"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

jeudi 24 septembre 2009

L'amoralisation

Homme ouvert comme on sait, je ne suis pas inattentif aux remarques de l’opposition quand elles pointent, par exemple, que Rikiki-fait-tout a les médias de ce pays à sa botte. J’en fais moi-même les frais après deux jours à Ouagadougou, pour la signature d'un vaste plan d’action de coopération décentralisée : pas un mot hier soir dans les vingt-heures de France 2 et de TF1, réquisitionnés par le général Razibus pour son show "Ici New-York", qui tenait davantage de Broadway que de l’appel du 18 juin, si vous voulez mon sentiment ! Cela pour entendre, entre autres inepties, que le carbone est coupable du trou de la couche d’ozone ! Va-t-on le pendre à un croc de boucher ? On comprend mieux, avec cette ânerie, pourquoi le nain est partie civile à l’ONU dans le procès intenté au gaz carbonique, ce qui n’explique pas toutefois par quel tour de passe-passe il a pu obtenir son bachot au rattrapage. Il est vrai que c’était une médiocre cuvée d'après soixante-huit...


Ainsi donc, les Françaises et les Français n’ont pas le droit de savoir que, deux jours durant, accompagné d’une importante délégation, j’ai été célébré par l’Afrique, réunie en session extraordinaire à la mairie de Ouaga. Etait-il donc dangereux qu’ils me vissent passer en revue, comme un chef d’Etat, les unités de la police municipale ? Pourquoi ne sauront-ils rien de ma visite du chantier de construction du caniveau de la rue Naba Zuleng Wekré ? Pourquoi le monde doit-il ignorer que le nom prestigieux de notre cité a été donné en mon honneur à l’artère la plus importante de la capitale, qui ne portait jusque-là qu’un numéro anonyme ? C’est que les médias ont pour ordre absolu, voyez-vous, de me sortir de l’Histoire dans quoi le gnomissime prétend que l’Afrique elle-même n’est jamais entrée ! Soyons francs : je n’en souffre pas pour moi-même, mais pour les Ouagadougouiens et les Ouagadougouiennes et, à travers eux, pour l’ensemble du continent africain et son développement durable. Aussi pour mes administrés et mes compatriotes, il va sans dire. Pour Denise enfin, première dame de la ville, qui souffre elle-même pour son mari, qu'elle avait accompagné dans cette visite.


Tant de souffrance injuste par la volonté et par l’acharnement d’un homme !


Heureusement, pour nous divertir un peu, nous avons trouvé à notre retour quelques bonnes feuilles du roman de la rentrée, aimablement adressées en service de presse à mon épouse digitale. Si la langue peu chargée du Cher Cousin de Bokassa Ier n’honore guère la Coupole qui héberge ses vieux jours, au moins faut-il lui rendre justice : elle a plus de tenue que celle de notre Joe Dalton, qui donne pour synonymes "prévenu" et "coupable". Quand bien même la princesse de l’ex-président est de Cardiff et non de Clèves, je crains qu’elle ne soit hélas plus accessible au petit prince, qui préfèrera toujours un cigare à un livre. Celui-là n’est pourtant qu’un peu de fumée.


De mauvaises langues qualifient en effet l’œuvrette du plus vieux "plus jeune président de France" de littérature de gare. On dirait dans nos châteaux, avec plus de délicatesse, que ce n’est pas de la littérature de garde. Qu’importe, cette piquette lui rapportera un peu d’argent pour restaurer le sien, c’est bien là l’essentiel. Franchement, sans fausse modestie, mes cerises d’hiver peuvent bien, à côté d'une telle bluette, prétendre à la Pléiade. Denise, qui n’a pas oublié le feuilleton du dernier scrutin européen dans la région, me fait remarquer que, sa Diane chasseresse n'eût-elle été conduite par un zouave sous le pont de l’Alma, le vieil Auvergnat fidèle l’aurait sans doute casée au parlement de Strasbourg, où la choucroute accepte sans discrimination la "sausage" de Galles aussi bien que la saucisse de Toulouse. C’est pure médisance.


La dernière ! Ma pie voleuse grimpe aux rideaux sur son blogue, me dit-on, contre la fiscalisation des indemnités journalières des accidentés du travail ! Quelle comédie ! Comment peut-elle nier que, outre un manque de vigilance du salarié, l'accident du travail soit une scandaleuse niche fiscale, qui représente un manque à gagner annuel de cent cinquante millions d’euros pour l’Etat ? C'est énorme ! Un peu de cohérence, s'il vous plaît ! On ne peut à la fois s'opposer hystériquement à la légalisation des jeux en ligne, au motif que de vulnérables oisifs y laisseront leur chemise, et contester que l’Etat impose leurs indemnités avant qu’ils ne les gaspillent sur Internet ! Comme dirait le vénérable auteur de La Princesse et le Président, vous n’avez pas le monopole de la moralisation, madame !


Denise me rappelle que je dois prendre un rendez-vous chez le dentiste pour un bridge. A ce propos, ne pas oublier de faire envoyer par la mairie une brassée de roses rouges à Irina Bokova.

mardi 15 septembre 2009

L'esprit d'équipe

Un ami un peu lourdaud s’amusait à comparer ce week-end ma candidature à l’Elysée, qu’il juge à un stade critique, à ma candidature à l’Euro 2016, qu’il résume à un stade critiqué. Quelques proches ayant été témoins de cette boutade, autant l’évoquer ici avant que Rikiki l’on sait ne l’évente lui-même avec gourmandise, puisqu’elle est sans doute déjà parvenue à ses oreilles. Qu’il sache donc que je demeure droit dans mes bottes, lui qui répète à qui veut l’entendre qu’il m’a botté en touche. Au moins ne m’a-t-on jamais vu, moi, tomber dans les pommes à la Lanterne, à l’époque où les Premiers ministres n’avaient point encore été expulsés de ces lieux par le petit prince. Sans vagale âme, je demeure déterminé à doter cette ville du plus grand stade de province, et la France de son plus grand président de la République ! En 2016, nous serons déjà à un an de mon second quinquennat. Le temps passe décidément bien vite !


De je ne sais quelle réunion Tupperware dans le triangle d’or, Denise me rapporte que, tel Narcisse si l’on en croit la rumeur, je me regarderais tous les jours au petit matin dans mon miroir d’eau, pour m’y abreuver de moi-même. C’est par crainte de m’y noyer que je n’aurais pas construit un vrai bassin mais cette pataugeoire sans hygiène ni profondeur. Narcisse ! Pourquoi pas la belle-mère de Blanche-Neige, pendant qu’on y est, tant je suis entouré ici de nains, sans même parler du pygmée de là-haut ! Soyons francs : "miroir d’eau" est impropre aux aurores de la cité, où mieux vaudrait parler de miroir d’alcool, piqué par les bris de verre ! Si notre jeunesse noctambule s’enivrait d’elle-même, plutôt que de spiritueux étrangers, nous n’aurions pas à ramasser au petit jour ses biberons éclatés. Vive le narcissisme !


A ce propos, j’ai été très peiné que l’éminent président du centre de Malagar n’ait pas pensé à moi pour ses vendanges annuelles qui, ce week-end, avaient pour thème l’esprit d’équipe. C’est précisément mu par cet esprit que j’avais signé comme lui la tribune de Noël du journal La Croix, et rappelé ma fidélité au message social de l’Eglise. Ce grand reporter à la retraite semble avoir déjà oublié le mot "solidarité" que, chrétiens réunis autour de la sainte Crèche, nous avions pourtant placé avec d’autres au cœur de notre engagement partagé. Comment peut-on en effet réunir à la Prévert une cheffe d’orchestre, un lieutenant-colonel, un ancien footballeur, un vieux moine, qui sais-je encore, sans penser au maire de la grande métropole régionale ! Quelle plus belle illustration de l’esprit d’équipe peut-on offrir au monde, en effet, que celle d’un conseil municipal ? Une équipe, c’est avant tout un chef, un capitaine, un maire ! C’est lui qui décide du cap et de la route, pas l’équipage, d’autant plus efficace que sa confiance et son dévouement sont aveugles. Comment édifierions-nous autrement des ponts et des stades ? Qu’on ait choisi de priver le public mauriacien d’un visionnaire de ce siècle demeure donc pour moi un mystère, à quoi le chrétien que je suis eût préféré celui de la Grâce. Croyez-moi, je saurai me souvenir de ce camouflet pas très catholique.


Puisqu’il est question de christianisme, je ne m’éloignerai pas de mon propos en évoquant la situation inconfortable de dame Faillaux que je dirais, si je l’osais, le cul entre deux bénitiers. Dans le scrutin régional qui s’annonce, elle figure en effet une sainte confrontée au supplice de la roue. Allez savoir pourquoi… Le ministre qui va de nouveau conduire notre liste est chargé comme elle des affaires sociales. En bon chrétien, il annonce par ailleurs sans ambiguïté son opposition radicale au suicide à France Télécom. Autant d’éléments qui témoignent d’une parfaite communion entre ces deux-là, pensez-vous. Que nenni ! Sous l’emprise des voix du Béarnais Soubirou, que les vents de Dieu poussent à bâbord, le ministre candidat n’est rien moins aujourd'hui que le diable ! Je m’inquiète auprès d'elle : n’est-elle pas bien en mon conseil ? Ne me soutient-elle pas sans barguigner dans toutes mes entreprises ? Si, si ! La voilà donc écartelée ! Reste à savoir laquelle des deux roues de sa bicyclette est encore chez moi et laquelle déjà chez Roussy, puisqu’on ignore si elle avance ou recule. A ce petit jeu, elle pourrait bien retrouver un de ces jours ses deux pneus crevés ! Et choisir finalement le cloître en s’y retirant sur les genoux.


Je ne suis pas peu fier de n'avoir pas évoqué aujourd'hui l'oiseau de malheur qu'on sait. On attire néanmoins mon attention sur "Concoïdie", une intéressante exposition de Gaëtan Lembeye au centre de Malagar. On y voit dans la cour, me dit-on, entre les chais du rouge et du blanc, une hélicoïde de polystyrène sculpté, fichée sur une souche dans quoi sont plantées... d'authentiques plumes de pie. Je m'efforce de décrypter cette mystérieuse allégorie.

lundi 7 septembre 2009

Haematopus ostralegus

Mea culpa. Ayant égoïstement négligé ce blogue durable dans les chaleurs d’août, j’en éprouve aujourd’hui un très grand regret. En cette rentrée, je prends donc la ferme résolution de ne plus abandonner à leur noire solitude les Françaises et les Français qui sont dans le besoin de ma lumière. Qu’ils acceptent la reprise de ce fructueux monologue avec eux comme le signe de mon hommage et de ma résipiscence.


J’ai évoqué ici en juillet ma passion de l’ornithologie estivale dans les Landes, à quoi j’ai pu m’adonner avec plaisir cette année encore, à Hossegor et à Seignosse où l’on rencontre parfois de drôles d’oiseaux, comme en politique. Pour l’assouvir, j’avoue avoir même poussé cette fois jusqu’en Islande, profitant d’une offre touristique avantageuse en raison de la faillite de ce pays, grâce à la crise financière mondiale. "Terre des extrêmes et des contrastes à la limite du cercle polaire", comme on dit dans les guides touristiques, cette île est aussi fascinante par ses oiseaux, que j’ai pu observer des heures durant à la jumelle. Faute de place, je n’évoquerai ici que l’étonnant Haematopus ostralegus, communément appelé huîtrier pie, sorte de grosse agasse au bec rouge et aux pattes roses, particulièrement habile à l’ouverture des mollusques bivalves. Allez savoir pourquoi, je suis tombé sous le charme de ce volatile trop rare sous nos latitudes, dont le chant septentrional résonne encore dans mes oreilles en cette rentrée : "klip klip klip" ! Denise m'assure que je l'imite très bien.


A propos de mollusques bivalves, ma rentrée s’est donc faite à Seignosse, comme on sait, avec mes joyeux compagnons de la majorité présidentielle. Soyons francs : même l’été, il ne faut pas à notre époque compter sur l’université pour former les élites ; on sait cela dans les grandes écoles que j'ai seules fréquentées. Les grosses têtes n'étaient donc pas légion dans cette cité balnéaire, et sans doute l’activité cérébrale était-elle plus intense aux Estagnots ou aux Bourdaines, dans les premiers jours de septembre, que sur ce pauvre campus à ministres improvisé sous des tentes.


A qui d’autre qu’à moi, figure tutélaire du Grenelle de l’environnement, pouvait-on dès lors demander comment ne pas asphyxier la majorité avec cette maudite taxe carbone ? Certainement pas à un ministre plus familier des vapeurs éthyliques que du dioxyde de carbone. Droit dans mes gougounes*, je n’ai donc pas tourné autour du pot : "Un bon leader doit savoir entraîner et convaincre", ai-je déclaré à la presse. Razibus le Grand, qui en privé me donne pour mort, a reçu cinq sur cinq, me dit-on, ce clair message de l’Au-delà : on démarre doucement les Français au chausse-pied avant que de se les faire aux forceps, même un légionnaire sait cela ! Comment, Premier ministre, aurais-je moi-même réussi mes réformes sans ces fondamentaux ? L’arrogance ne peut tenir lieu de communication politique ; il manque une propédeutique à ces universités d’été, et beaucoup de savoir-faire à ces ministres bavards.


Yann Arthus-Bertrand et ses grands banquiers de GoodPlanet sont mieux avisés que nos gouvernants ; ils viennent intelligemment, en effet, de me nommer vice-président de leur prestigieuse fondation durable, dont je n’étais jusqu’à ce jour qu’une modeste personnalité qualifiée. C’est autre chose, croyez-moi, qu’une soi-disant mission de représentation des régions dans une vague officine écologique des Nations Unies. Il n’y a pas photo, comme me l’a dit Yann en me félicitant ! J'ai maintenant les moyens de sauver la planète, sans attendre les compliments du petit Tom de l’Elysée ou de la dame aux chèvres du Poitou. Au travail !


Quelques mots sans rapport sur Jean Jaurès, fondateur de L’Humanité, journal moribond des vestiges du parti communiste français. A l’occasion du cent cinquantième anniversaire de la naissance du feu député du Tarn, ma gazza ladra – à ne pas confondre avec l’honnête huîtrier pie, quand bien même elle a comme lui les pattes roses – me somme de retrouver sa statue, si on l’en croit érigée jadis en majesté sur la place qui continue de porter son nom. Franchement, me voit-on faire toutes les caves de la ville avec un casque de spéléologue ? Combien de têtes de vieux barbons de la IIIe République risquons-nous de retrouver dans ces capharnaüms ! Ils se ressemblaient tous ! A vrai dire, il serait plus sage de penser à rebaptiser l’endroit. Je propose donc "place de l’UNESCO", pour faire le pont entre cette honorable institution et l’Europe, dont la maison se trouve justement là.

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* Tongs, en québécois.