a toujours un avenir pour ceux qui pensent à l’avenir". Je n’arrête pas d’y penser, quoi que je fasse et où que je me trouve. Il est là, à ma portée, capital, et je suis résolu au lancer de nain, s’il le faut, pour assurer mon grand rendez-vous avec l’Histoire !


Espionne impénitente de mon écran du week-end, Denise me rappelle que Mitterrand a lui-même été ministre des anciens combattants, avant d’accéder à la magistrature suprême. Est-ce là ce que veut me faire comprendre le gnome à tics ? J’en doute, car mes affinités électives avec l’homme de Solutré, dont je ne fais pas mystère, l’agacent au plus haut point, qu’il a assez bas. Soyons francs : il est surtout jaloux que j’aie été l’apôtre préféré du bâtisseur de pyramide durant sa seconde cohabitation, comme Jean celui de Jésus. J’affabule ? Pas plus tard qu’hier, la ministre de l’intérieur, dont la bienveillance n’est pas la vertu cardinale, m’a communiqué sur ordre mon nouveau nom de code dans ses services : Cherry FM. A qui pense-t-on que renvoient ces initiales ? Ai-je jamais donné d’interview à la radio éponyme ? Le lecteur appréciera, comme Zapatero, le niveau de la banane verbale.


Un mot pour finir sur ma prétendue "installation" à Paris, avant de sonner le maringouin pour lui marteler une énième fois mes exigences, à la façon du père Coué. Un mot ? Non, plutôt un paragraphe, repris in extenso de mon billet du 10 mars 2008, sans en changer une virgule. C’était au lendemain de mon écrasante victoire, concomitante à celle de Lyon sur nos footballeurs : "Denise a délicatement évoqué ce matin la reprise de son travail, après son congé de campagne. Son activité professionnelle est à Paris, comme on sait : ai-je le droit de lui imposer à nouveau ces navettes épuisantes ? Dans la foulée de la journée internationale de la femme, serait-il infondé que l'homme libéré proposât de suivre son épouse dans la capitale ? Je sais que mes administrés le comprendraient, ayant souvenance qu'elle a bien su m'accompagner, elle, dans mon exil canadien."


Il n'y a rien à ajouter. La presse croyait-elle vraiment que je dormais depuis plus d'un an à Paris sous une canadienne ? Oui, nous y avons notre pied-à-terre. Et pour tout dire, aussi à l'étrier.

dimanche 12 avril 2009

Pascal Coué

Homme de méthode, monsieur Coué de la Châtaigneraie* mangeait comme moi ses châtaignes à l’automne et ses cerises au printemps. On sait aussi qu’il demandait à ses patients de répéter à haute voix matin et soir, vingt fois de suite la phrase suivante : "Tous les jours, à tous points de vue, je vais de mieux en mieux", sur le principe de l’autosuggestion consciente. Je peux personnellement témoigner que la méthode est efficace et, pour tout dire, sur le point de porter ses fruits. De nombreux micros m’étant complai-samment tendus à la faveur d’un formidable succès de librairie, je répète vingt fois par jour sans varier que, ma foi, je suis fin prêt à mettre mon expérience au service du gouvernement, sur les grands sujets nationaux et internationaux. La presse, qui le répète après moi comme une prière, n’en est plus qu’à supputer quel maroquin va m'échoir, au point d’évoquer la justice, sans sourire ni malice.

Toute idée qui se grave dans l’esprit tend à devenir une réalité dans l'ordre du possible, Coué avait parfaitement raison, et à sa suite Denise, qui a su me convaincre de la possibilité d'influencer favora-blement l’inconscient collectif par la suggestion itérative. Ainsi m’assure-t-on que la vente des cerises fraîches a drastiquement chuté depuis la sortie de mon livre. On voit bien également à la lecture des journaux que la France est non seulement prête à mon retour, mais mieux encore suspendue à cette espérance, comptant sur moi pour la sortir des affres de la crise. Coué me donne la certitude d’y parvenir. Tous les jours avec moi, à tous points de vue, les Français iront de mieux en mieux. Praticien lui-même du discours de la méthode, le petit nain semble moins pressé de mordre à l’hameçon mais, soyons francs, il n’a plus guère le choix !

En 2007, au lendemain du mauvais coup de la mia gazza ladra, j’avais confessé à mes administrés comprendre leur cruel message, leur inflexible volonté d’un maire à plein temps. J’ai plusieurs fois depuis réitéré ma détermination à demeurer prisonnier de cet austère cloître municipal, loin de l’excitant tumulte de la capitale. La médiatisation de ma résurrection nationale, autour de la célébration pascale, me vaut aujourd’hui d’être injustement traité de menteur par ceux qui ont la mémoire tenace et le pardon difficile. De quoi s’offusquent-ils ? Voulait-on que je désertasse mes administrés après cette fatale législative ? Aurait-on compris que je ne lavasse pas ensuite au battoir l’insupportable outrage, dans l’eau claire d’une élection municipale ? Ce qu’ils appellent mensonge n’était qu’un baume appliqué sur mes blessures, voyez vous, car j’ai été fait homme - de chair, de larmes et de sang.

Je suis aujourd’hui guéri. Mon hiver politique derrière moi, c’en est fini de ma saison en enfer ! Je trouve assez curieux au passage que personne n’ait saisi le sens pourtant limpide de mon titre à succès. Vous montrez aux imbéciles le noyau que vous avez au travers de la gorge, ils ne voient que la cerise. Il est grand temps que mes administrés se résolvent enfin au partage. S’il est monté au Cieux, Christ lui-même, qui se devait à l’humanité, n’a pas abandonné ses apôtres après sa résurrection. Il les a investis de sa flamme et leur a demandé d’aller porter sa parole. A leur image, je supplie aujourd’hui chaque habitant de cette ville de se réjouir et d’annoncer partout la bonne nouvelle : Youpi est ressuscité ! Il sera ministre, et bien plus encore à la faveur d’autres ascensions dont Dieu a le dessein ! Le centre de gravité de la planète a changé ? Celui de la France aussi en cette pâque de renouveau et d’espoir. Alléluia ! L'autre peut bien avoir la banane, je sais que le régime m'appartient !

En vérité, je vous le dis : au diable la chicaya politique ! Il nous faut maintenant nous aimer durablement les Huns les autres. Ce n’est que justice si la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi s’en va nous aimer parmi les sceaux. A sa place, je multiplierai bientôt les pins et les bouleaux pour les chômeurs et, comme l’aurait fait Jésus, je remplirai Bercy et marcherai droit sur les eaux de la Seine ! En n'oubliant pas, cette fois, de laisser mes bottes à Denise sur la berge.

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* Emile Coué (1857-1926).


dimanche 5 avril 2009

Guignolet

"Son pragmatisme s’appliquait ici comme sur tout autre terrain : s’il ne découvrait pas son plan d’avance, et ne faisait pas connaître ses projets, c’est qu’il les ignorait lui-même et qu’ils naissaient en quelque sorte des circonstances. (…) à la dernière seconde, (il) pouvait bifurquer dans une direction inattendue, nécessitée par la conjoncture." Qu’on ne s’égare surtout pas, en prenant pour celui de notre Cul-bas, face à la crise, ce portrait du Général brossé par François Mauriac* ! Notre Nobel eût-il seulement frisé le record de Jeanne Calment - son aînée de dix ans - que nous le verrions pouffer aujourd’hui face à ce modèle réduit, ersatz de successeur de son idole, bombant le torse à Strasbourg au bout d’une laisse tenue par Obama. Affligeant. Humiliant. Ridicule.


On me reproche jusque dans mon camp de ne m’être opposé que mollement, de manière circonstancielle, au fossoyeur du gaullisme, petit paon de l’Alliance atlantique dans la roue de l’Amérique. C’est injuste. Croit-on vraiment qu’on se soucie de mes avis au château, où l’on ne rate pas une occasion de m’éreinter ? Pour preuve ce nouveau surnom dont on m’y affuble, paraît-il, depuis mon succès de librairie ! On me rapporta d’abord "Guy Mollet", ce qui n’avait aucun sens. Mais non, renseignements pris, c’est "Guignolet" ! Est-ce donc moi qui ai l’air d’un petit guignol ? On peut moquer mes cerises au rayon des fruits frais, mais a-t-on mémoire que, dans la tourmente, le Général ait jamais fait annoncer par son porte-parole qu’il avait la banane et pas les boules ? La banane ! On est heureux pour sa Ciliegia, mais croit-il donc que la France se mène à la trique ?


Pour les européennes en attendant, il continue de nous la jouer ici façon banana split, entre la particule et le tiret. Soyons francs : je sens que l’ancien Verchuren de l’Elysée a déjà gagné avec sa saucisse toulousaine mais, pas franc du collier à son habitude, le petit rockeur à la banane ne veut pas encore cracher le morceau. Je n’abandonnerai pas sans contrepartie, il le sait, et je mets la barre très haut. C'est que, subjugué par l'intelligence du monde qui se dégage de mon récent bestseller, l’ancien conseiller social à Matignon de mon prédécesseur au nom de stade, autorité européenne incontestée, lui montre clairement la voie : celle de la présidence de la Commission, qui doit impérativement m'échoir cet été, pour en finir avec un falot Portugais, ensablé dans le libéralisme anglo-saxon. Oui, mon exil provincial a assez duré : je dois retrouver une place digne de mon envergure, d'où parler d’égal à égal avec les chefs d’Etat et de gouvernement de la planète, en attendant que me soient enfin cédés d’autres rênes. A quatre-vingt-trois ans, le père de la dame de fer du P.S. demeure décidément un homme lucide, dont il faut saluer l'appel et le discernement. Général de l'Europe, je serai à la hauteur de ses espérances ; digne aussi du héraut de l'homme de Malagar.

Guignolet ! Cet énergumène me soûle ! Mon aversion de la concupiscence n’a pas échappé à ses conseillers qui, goguenards, m’ont proposé cette semaine une mission sur l’éradication des mots sales de notre dictionnaire, citant compétent, convergence, cénobite, je ne sais quoi encore. Ces potaches cyniques se croient-ils vraiment malins ? Mon Thé ou Café n’était finalement pas judicieux, je le reconnais. Plutôt que Denise, j’aurais dû écouter les amis qui me l’avaient déconseillé, flairant les liens d'une complicité malsaine entre Ceylac, Razibus et deux ou trois trublions locaux, dont mon insupportable pie voleuse. Profitant de mon salon local du livre, cette dernière égrène sur son blogue (si j’en crois mes trolleurs, ignorant moi-même sa virtualité aride) un chapelet d’écrivains du cru, allant jusqu’à exhumer Jean de La Ville de Mirmont, qui n’a jamais fait le moindre plateau télé. De moi, il n’est évidemment pas question, malgré la place éminente de mon dernier ouvrage dans le hit-parade des ventes en librairie. Cette sorcière teigneuse et jalouse prétend masquer ma plume ! Pourquoi un tel manque de fairplay ? Pourquoi une haine aussi tenace ? Mes Cerises en hiver sont-elles moins dignes de Gabriel Fauré ou de Julien Clerc que son pauvre Horizon chimérique** ? Ah, si j’étais elle…

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* De Gaulle, 1964.

** Horizon Chimérique, Jean de La Ville de Mirmont, poèmes posthumes mis en musique par Gabriel Fauré et, plus près de nous, par Julien Clerc en 2000, dans son album Si j'étais elle.