"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

vendredi 27 novembre 2009

La gravelle

Lu ce matin dans la presse qu’un sénateur du Poitou et moi-même, anciens Premiers ministres rebelles, serions deux cailloux dans les chaussures du petit Poucet. Ma foi, si c’est un moyen de l'élever un peu, pourquoi pas ? Je ne lui souhaite pas en tout cas d’avoir l’estomac dans les talons, comme un nombre inquiétant de Français ; avec tous les noms d’oiseau dont on l’affuble, le petit coq pourrait sinon finir avec un gésier, et peut-être même nous pondre un œuf. Le diable nous préserve de toute tentation d'omelette !


Plus sérieusement, je suis à la mairie l’honorable successeur de Montaigne, en rien de sa gravelle pour la soulager dans un soulier, fût-il présidentiel. Loin de moi, donc, l’idée de jeter la pierre au petit Tom tant sa tâche est ingrate et difficile. Je le soutiens au contraire dans sa longue marche, sans ambiguïté. Soyons clair : s'ils ne sont pas les seuls, l’immigration et la sécurité sont bien deux sujets qu’il importe d'aborder sans tabous, y compris en période électorale. S'ils occupent impunément nos régions depuis bientôt six ans, nos socialistes querelleurs n'en ont pas moins des comptes à rendre aux citoyens dont ils jettent l’argent durement gagné par les fenêtres ! Et qu’on ne vienne pas me dire que ces gaspilleurs impénitents n’ont pas de compétences en termes de sécurité et d’immigration ! Il appartient bien aux régions, qui se gonflent d’avoir réinventé les TER, d’assurer enfin la sécurité des usagers de leurs petits chemins de fer ! Soyons francs : est-ce que Roussy, qui n'a jamais été violé dans un train, s’en soucie autant que de sa réélection ? Il était temps que la Cour des Comptes enfin s'en mêlât !


Sans plus de vergogne, des étrangers sans papiers manifestent aujourd’hui dans nos rues pour revendiquer leur régularisation comme un dû. Comment croit-on donc qu’ils sont arrivés dans la région, sinon par le train des socialistes sans même avoir payé leur billet ? Doit-on s’interdire de parler de ces choses-là dans une campagne électorale, au prétexte qu’elle n’est pas nationale ? Avec la suppression de la taxe professionnelle – ce foutage de gueule que l’on sait –, les Français ont plus que jamais le droit d’imposer dans les urnes leurs exigences territoriales, puisqu’on va les raquetter in fine pour en payer la facture. Ils ont donc le devoir de bouter la gauche hors de cette région, pour la sauvegarde de leur identité régionale ! Je les y aiderai, là où ils m’ont retranché, sans glisser le moindre petit caillou entre le talon de Rikiki et sa célèbre talonnette (qu’on appelle au gouvernement, me souffle-t-on, "semelle de tout").


Une fois n’est pas coutume, sautons du coq à l’âne. Selon Denise, NKM aurait récemment cité en exemple aux parlementaires le blogue de ma dame de pique. NKM ? Dubitatif, j’ai d’abord pensé à un groupe rock provocateur, du genre "Nique Karla Machin", mais il s’agit, m’assure ma femme digitale, de la secrétaire d’État à la prospective et au développement numérique. Ah bon… Franchement, j’ignorais que mon agaçante agasse tînt un blogue, ne voyant pas très bien par ailleurs l’intérêt qu’elle représente en termes de prospective. Cette activité distinguée serait-elle en rapport avec sa croisade municipale pour les jardins partagés, avec quoi notre Candide en jupons me chauffe durablement les oreilles depuis des mois, oubliant un peu vite qu’elle n’est plus élue communale ? Je la soupçonne d'avoir recyclé par dépit dans ce site web, voyez-vous, je ne sais quel vague fonds départemental d’équipement dont je m’obstine à bouder l’offre avec dédain, tel le héron de la fable sa commère la carpe.


Un blogue n’est-il pas en effet après tout qu’un jardin virtuel partagé, où l’on demeure douillettement entre soi ? Reconnaissons que le désherbage y est plus aisé que le dos courbé sur une plate-bande, entre deux voies de circulation ; de surcroît, on s’y épanouit durablement sans engrais chimiques, j'en fais moi-même l'expérience, bénéficiant du compost naturel de commentaires toujours avenants. Troublante Denise qui, allez savoir pourquoi, me déterre Jules Renard et son journal, l'humeur biblique : "Tu as rejeté les pierres de ton jardin dans le jardin des autres, et, pour y ajouter, tu as démoli un peu de ton mur." N’exagérons rien ! Le père de Poil de Carotte n’est tout de même pas Nostradamus : il n’y a pas plus de jardin que de cailloux dans les petits souliers de Razibus, et c’est bien ensemble que nous avons abattu le Mur, qui au passage était de béton, non point de pierre. Tout le reste n'est qu'affabultion.

vendredi 20 novembre 2009

Papy Blues

Angoisse ce matin au réveil, seul dans mon lit. Non, Chère Denise, ce poids atroce sur ma poitrine n’était pas dû à ton absence, mais à une autre séparation dont déjà j’appréhendais l’échéance depuis quelques jours. Soyons francs : quand j’ai tâté ton oreiller vide et frais à côté du mien dans la pénombre, c’est à mon compagnon d’emprunt que j’ai pensé aussitôt, pas à toi ; me le pardonneras-tu, dis ? C’est que j’avais appris à aimer jusqu’à son prénom, vois-tu, qui m’est pourtant une blessure fort agassante au féminin. Notre empathie était si forte que je me sens aujourd’hui à la fois veuf et vide du fruit de nos entrailles. Je comprends la douleur d’une mère porteuse après la délivrance, et souffre d’avoir abandonné hier notre enfant légitime à un père adoptif sans scrupules.


Éloignés l’un de l’autre contre notre gré, mon vieux complice et moi revendiquons de demeurer un couple durable, au service de la Nation, de l'Europe et du monde. Je peux le dire aujourd’hui, ce socialiste historique empreint d’écologie est un espoir à gauche, comme j’en suis moi-même un à droite, ce qui revient au même. N’avons-nous pas brillamment démontré notre aptitude à réaliser le compromis que voulaient les Françaises et les Français ? Entre nous, ce bel exemple donné à l’Europe ne nous prédestinait-il pas à gouverner ensemble l’Union, l’un à la présidence du Conseil et l’autre à la vice-présidence de la Commission pour la diplomatie ? En lieu de quoi les chefs d’État et de gouvernement ont désigné hier deux sombres inconnus, l’un découpé dans un album de Tintin et l’autre dans une revue britannique d’odontologie ! Nous voit-on vraiment partir à l’assaut de la muraille de Chine avec un tel attelage ?


Bien que lui aussi de petite taille, Napoléon était tout de même une autre pointure que notre Rikiki ! Jamais ce visionnaire européen n’aurait laissé, lui, mettre sur le trône de Bruxelles un roi qui ne fût pas de sa lignée, un général qui ne fût pas de son armée ! Le sélectionneur de l’équipe de France de football me semble à ce titre plus digne de l’Empereur que notre pygmée national, bien incapable de prendre la main pour vaincre. La France ne saurait accepter davantage d’être dirigée par un couple anglo-belge que de concourir au Mundial 2010 sous la bannière de l’Irlande : il y va de notre identité nationale, les Irlandais l’ont bien compris !


Comme l’a écrit Bonaparte, "les règlements sont faits pour les médiocres et les indécis ; rien de grand ne se fait sans l’imagination". Face au péril, avec ou sans ballon, le génie est de savoir prendre les choses en main, surtout quand on a joué comme des pieds ! Alors, je le dis haut et fort : l’Europe a besoin d’un grand emprunt ! Experts de haut niveau sachant faire les commissions, mon socialiste réformé et moi-même sommes à la disposition de l’Union pour le lever ensemble. Bénévolement s’il le faut, pourvu qu’on ne nous sépare pas comme nous y condamnerait une maison de retraite ! L’envers et l’endroit d’une pensée unique, nous sommes indissociables, tels des frères siamois soudés par le crâne.


Oui, L’Envers et l’Endroit. A ce sujet, je lisais hier que, initié par la prima donna à une philosophie qu’elle tient d’un précédent lit, Razibus se serait entiché d’Albert Camus, au point de vouloir le faire entrer au Panthéon. A-t-il bien tout lu du prix Nobel de littérature ? On en doute quand, à plus d’un titre, ce dernier a de quoi le faire frémir : Le Mythe de Sisyphe, L’Etat de Siège ou La Chute ne sont pas de bon augure en politique ! Ni L’Etranger, pour qui joue du violon à un électorat qui ne tolère les flux migratoires qu’au-dessus de ses palombières. Notre petit Tom pourrait donc bien découvrir qu’on ne prend pas aussi facilement, dans ses filets, un homme révolté de conviction qu’un second couteau socialiste mutant.


Trouvé ce matin dans le journal un petit air de ressemblance entre mon parpaillot et moi. Est-ce l’effet de Matignon ou celui de l’emprunt que nous avons réduit à feu doux ensemble ? Repensé avec tendresse à une remarque du Caligula de Camus, à Hélicon je crois : "Les vieux époux ont le même nombre de poils dans les oreilles tant ils finissent par se ressembler". C'est sans doute vrai. A défaut de milliards, nous allons avoir maintenant, mon socialo et moi, le temps de les compter.

jeudi 12 novembre 2009

The Wall

Heureux que Johnny soit venu refaire ses adichats à mes administrés, fidèle à cette ville qui l’habite comme elle est en moi. Toujours jeune bien que tout de même de deux ans mon aîné, il peut lui dire dans les yeux, comme moi-même à la France : "Je ne t'ai jamais menti", ainsi qu’il le fit dans une belle chanson de 2002 que par amitié, en hommage à mon livre éponyme trois ans plus tôt, il avait tenu à intituler Entre nous*. Se souvient-on du refrain de cette ode sensible et délicate ? "Entre nous / Aucune demi-mesure / Aucun mur ne tiendra debout / Entre nous / Toujours cette histoire qui dure / Depuis le premier rendez-vous / Une histoire d'amour entre nous." Croyez-moi, Barbara n’est pas loin.


Aucun mur en effet, Johnny a raison, sauf à prendre date avec l’Histoire a posteriori, comme vient de le faire notre petit Pinocchio sans vergogne, jusqu’à m’embrouiller moi-même dans mon agenda de 1989! Soyons francs : j’ai cru pouvoir lui faire confiance, puisqu’il était à l'époque mon grouillot ; mal m’en a pris. Franchement, je ne sais plus ; je suis confus, terriblement confus… Dois-je consulter pour des tests de mémoire ? Je le crains, ayant hier, à cause d’une nouvelle absence, zappé la cérémonie… du souvenir, parti que j’étais faire une commission dans la capitale, profitant d'un jour férié. Grâce à quoi on voit aujourd’hui, dans le journal, s’exhiber ma pie voleuse avec mon légionnaire, l’abritant fraternellement sous son pépin pendant le salut au drapeau ! Cette sinistre sénatrice ferait-elle déjà le siège de la mairie, après nous avoir pris celui du parlement ? Mon malheur, voyez-vous, est de n’être entouré que de gens très peu sûrs, qui toujours refuseront de se mouiller pour moi.


Malaise, angoisse. Un ami neurologue, consulté au téléphone, m’a demandé de compter à rebours de 16 jusqu’à 9, pour me rassurer. Quelle idée, alors que je jongle avec les milliards de l’emprunt et les millions du stade ! Les détracteurs qui m’accusent de mensonge croiront-ils que j’ai trébuché à partir de 11, à cause peut-être d’une pathologie cérébrale ? Ces chiens vont-ils s’acharner sur un pauvre homme abattu, menacé d’être bientôt peut-être le premier Alzhei-maire d’une grande ville de France ! Si mes Cerises ont été recalées au Goncourt 2009, je n’en exige pas moins le devoir de réserve des gens de plume, comme Razibus celui de madame Ndiaye.


A ce propos, la lauréate ne s'est-elle pas justement exilée à Berlin, où je me suis moi-même rendu en novembre 1989, je crois, à l’occasion de la célébration du deux centième anniversaire de la Révolution française ? C'est une curieuse coïncidence. Nous avions Razibus et moi, me souviens-je, emporté un petit arbre de la liberté pour le planter près du mur. Nous l’avons finalement jeté par-dessus, ayant oublié de nous munir d’une pioche. Si elle n’a pas été égarée dans notre déménagement à Ottawa, je crois bien avoir à la maison, quelque part, une photo de notre désarroi, qu’un jeune Allemand avait prise à notre insu avec son Polaroïd. J’aime à imaginer que, peut-être, cet arbre a poussé seul au milieu des barbelés. C’est à lui que j’ai pensé lundi dans la cour de l’hôtel de ville, alors que s'élevaient les notes d’un violoncelle sur deux hauts pans de mur.


Curieux rêve la nuit dernière, qui a beaucoup amusé Denise au petit-déjeuner. Aux douze coups de minuit, j’entrais en pyjama dans la cour d’honneur du palais de l’Elysée, après en avoir ouvert moi-même le portail avec une grosse clé trouvée dans ma poche. J’ai braqué une torche sur deux pans du mur de Berlin qui se dressaient devant moi dans l’obscurité ; il s’agissait, je crois, de ceux de mon palais épiscopal. Sur l’un d’entre eux était taguée l’inscription suivante, en grosses lettres majuscules noires : YES STRAUSS CAN ! Pourquoi ? Cela n’a aucun sens, tant je suis sûr que c’est une suite de Bach qu’a jouée Rostropovitch, en aucun cas une valse de Strauss. C’est à n’y rien comprendre. Mais tout cela est si loin. Si loin, comme dans un épais brouillard.

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* Paroles de Roger Tabrha et Sophie Nault ; musique de Franck Fossey.

vendredi 6 novembre 2009

Le cru et le cuit

Le rikikisme ressortit-il à l’anthropologie structurale ? Voilà une question sur quoi pourraient plancher nos étudiants de sciences po en ce début de novembre humide, dont les vents turbulents déstructurent les grands desseins de notre nano-président. Les sondages se succèdent en effet, qui montrent que les Françaises et les Français ne croient plus le petit Tom. Or nous savons depuis les Mythologiques de Lévi-Strauss que, s’il n’est plus cru, c’est qu’il est cuit. Je m’en réjouis, bien que le temps de cuisson m’ait paru extrêmement long. Enfin le lait déborde à l’Assemblée nationale et au Sénat ! Ne nous pressons surtout pas d’éteindre le gaz sous la casserole ! Il me reste deux ans et demi pour débarrasser le peuple abusé de ce pygmée à "la pensée sauvage".


Face à la fronde qui agite le parti que j'ai mis au monde, ne puis m’empêcher de méditer l’enseignement de l’ancien professeur de philosophie* de mon lycée du chef-lieu des Landes (entre parenthèses, quelle pépinière pour la France, tout de même, que ce lycée !) : "L’humanité est constamment aux prises avec deux processus contradictoires dont l’un tend à instaurer l’unification, tandis que l’autre vise à maintenir ou rétablir la diversification." J’ai été l’étincelle du premier processus ; Razibus craque à son insu l’allumette du second, dans un mouvement dont il a fait une poudrière. L’auteur de "Race et histoire" a-t-il jamais été tenté de se pencher sur les partis politiques, qui sont à leur manière des sociétés primitives ?


A ce propos, je trouve bienvenu le débat sur l’identité nationale lancé à point nommé par le ministre éponyme. C’est un superbe hommage à l’œuvre de Claude Lévi-Strauss qui, Dieu lui eût-il prêté plus longue vie, n'eût point manqué de lui apporter son soutien dans les préfectures, qui sont à leur façon les Collèges de France de nos territoires. C’est pour moi l’occasion de dire ici mon admiration pour le beau travail de ce fidèle transfuge du parti socialiste, excellent auteur en 2007 d’un pamphlet remarqué contre Razibus. Vu son parcours, je ne doute pas de me rallier cet homme d'ouverture et de conviction en 2012. Croyez-moi, la France ne saurait se priver d’humanistes de cette race : ils assurent sa permanence dans l’Histoire, n’en déplaise à mon agaçante agasse.


Puisqu’il est question de ce spectre bavard, un mot de sa dernière croisade. Après les défibrillateurs, voilà qu’elle veut maintenant installer des dépisteurs de cancer du sein à chaque coin de rue, et obliger les Françaises à s’y coller la poitrine en allant faire les commissions ! Si on ne l’arrête pas, elle va demander que le 30 avril soit jour férié pour les femmes ! Pourquoi le 30 avril ? Mais c’est la fête des Robert ! Va-t-elle me sommer de rajouter un milliard au grand emprunt pour cette lubie ? Soyons francs : le dépistage est parfaitement organisé dans ce pays, les femmes y sont dûment incitées ; notre politique est exemplaire au sein de l’Europe, même si la France va de mal en pis - sans mauvais jeu de mots, il va de soi. Pourquoi diable faut-il que les socialistes soient toujours tentés par le démon de l’asservissement ? Tenons-nous en à la liberté de la femme, chèrement acquise, et à l’économie des deniers publics. Quant à vous, madame, tenez-vous en donc à la médecine, qui fait rarement bon ménage avec la politique !


Volontaire du dépistage, Denise chantait ce matin "Le temps des cerises" sous la douche. Ai cru à une provocation, mais il n’en était rien. Cette femme digitale d’exception sait saisir dans l’actualité ce qui me glisse entre les neurones. "A trop pleurer Lévi-Strauss qui avait tout de même cent ans, me dit-elle alors que je lui tendais la serviette, on finit par oublier qu’il laisse un fauteuil vide sous la Coupole..." J’admire ce positivisme exquis, grâce à quoi l’homme peut regarder vers l’avenir au lieu de pleurer dans le sein de sa compagne. Littérateur attitré des fruits rouges et du développement durable, je puis certes prétendre sans rougir à l’immortalité des Verts, qui vaut largement un siège aléatoire au Palais Bourbon. Après tout, pourquoi attendre, comme l'accordéoniste, d’être un ancien président de la République pour entrer à l’Académie, qui n’est pas le Conseil constitutionnel ? C’est décidé Nisa : qu'importe qu'on me prétende grillé, j’entre en campagne !

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* Claude Lévi-Strauss a commencé sa carrière professionnelle comme professeur de philosophie au lycée Victor-Duruy de Mont-de-Marsan. Il l’a hélas quitté bien trop tôt pour avoir le privilège de m’y croiser.