"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

vendredi 31 décembre 2010

Libérez nos otages !

Sait-on que, petite dactylo à quatre doigts, notre oiseau bavard essaie maintenant de se faire passer pour la femme digitale sur son blogue ? Après trois abracadabras, elle vous sort par les oreilles un lapin « agora » de son chapeau numérique, prétendant me refaire par ce tour de magie le coup de la sale défaite aux cantonales ! Je m’explique, pour ceux de mes lecteurs qui ne suivraient pas d’un œil attentif l’actualité internationale : obsédée par sa réélection au Conseil général, ma pie voleuse a décidé de me faucher en douce une œuvre peu connue de Claude Ferret, inscrite au patrimoine architectural du XXe siècle par le ministère de la culture, pour en faire son petit QG festif de campagne !
  
De quelle manière, me demanderez-vous ? Ce n’est pas très clair. Denise, que je sens séduite malgré elle, m’explique qu’il s’agirait virtuellement de dédier cet espace municipal aux arts et à la culture numériques, sous la houlette de l’assemblée départementale… Est-ce à dire qu’en lieu et place des parpaings et des tags qui, au fil des ans, se sont harmonieusement mêlés aux céramiques de Paul Corriger, jusqu’à donner à la façade de cette bâtisse la grâce d’une toile de Basquiat, s’installeraient demain des écrans géants, sur quoi faire défiler en continu les pages de blogue d'une agitée de la plume ? Ses lettres au maire ? Ses élucubrations parlementaires ? Ses interviews, ses pamphlets, ses apostrophes, que sais-je encore ?

Quel mépris pour le génie créateur des habitants de la cité ! Quel dédain pour nos artistes locaux du street art contemporain ! Si l’on n’y mettait le holà, je vous garantis que la péronnelle, irrespectueuse du cave art de Cro-Magnon, exigerait demain qu’on lui ouvrît la vraie grotte de Lascaux pour y célébrer ses messes républicaines ! Un ami psychanalyste évoque à son sujet le syndrome de la petite chaisière frappée de mégalomanie. Un siège dérobé au Conseil général et un autre au Parlement ne suffisent plus, m’assure-t-il, à cette « emprunteuse » compulsive ; rebaptisé haut débit pour la circonstance, son grand bagout exige désormais une salle de cinq cents fauteuils ! L’eût-on naguère emmurée vivante dans ce mausolée, telle une princesse de Navarre, que je me fusse bien gardé, croyez-moi, de réveiller cette belle endormie ! 

A ce propos, j’ai eu l’occasion de rappeler au président Hamid Karzaï, pour les fêtes de Noël, ma détermination à libérer l’ensemble des otages français, sans discrimination, qu’ils se trouvassent en Afghanistan, au Sahel ou dans le deuxième canton de ce département. Je suis en effet ulcéré par le silence des médias français et internationaux sur les 26 156 innocents enlevés en mars 2004 par ma gazza ladra, dans l’indifférence générale ! Nous avons le devoir de les libérer tous au printemps 2011 dans les urnes, jusqu’au dernier d'entre eux ! Je le répéterai demain sans relâche à Dilma Rousseff, la nouvelle présidente du Brésil, qui a tenu à ce que je représente la France à sa cérémonie d’investiture, en hommage à mon engagement cantonal. Jeanne d’Arc de la guérilla contre la dictature brésilienne des sixties, elle a bien compris que le vol d’une pie importe plus que celui d'un Rafale à l’infatigable guérilléro que je suis ! Não Pasaran ! 

Soyons francs : j’ai moi aussi un beau projet pour la vieille salle désaffectée de Claude Ferret : en faire le pavillon des corvidés d’un grand parc ornithologique où tous les oiseaux seraient empaillés, dans l'esprit de notre muséum d'histoire naturelle. Le chômage étant particulièrement élevé dans cette partie du deuxième canton, on pourrait ainsi y relancer l’emploi par la naturalisation massive, si l’on voit ce que je veux dire. Pour l’anecdote, le ministre de l’Intérieur a sursauté quand j’ai évoqué cette idée en conseil à l’Elysée, préférant que je parle de taxidermie pour éviter toute confusion malheureuse dans l'esprit de certaines populations sensibles. A ce propos, je ne pense pas qu’il reste beaucoup de viande sur une pie dépouillée, mais la chair, si elle est toutefois comestible, n’en ferait pas moins, j'en suis sûr, un parmentier acceptable pour le réveillon des pauvres. A défaut d'un tournedos Rossini aux saveurs exquises !

vendredi 24 décembre 2010

L'antique azalée

Replongé dans La Guerre du Péloponnèse de mon cher Thucydide, chef-d’œuvre de la Grèce antique dont une édition bilingue figure en bonne place dans la bibliothèque de l’hôtel de Brienne. C’est que le deuil de Jacqueline de Romilly m’est si cruel que je ne puis retrouver qu’auprès de son maître la paix et le sommeil qui se refusent à moi depuis sa disparition. Cette chère Immortelle et moi étions liés par une tendre et profonde complicité, à quoi n’était pas étranger, en deçà de la rue d’Ulm, le souvenir mutuel d’un premier prix de grec au concours général des lycées ; elle se réjouissait que nous fussions par ce baptême de la même lignée républicaine, celle qui place au-dessus de tout la langue et la démocratie des Hellènes.

Dans la nuit qui enveloppait depuis quelques années ses jours, Jacqueline continuait de voir le monde par les yeux d’Athéna. Je ne pense pas trahir un sien secret en confiant ici que c’est elle qui, à l’automne, me convainquit de rompre ma parole pour le service de l’État. Elle le fit avec grâce, par le truchement du billet d'un proche à qui elle avait dicté Thucydide : « Un homme ne se mêlant pas de politique mérite de passer, non pour un citoyen paisible, mais pour un citoyen inutile. » On ne se dérobe pas à l’appel d’une amie dont les jours sont comptés ; à mon chagrin se mêle aujourd’hui la conscience heureuse du devoir accompli dans la noblesse antique. L’œuvre de madame de Romilly sera poursuivie, jusqu’à l’hôtel de Brienne où me voici stratège à l’instar de notre Thucydide. La Défense qu’on doit au peuple est aussi celle de sa langue ; l’arme au poing vaut mieux que larme à l’œil, comme aimait à claironner mon grand-père.

Je ne sais pourquoi, me vient ici à l’esprit un passage abscons – s’agissait-il d’Hérodote ou d’Homère ? – que voilà bien longtemps elle peinait depuis des jours à décrypter. Sa traduction résonnait comme une énigme insensée que je fus bien impuissant à résoudre ; je ne pense pas qu’elle m’en fît grief, mais il me plairait aujourd’hui d’avoir mis plus d’ardeur à lui venir en aide. La phrase qu’elle soumettait à ma sagacité sourd au mot près de ma mémoire, parfaitement nette mais ne cédant rien de son mystère : « Il n’est d’âne marri qu’azalée. » Dois-je me résoudre à ce que se referme sur cette énigme la dalle du tombeau, ou bien Jacqueline me donne-t-elle, depuis le royaume d’Hadès, mission de l’élucider ?

Espionne espiègle de mon écran à la faveur d’une pause liée aux « vessicitudes » de l’âge – quelle élégance dans la formule ! –, Denise suggère que j’adjoigne des spécialistes du chiffre à la petite cellule logistique de mon cabinet militaire, mobilisée pour coordonner jusqu’en mars les opérations du deuxième cantonnement de la ville. Le lien me paraît discutable, mais pourquoi pas ? Cela dit, on ne trouve pas des hellénistes sous le sabot d’un âne, fût-il de régiment. Il n’est d’âne marri qu’azalée… Azaleos… L’étymologie n’exigerait-elle pas qu’on traduisît plutôt « il n’est d’âne marri que desséché » ? Cette antique bourrique n’est peut-être après tout qu’une lointaine aïeule de l’âne de Buridan, mort desséché de n’avoir su choisir entre sa faim et sa soif… Allons, c’est suivre Thucydide que de laisser l’énigme aux militaires, me souffle Jacqueline avec un clin d’œil complice à Denise ! Le Péloponnèse n'était-il pas lui-même à sa manière qu'un grand parc ?

A ce propos, des voix s’élèveraient, me dit-on, contre l’ampleur des moyens déployés pour assurer la victoire de nos troupes du deuxième cantonnement. Ne comprend-on pas que, bien plus que de voler dans les plumes d’une insignifiante agasse, il s’agit avant tout de laver dans le sang l’honneur d’un homme ! « L’épaisseur du rempart, nous enseigne Thucydide, compte moins que la volonté de le prendre. » Soyons francs : ma volonté le dispute à mon ego ! Rien ni personne ne m’empêchera de savourer ma revanche ! La bataille sera rude, mais l’Histoire n’aurait pas tort de me juger sévèrement si je ne me battais pour laver mon honneur et faire triompher mon droit. Ma dame de pique neutralisée, son fauteuil du palais Bourbon me tendra enfin les bras ! Comme celui de Jacqueline sous la Coupole, et peut-être même sa chaire au Collège de France. Je sais qu’elle le souhaitait, pour mes Cerises comme pour ma Tentation. M’assurer depuis Kaboul qu’un soldat a bien déposé sur sa pierre une antique azalée…

vendredi 17 décembre 2010

Guerre et Paix

Ému et honoré de recevoir hier à déjeuner notre bon cardinal à l’hôtel de Brienne, en cette sainte période de l’Avent où j’ai, chaque année, une petite pensée pour le message social de l’Église. Croirez-vous que, du coq à l’âne, entre la poire et le fromage, ma dame de pique s’instilla en douce dans notre conversation amicale, à la manière du diable dont elle procède ! Touché par ma souffrance muette, l’homme de Dieu mit doucement sa main sur la mienne et me demanda avec compassion : « Avez-vous pensé à saint Mathurin, mon fils ? ». Heureux de son effet qu’il pouvait lire dans mon regard incrédule, il ajouta en souriant : « Pour avoir délivré du Malin une fille démoniaque, au IIIe siècle je crois, Mathurin jouissait au Moyen-Âge d’une immense popularité : on l’invoquait pour les fous, les épouses insupportables et autres énergumènes qu’il avait le don de calmer ; je le prierai tantôt pour cette pauvre femme. Si vous en avez la force, adressez-lui vous-même quelques mots pieux au coucher, en vous agenouillant pour vos prières. »

Soyons francs : je n’ai donné aucune assurance au prélat en le reconduisant sur le perron. C’est que, d’instinct, son saint obscur ne m’inspire que méfiance et répulsion ! A force de se frotter pour leur salut aux marâtres dont il se fit le spécialiste,  il y aurait fort à parier en effet que ce Mathurin demeurât aujourd’hui sous leur terrible empire, tel un  malheureux otage frappé du syndrome de Stockholm. A voir la manière dont mon agasse ensorcèle les journalistes, je mettrais ma main au feu de l’enfer que ce saint corvidophile est déjà sous sa coupe ! Qu’il ne compte pas sur moi pour le pèlerinage de Larchant à la Pentecôte ! J’ai mieux à faire.

A ce propos, qu’apprends-je dans notre canard à trois sous et deux points cardinaux, sous la plume indigente d’un homonyme sans odeur de sainteté ? Que mon alliance durable avec le bataillon départemental du Béarnais n’aurait qu’un objectif  quasi obsessionnel : me venger de ma gazza ladra en lui faisant mordre la poussière aux cantonales… La belle affaire ! Ma feuille de route gouvernementale n’est-elle pas de faire la guerre aux socialistes, partout où ils se trouvent ? Pourquoi dès lors titrer perfidement : « Les dessous de l’accord » ? Les dessous ! Prétend-on soulever les jupes de ma candidate du deuxième canton comme de la première Perrette venue ? Il n’y a pas de dessous, monsieur, vous avez ma parole ! Mais un peu de tenue que diable ! Non, c’est le dessus qui m’intéresse : je l’aurai, n’en déplaise à tous les saints Mathurin du paradis et de l’enfer, y compris ceux de mon camp ! Enfin, exorcise-t-on un oiseau de malheur ?! Non monsieur, il faut l’occire ! La chasse est ouverte ! Qu’on me fiche la paix : c’est la guerre !

Je me mets en colère ? Pas du tout, mais les cheveux me dressent à la tête quand des impudents de tout poil se hasardent à contester ma stratégie jusque dans nos rangs ! Croit-on vraiment que je serais aujourd’hui ministre de la Guerre si le président Rikiki n’avait flairé chez moi l’homme à poigne, le génie militaire ? Un génie qu’on m’accorde volontiers, du reste, aux cabinets de la rue Saint-Dominique ; j’en veux pour preuve une récente anecdote, assez édifiante. Fascinés par ma passion pour Tolstoï, que je cite volontiers en toute occasion, des collaborateurs m’ont assuré déceler en moi une façon de Karénine, chrétien droit et intègre mais sympathique,  dénué de sécheresse et d’autosatisfaction à rebours du modèle de Lev Nikolaïevitch.

Sensible à leur admiration, je l’avoue, j’ai cru entendre l'autre jour dans un couloir qu’ils m’avaient même déjà gratifié d’un aimable surnom, comme aime à le faire la jeunesse : « Guerre et Paix ». Un beau programme ma foi, qui comble le ministre et aussi qui l’oblige. Un bémol à cela néanmoins, qui démontre hélas que, fussent-elles sorties de l’ENA ou de Saint-Cyr, nos jeunes élites elles-mêmes ne maîtrisent plus désormais l’orthographe ; phénomène alarmant qui confirme au plus haut niveau de l'État les conclusions tragiques de la dernière enquête PISA. Ainsi ai-je reçu par erreur en copie un courriel qui ne m’était pas destiné. Après que je l’eus tancé sans modération, un chargé de mission y écrivait sans ambages : « Tous aux abris, Guère-Épais a dégoupillé sur le tapis ! » Guère épais ! N’est-ce pas rapetisser tout de même un si gros livre ?

samedi 11 décembre 2010

La première circonscription


Touché que H. me fît suivre, à l’hôtel de Brienne, l’invitation d’artistes de ma bonne ville au vernissage de Sur les rails again!, une superbe exposition en l’honneur de mon retour aux affaires de l'État et du monde. Émouvante initiative qui prouve, mieux encore qu’un sondage, l’enthousiasme créatif qu’a déclenché mon entrée au gouvernement de la France ! Oui, poussé par mes administrées et mes administrés, me voilà de nouveau sur les rails, ministre du Train de surcroît, après plus de trois ans à rouiller sur une voie de garage !

Certaines œuvres, me dit-on, sont regroupées sous un titre énigmatique : « Hors du cru » ; référence sournoise, selon Denise, à quelque engagement non tenu de temps plein aux affaires municipales ; on ne veut plus me croire… Hélas, il fallait bien faire contre mauvaise fortune bon cœur ! Avouerai-je que c'est à Normal Sup que j'eus la révélation du Mentir-vrai d’Aragon, comme Claudel celle de Dieu derrière son pilier de Notre-Dame ? J'y suis resté fidèle. Il me plaît donc de voir plutôt dans cet « Hors du cru » une façon élégante d’insinuer que j’aurais quitté vignes et bouchon. Ce n’est pas faux, mais qu’on se rassure : millésimé 2010 excellent cru sous les ors de la République, j’ai retrouvé à Paris les joies de l’étiquette !

A propos de bouchons, je demeure aussi fidèle à notre gazette régionale, militairement servie chaque matin avec le café sur la table basse du salon bleu. J’y trouve aujourd’hui encore la relation de nos embarras de circulation, un tiers des automobilistes s’obstinant paraît-il à bouder nos transports en commun, pourtant plébiscités comme ma personne et toute mon œuvre par la population. Que ces objecteurs sans conscience prennent bien garde : ma patience a des limites ! Au lieu de trams, leur plairait-il que je misse de force à leur disposition des camions bâchés de l’armée ? Si j’envoie la troupe, croyez-moi, leurs 4x4 ne pèseront pas bien lourd sous les chenilles d’un char !

Cela dit, l’actualité internationale me tient pour l’heure occupé à des choses moins futiles, à mille lieues des petits problèmes de la côte ouest de l’Hexagone. Une dépêche m’apprend ainsi ce matin que la ministre de l’économie, qui n’a pas comme moi l'onction du suffrage universel, s’apprêterait à briguer un siège extra-métropolitain aux législatives de 2012. La moindre des politesses eût été qu’elle m’en informât avant son coming out ! Non point au nom de l’étiquette – faut-il rappeler que je suis tout de même le premier ministre d’État  de la République ? –, mais  parce que l’impudente a jeté son dévolu sur mes terres transatlantiques !

Qu’elle dégage, avec tout le respect que je lui dois ! Ayant vécu naguère l’exil de la Belle Province, je ne saurais en effet me soustraire aux Françaises et aux Français d’Amérique du Nord après la réélection de Rikiki-de-droit. J’ai bien réfléchi, ma décision est prise : je serai moi-même candidat dans cette première circonscription de l’étranger, plus prestigieuse et moins problématique que la deuxième de notre petit département, qui n'est décidément plus à ma pointure. Mes amis québécois me pressent depuis des mois ; le président des États-Unis me soutient au grand jour, tout comme l’FMIné des socialistes, chantre sympathique du libéralisme à la française, qui pourrait faire discrètement campagne pour moi à Washington. Yes I can ! Et la grande dame blanche, me direz-vous ? Elle n’aura ma foi qu’à se rabattre sur la huitième circonscription, qui est celle du Vatican. Ce n’est pas rien d’occuper le Saint-Siège au palais Bourbon, et je la vois bien porter mantille !… A mon âge, voyez-vous, avec mon envergure, on devient souvent a soi seul un continent !

A propos de Saint-Siège – si j’en crois une mienne lectrice digitale –, ma dame de pique se lancerait sur son blogue dans la défense des centenaires (espèce en pleine expansion, contrairement au thon  rouge), espérant sans doute ramener leurs suffrages dans les rets de sa petite cantonale. Ainsi d’une rombière de cent cinq ans du nom de Laïcité, dont on célébrait paraît-il hier l’anniversaire dans je ne sais quel hospice. Si j’ai bien compris, cette vieille rongée par l’ostéoporose serait régulièrement bousculée par Razibus dans l’escalier. Connaissant notre dispendieuse agasse, elle est capable d’exiger la prise en charge de cette gâteuse au titre du cinquième risque ! Qui va payer ? Mystère ! Certainement pas l'État qui se serre la ceinture ! Encore moins des assureurs privés pour qui les épaves doivent finir à la casse ! Soyons francs : notre pays n’a plus les moyens de l’acharnement thérapeutique ! Vous m'en voyez fort marri pour cette pauvre vieille de l'autre siècle, mais n'a-t-elle pas fait son temps ? Médecin dans le civil, ma pie revêche serait donc bien avisée d’abréger discrètement ses souffrances, plutôt que de vouloir à tout prix la remettre sur les rails. Please Mag, not again ! Quand Razibus parle de toilettage, il pense évidemment à la toilette des morts. Puissent les cendres de dame Laïcité reposer bientôt au Panthéon !

jeudi 2 décembre 2010

Le duel interrompu

On me rapporte une nouvelle stupéfiante ! Ma dame de pique aurait fait acte officiel de candidature aux primaires du parti socialiste sur son blogue ! C’est incroyable ! Non que cette folie m’étonnât de la part d’une harpie aussi culottée, prête à n’importe quelle bouffonnerie pour me voler la vedette dans des médias  aussi louches que généreux de la soupière ! Ce qui me trouble en réalité, c’est une curieuse coïncidence que j’ai scrupule à relater.

Comment dire ? Si je ne rechigne pas, comme on sait, au récit des délires oniriques qui rythment parfois mon sommeil, le dernier en date m’interpelle par son invraisemblance ! Croira-t-on que dans la nuit de dimanche à lundi, c’est-à-dire avant même l’entrée de ma gazza ladra dans l’arène primaire des socialistes, j’ai rêvé que, moi-même candidat à la présidentielle, il me fallait affronter au second tour cet oiseau de malheur, arrivé par je ne sais quel miracle en tête du ballotage ?

Hallucination nocturne individuelle ou rêve prémonitoire ? Bizarre en tout cas que, maire et ministre plus que comblé, fidèle et dévoué supporteur de Razibus jamais effleuré, fût-ce une seconde, par la tentation présidentielle, je me retrouvasse nuitamment embarqué dans une aventure aussi peu imaginable… J’en ignore hélas l’issue, puisqu’un coup de coude de Denise mit fin à mon rêve en même temps qu’à mes ronflements. Je me souviens seulement d’une table et d’un débat d'entre deux tours, dans quoi mon vieil ami Elkabbach clouait le bec de la bestiole d’un tonitruant : « Taisez-vous, madame *** ! ». Qu’on me pardonne, ce nom est aussi difficile à écrire qu’à entendre ou à prononcer !

Impossible de retrouver ensuite le sommeil ! Dépit d’être privé de la fin de cette histoire… Me suis dit en bâillant qu’elle mériterait pourtant d’être vécue dans la réalité, tant je rêve d’en découdre enfin avec la péronnelle ! Il serait bien moins risqué, au fond, de lui faire mordre la poussière dans la présidentielle, prestigieux scrutin à ma pointure, plutôt que dans une circonscription législative à la dérive, naguère passée de ma botte à son escarpin. Croyez moi : rompu à l’altitude autant qu’à la hauteur, j’aurais tôt fait de mettre K.O. ce poids « plumes » à la télé ! Une élection de maréchal pour remplacer le petit adju… Non, non ! On ne me prendra pas à écrire du mal de notre grand président ! Ne pointe-t-on pas depuis l’école primaire mon manque d’ambition ? « Trop effacé », remarquait déjà mon institutrice landaise. Aimé-je vraiment les premières places ? C’est une légende. Et puis je semble, paraît-il, tellement fatigué…

Las au point que le bon président Rikiki envisagerait d'ajuster bientôt son remaniement, dit-on, pour me permettre de sous-traiter les anciens combattants, comme je l’ai fait dans ma ville de la communauté urbaine. Deux jobs plus quelques extras, à mon âge, cela suffirait pour un seul homme. Soyons francs : je n’ai rien demandé ; qu’on décharge donc si l'on veut ma barque ! J’ai une déclaration de guerre sur les bras, une ligne Maginot à édifier de toute urgence pour barrer la route aux socialistes ! Combien ont-ils de divisions, me demandait l’autre jour une administrée inquiète, veuve de général étoilé ? N’ai pas osé lui avouer que nous en avions perdu le compte !

Malaise persistant de n’avoir pas dormi jusqu’au terme de mon rêve présidentiel. Penser à faire chambre à part quelques jours, au cas où je pourrais reprendre ce joli songe à son point d’interruption, comme sur un lecteur de DVD. La connaissant aussi bien que je l’ignore, crains cependant que Margot ne m’ait pas attendu et, d'un coup d'aile, ne soit « cantonnée » déjà dans quelque autre facétie. Comment la retrouver dans l’arbre d’un si grand parc ? Elle m’aura encore une fois privé de l’Elysée ! Réminiscence de deux oiseaux de La Fontaine, connus par cœur il y a bien plus de cinquante ans à l’école communale. L’Aigle et la Pie. La « Reine des Airs » et « Caquet bon-bec ». Arène ? Désert ? Les enfants savent-ils encore seulement aujourd’hui ce qu’est un bonbec ? Soudain me revient sur la langue,  telle une petite madeleine, un goût sucré de Pie qui Chante. Mon Dieu, les temps ont bien changé !

jeudi 25 novembre 2010

Un Nobel durable ?

Denise prétend que, avant-hier matin, je n’arrêtais pas de battre des paupières en écoutant les questions d’un journaliste basque sur Radio Luxembourg. Mes yeux clignaient à un rythme accéléré qui, à l’en croire, semblait calé sur celui d’un cœur emballé par l’angoisse ou l’émotion, comme d’un élève anxieux face à son examinateur. Vraiment ? Qu’avais-je donc à craindre de cet interrogateur onctueux, bienveillant et complice, ostensiblement ravi de me retrouver enfin aux affaires ? Un ministre de la Défense ne peut-il souffrir tout simplement d’insuffisance lacrymale ? Qu’on m’explique néanmoins comment cela se voit à la radio !

Imagine-t-on le bonheur qu’on ressent à retrouver un ministère, après avoir été spolié ! La joie de voir se tendre à nouveau vers soi les micros, de s’asseoir sur le banc des ministres à l’Assemblée ! De quelle angoisse les auditeurs eussent-ils pu croire dès lors que je souffrisse ? Montré-je jamais de l’agacement quand on m’interroge sur Karachi - « Chiraka » comme on dit curieusement dans les cités ? Ne me suis-je pas engagé à déclassifier toutes les pièces qu’exigera la justice ? Entre moi, la  seule commission qu’on me connaisse est celle du grand emprunt, dans un attelage un peu rétro, je le concède, avec mon parpaillot fané de la rose. Qu’on ne compte donc pas sur moi pour perdre mon sang-froid, quoi qu’en disent prétendument mes paupières ! Je n’ai rien vu, rien entendu, jamais eu à connaître de cette vieille affaire ! « Chiraka » ! Qui m'expliquera un jour pourquoi j’attire les juges comme les pauvres la misère ?

Le sang-froid... Certes, il peut lui arriver de bouillir, tant jusqu’au plus haut niveau de l’Etat on est toujours un homme. Le grand président Razibus lui-même en a donné la preuve touchante dans une impro off à Lisbonne, face à des chasseurs en meute aussi exaspérants qu’une nuée d’agasses ! Jamais on ne me verra, moi, mêlé aux chiens de la curée présidentielle ! Je l’ai dit à Radio Luxembourg : « Rikiki est un homme ; tous les hommes sont humains, donc Rikiki est humain ». On ne me fera pas sortir de ce syllogisme  ; aristotélicien primaire, je réfute en effet Nietzsche quand il affirme que « l’augmentation de la sagesse se laisse mesurer exactement d’après la diminution de bile ». Soyons francs : un sage ne peut atteindre au sommet de l’État ou de Lisbonne sans être un homme à bile, nonobstant ses maladresses. Désolé Friedrich : le sage est humain, l'humain à des humeurs, donc le sage à des humeurs.

Ceux qui rêvent déjà d’exploiter ce qu’ils nomment le Karachi-gate  pour me démissionner du gouvernement en seront pour leurs frais : je suis un ministre d’État durable ! Je n’ai oublié ni ma révélation canadienne de l’environnement ni mon baptême de Grenelle ! Si l’on a beaucoup glosé ici ou là sur ma feuille de route, mon engagement à nettoyer la couche d’ozone présidentielle des émanations toxiques de la rue de Solferino à l’échéance de 2012, on sait moins ma volonté de doter la France d’un armement écologique, notamment par l’expérimentation de bombes, de grenades et d’obus biodégradables, capables en explosant d’ensemencer les terrains d’opération labourés, pour subvenir aux besoins nutritionnels des survivants à l’issue des combats. Mon cabinet m’assure que la Fondation Nobel s’intéresserait de près à ce projet, propre à prolonger l’œuvre d’un mien précurseur  inventeur de la dynamite. Sait-on que le nombre de pays pauvres a doublé depuis quarante ans ? Une armée équitable ne saurait se contenter de tuer les indigents pour éradiquer la misère !

Quid de ma bonne ville, me demandera-t-on ? Eh bé ! – ne le répétez pas – je sécherai demain un conseil communautaire, au grand dam de mon brouillon cube ! Mais je serai lundi de corvée de conseil municipal, promis, juré !…  A chaque jour suffit sa peine. Comme je crois l’avoir déjà écrit ici, Denise me presse d’innover en passant au conseil digital. J’y réfléchis, convaincu de l’avenir de la démocratie virtuelle, à quoi sont déjà rompus mes administrées et mes administrés dans les quartiers, enthousiasmés par cette forme de concertation moderne. Ils me plébiscitent même, si j’en crois les résultats du sondage que notre quotidien a eu la gentillesse de m’offrir pour célébrer mon sacre national. « Mort, me disait dimanche un prêtre en soutane, ils continueront de voter pour vous. Cela peut durer plus de deux mille ans ! » N’est-ce pas un peu long ? Cinquante me suffiront, pour battre dans le Guiness des records mon prédécesseur au nom de stade.

jeudi 18 novembre 2010

Je vous fais une lettre...

Chères Administrées,
Chers Administrés,

« Je crois aux forces de l’esprit et je ne vous quitterai pas. » Ainsi s’exprimait un président de la République qui m'aimait bien dans ses derniers vœux aux Françaises et aux Français, le 31 décembre 1994. Je fais miens ici ses mots chaleureux et réconfortants pour vous dire, les yeux dans les yeux, ma détermination à demeurer parmi vous. Heureux, ceux qui ne me voient pas et qui croient ! Aux autres – Thomas incrédules – dites que j’apparaîtrai parfois sur leur chemin les lundis, vendredis et samedis, tel le Christ à ses apôtres. A leur tour ils croiront : n’ont-ils pas imaginé jusque-là que j’étais installé à plein temps dans leur ville ?

Aux gardiens intransigeants de ma parole, aux fondamentalistes de mes serments, vous rappellerez sobrement les derniers mots du Général à nos compatriotes de Mostaganem en juin 1958 : « Vive l’Algérie Française ! » Le grand homme honora-t-il cet engagement ? L’accusa-t-on de versatilité ? S’avisa-t-on de le traiter de grande girouette ? Mon cabinet militaire a effectué une recherche : rien sur Dailymotion à l’époque, je vous l’assure, alors qu’on me fait tourner en boucle et en bourrique depuis lundi sur Internet ! Pourquoi cet acharnement ? Pourquoi ce chantage ? Pourquoi tant de haine et d'indignité ?

Un homme politique de notre envergure, voyez-vous, se doit en toutes circonstances à la France. Jamais vous ne le surprendrez à faire passer le respect de ses promesses avant l’intérêt supérieur de la Nation. Aujourd’hui, le danger est à nos portes ! L’immense péril qui nous menace, c’est le retour des socialistes au pouvoir  en 2012 ! A l’âge du virtuel triomphant, ces marxistes sournois continuent de prôner l’égalité réelle, au risque de terroriser les marchés, de braquer les agences de notation, de mettre la France sur la paille ! En tant que ministre de la Défense, secondé par un gouvernement dont je suis le numéro deux, ma mission est de déclarer la guerre au socialisme pour sauver la peau de Razibus. Je veux dire assurer sa victoire ou – sait-on jamais ? – lui succéder s’il continue de descendre en torche dans les sondages.

Je ne doute pas que, fidèles, vous soyez tous à mes côtés pour faire triompher cette grande cause nationale. Fort de votre soutien, c’est à vous que j’ai pensé avec fierté en m’installant lundi dans le salon bleu de l’hôtel de Brienne. C’est à vous encore que j’ai songé avec émotion en prenant place hier sur le banc des ministres d’où, grâce au Ciel, je tournais le dos à ma sénestre dame de pique ! C’est de vous enfin, je l’ai bien compris, que venaient les mots affectueux que m’a adressés dans l’hémicycle l'avenante députée du conseil municipal, à qui nous avions préparé une petite note.

Puisque j’évoque ce conseil communal où je ferai des apparitions, telle la Dame Blanche dans la grotte de Bernadette, allez répéter par la ville qu’il est uni, serein, heureux de ma consécration nationale, et non point gonflé de rancœur, comme l’insinue mon oiseau de malheur en crachant sa pauvre bile. Dites aussi qu’avec un chef de cabinet fort civil, je suis un peu à Paris comme en mon vieux palais épiscopal, et que j’ai même trouvé, sur un mur de portraits, celui de mon prédécesseur oublié au nom de stade.

Rappelez enfin à vos concitoyennes et à vos concitoyens que c’est ici, rue Saint-Dominique, que le Général s’installa pour diriger le gouvernement provisoire à la Libération. Et que c’est aussi là qu’en 1918 Clemenceau avait annoncé la Victoire. Cette prestigieuse filiation m’oblige ; j’y vois un signe du destin ! Demain vous me verrez aux côtés de Rikiki à Lisbonne, dans un important sommet de l’OTAN. Nul doute que de vieilles vidéos vont circuler sur le net où l’on me verra en boucle évoquer sans ménagement le bourbier afghan, critiquer le retour de la France dans le commandement intégré de l’Alliance atlantique, affirmer mon refus catégorique de participation au bouclier antimissile américain, que sais-je encore ? Quelle importance ? C’était au temps où je marquais Rikiki à la culotte en lui taillant des shorts. Soyons francs : si abjurer est un grand mot, comme dit Denise, c'est aussi parfois un excellent remède. A Notre-Dame, à Saint-André ou à Lisbonne, croyez-moi, Paris vaudra  bien toujours une messe ! Et comme nous le répétait ma grand-mère, « ça ne peut pas vous faire de mal si ça me fait du bien » !

jeudi 11 novembre 2010

Grand Jacques ou petit Robert ?


Pitoyable numéro de clowns en ce début de novembre humide dédié aux arts de la scène ! Voilà que mon brouillon cub doux socialiste au visage d’apôtre au nom de gare se laisse embarquer par ma pie revêche dans une aventure épistolaire ridicule, complaisamment relayée par notre quotidien régional ! Agenouillés chacun sur un prie-Dieu devant un fauteuil que je devrais occuper à leur place, ils se font les pieux hagiographes du saint du jour : mon prédécesseur au nom de stade, disparu il y a dix ans en laissant peu de traces. Les ficelles sont très grosses ! Croient-ils vraiment faire oublier à mes administrées et à mes administrés que c’est moi qui reçus naguère de ses mains tremblantes la communauté urbaine et un siège au parlement, au même titre que la mairie de cette ville où des usurpateurs précaires occupent leur ennui à faire le Jacques ?

Nul n’ignore que ces trois sièges ne font qu’un, que diable ! Un pack comme la Sainte Trinité, invendable à la découpe ! De quel droit prétendent-ils m’effacer aujourd’hui d’un coup de gomme, comme s’ils descendaient eux-mêmes directement de la cuisse de ce Jupiter séducteur tombé dans l’oubli ! Vont-ils lui attribuer toutes mes réalisations dans une ville que j’ai trouvée endormie, tel un vieux paquebot rouillant dans les eaux saumâtres d'un port désaffecté ?

Soyons francs : la pommade dont ils barbouillent le portrait de leur saint homme n’a pour objet que de rendre à côté le mien terne et cireux ! Je ne suis pas dupe, mais à qui s’adressent-ils donc ? A une poignée d’électeurs grabataires pourvus d’un reste de mémoire qui, abandonnés dans quelque hospice de la ville, se souviendront peut-être du sourire enjôleur de leur vieux christ sportif perclus de rhumatismes ? Jumeaux de l’Archange Gabriel et d’Alice au Pays des Merveilles, nos joyeux drilles n’en viennent pas moins nous annoncer l’avènement de leur nouvelle société, par l’opération d’un Saint-Esprit dont on comprend qu’ils ne l’ont sûrement pas volé. Pathétiques, au mieux réussiront-ils peut-être à se faire remarquer de leur première secrétaire, fille de qui l’on sait lorgnant sur l’Elysée. Jamais, vivant, je ne leur lâcherai l'hôtel de ville !

Ce qui nous différencie, voyez-vous, c’est que je ne passe pas mon temps, moi, à lire l’avenir dans de vieilles photos d’un autre âge fouettées par un vent glacé de cimetière, dans la cour de l’hôtel de ville ! Mon miroir me rappelle en effet tous les matins que je n’ai plus l’âge du jeune homme de cinquante ans qui, près du portail, sourit en noir et blanc au vieillard tassé dont j’aurai l’âge dans trois lustres. Le temps presse, je n’ai renoncé à rien et sais moi aussi monter les escaliers quatre à quatre ! Un Lion peut en faire des choses en quinze ans quand il est né un 15 août comme Bonaparte ! Je l’avoue : la petite santé politique de Naboléon me gonfle d’espoir ; si je le loue avec ostentation, je n'en prie pas moins discrètement tous les soirs Sainte-Hélène !

Retour de l’île d’Elbe ! Lundi, je serai enfin rétabli dans mes droits de ministre d’État de la République. Quelle joie ! Les salles de rédaction ne bruissent que de cet événement national qui escamote toutes les cérémonies du souvenir ! Après quelques malheureux incidents de parcours, le ciel est bleu et je reprends enfin mon ascension ! Hosanna ! Les plus hauts sommets sortent des nuages ! On comprendra qu’il ne me soit pas permis de divulguer ici le portefeuille régalien qui m’est attribué, Razibus étant un accro des chaises musicales, même à douze mille mètres d’altitude. Je puis néanmoins fournir un indice que les plus avertis de mes lecteurs sauront décrypter sans peine. Disons que je vais occuper le bureau d’un ministre du général de Gaulle qui, à Matignon, succéda en 1972 à mon prédécesseur au nom de stade.

Denise m’assure que, sur les pas de ce militaire jovial,  je pourrais très bien conduire mes Cerises jusques à l’Académie française ; mais ne brûlons pas les étapes, j’ai mieux à faire ! C’est que déjà on me sollicite des quatre coins de la planète pour arbitrer des conflits. L’épouse d’un ancien président des États-Unis insiste pour me rencontrer avant ma nomination. Le pape me sollicite pour inspecter sa garde suisse. Les espoirs de paix renaissent au Proche-Orient. Curieusement, il n’est guère que les Gaulois méridionaux de mon parti, en bisbille électorale dans une tribu de l’agglomération, à se soucier de mon avis comme d’une guigne en hiver ! L’affaire est ennuyeuse mais, à sa manière, elle est un hommage opportun. Je veux dire que le maire sortant de cette bourgade se retrouve… chabanisé. A ses dépens, mon malheureux prédécesseur a enrichi la langue française. Comme eût dit le préfet Poubelle, le dictionnaire des noms communs est une voie noble et sûre vers la postérité, quand  bien des hommes politiques ne laissent derrière eux qu'un nom propre souillé par leur enrichissement personnel !

mercredi 3 novembre 2010

La route du rhum ?

 

Je tiens à rassurer les nombreux fidèles de ce blogue qui, sur les cinq continents, s’inquiètent depuis quelques jours qu’un nouveau billet tarde à éclairer leur route dans la nuit. Le silence que je romps aujourd’hui était celui du recueillement, de la retraite, en rien du doute, de la lassitude ou de l'abandon. On ne s’étonnera pas, du reste, que j’aie consacré le long weekend de Toussaint à la prière et à la réflexion, jusques à m’interroger hier sur la résurrection des morts en politique.

Tel Jésus sorti du Tombeau, on assure me voir en des lieux différents de la capitale, apparitions ubiques et fugaces qui témoignent de la foi des Françaises et des Français en ma capacité de faire pour eux des miracles. Je suis signalé au quai d’Orsay, on m’entrevoit rue Saint-Dominique, je m’incarne à Bercy : où me verra-t-on demain encore ? On m’assure que monsieur Hulot aurait été vu à genoux sur un trottoir du boulevard Saint-Germain, près de l’entrée de l’hôtel de Roquelaure, où il priait Saint-Rikiki de me remettre au chevet de la planète en allumant des cierges durables.

Las ! J’ai chuté deux fois déjà sur ce qu’il faut bien appeler mon chemin de croix. On m’a craché au visage ; j’ai souffert le martyre de l’exil transatlantique, subi l’humiliation d’un enterrement provincial. Se relève-t-on plusieurs fois des morts, fût-ce en politique ? Puis-je accepter de servir sous la tutelle du coucou qui s’était installé dans mon nid durable, et qu’on dit plus intéressé par la feuille de route du rhum que par celle que s’apprête à lui remettre Razibus en lui confiant Matignon ? Un prestigieux énarque, ancien Premier ministre de la République, peut-il s’abaisser à paraître dans un gouvernement conduit par deux avocats d’affaires ? Quelle eût été la réaction du Général en pareille circonstance ? A tout hasard, j'ai fait déposer avant-hier un chrysanthème à Colombey. La dalle de mon palais épiscopal me semble parfois plus lourde encore que la pierre de son tombeau.

La sonnerie de mon téléphone est plongée dans un coma profond ; mes appels résonnent dans le vide ou ne joignent que des répondeurs. A quoi donc me préparer si j’ignore à quoi l’on me destine ? Comment, si jeune encore, puis-je être condamné à disparaître de l’écran radar des vingt-heures ? Les informations régionales de France 3 à quoi je suis réduit figurent-elles la noire lucarne du royaume des morts ? Est-ce vivre encore que jeter des ponts infranchissables sur le Styx quand on est né pour l’Olympe ? Ô Léthé, ruisseau ingrat de l’oubli ! L’automne me laissera-t-il encore sans portefeuille ?

Une fois n’est pas coutume : sur ordre de Denise qui croit aux vertus du divertissement, je viens de visiter en douce le blogue de ma dame de pique. Toussaint oblige, alors que j’aspire de toutes mes forces à la résurrection, l’usurpatrice nous y entretient de sa « bataille pour l’AME » ! Serait-ce donc mon siège qui l’inspire ? Torturée par son péché mortel, croit-elle donc encore au salut ? Cette future femme battue se résout-elle enfin à la contrition ? Que nenni ! Il est question de nez qui coulent dans le yaourt où d’ordinaire elle pédale ! Ceux de mes lecteurs qui disposent d’un kleenex pourront s’aventurer à découvrir comment, grâce à cette pie voleuse à l’Assemblée nationale, le bacille de Hansen (norvégien, non pas bulgare !) a sauvé en commission le droit aux soins des étrangers les plus démunis, en situation irrégulière dans l’Hexagone. Les médecins de Molière bavardent de nos jours en jupons, et des blogues leur tiennent lieu de crachoirs !

Voilà à quoi l’on s’amuse au parlement, quand la lèpre qui menace le pays s’appelle le réchauffement climatique, la crise économique et financière, le chômage, le terrorisme et autres fléaux du siècle ! Soyons francs : Barack Obama eût-il compris lui-même qu’on ne sauve pas l’économie et les emplois d’une nation par l’assistance sanitaire aux plus faibles que, sans doute, il n’eût pas perdu hier aussi bêtement sa chambre des représentants ! Cela servira-t-il de leçon au petit président Razibus ? Cet avocat m’appellera-t-il enfin aux affaires, plutôt que de me mener en bateau de ministère en ministère, au désespoir de mes concitoyennes et de mes concitoyens ? Allons, la barque est pleine  et je ne supporte plus d'avoir la dalle ! Levez-vous, enfants de la patrie ! Si vous ne voulez pas me voir échouer comme le premier venu au conseil économique et social, imposez de toute urgence ma parousie au nabot !

dimanche 24 octobre 2010

Salade de fruits



« Bonaparte gai, virtuose du gentleman agreement, séducteur par décret divin, arborant sur ses épaules, telle une parure naturelle, l’étole invisible de la Résistance. » Dieu lui eût-il donné la joie de me voir à l’œuvre dans cette ville ou à Matignon, je me plais à penser que l’illustre auteur de ces lignes ne se fût pas offusqué que je me les appropriasse, tant je puis porter sans retouches ce bel habit taillé jadis pour mon prédécesseur au nom de stade. Dans ce portrait qu’on dirait de moi, le lecteur averti aura bien sûr reconnu la plume de l’auteur de Destins, mon cher maître de Malagar.

A qui serait troublé par cette remarquable permanence du tempérament et de l’action dans la charge municipale, je conseille de relire un plus lointain prédécesseur, essayiste à ses heures, dont le nom, qui sans doute ne dirait rien à notre petit Malabar, demeure à ce jour l'un des labels le plus prisés des lycéens de la ville. « Je m’avance vers celui qui me contredit », voilà le message du moraliste à quoi nous demeurons fidèles à travers les siècles, comme à l’héritage des nobles gentlemen anglais dont il procède. L’atrabilaire raide et coincé n’a aucune chance dans cette cité si sensible à l’humanité, aux caresses, à l’ouverture, au dialogue amoureux. C'est qu'on ne saurait gouverner ici sans tendre une main chaude et bienveillante à l’opposition municipale, trop souvent victime de vieux micros défectueux.

Si j’évoque ici avec empathie mon prédécesseur au nom de stade, c’est que l’occasion m’en est donnée par l’hommage que vient de lui rendre notre mollah de la littérature, pour la sortie d’un ouvrage qui lui est consacré, à quelques jours du dixième anniversaire de sa disparition. Mes obligations électives m’ont hélas privé du plaisir de me joindre à ses fidèles compagnons et, malheureusement, sa veuve a elle-même dû s’échapper avant la réception que j’offrais en mon palais, craignant sans doute de rater la dernière micheline du Pays Basque. Elle sait mon admiration sans voix pour son défunt, et l’ardeur qui est la mienne à entretenir son héritage et sa mémoire pour demain. Puissions-nous cesser bientôt de jouer au chat et à la souris !

Lui ayant consacré un livre, sans doute mon prédécesseur au palais épiscopal n’ignorait-il pas cette autre parole de Montaigne, dont il éclaire tout à coup le sens, tel un phare dans ma nuit : « J’honore le plus ce que j’honore le moins ». Est-ce à dire qu’il me faut honorer mon agaçante agasse, lui montrer comme il l'aurait fait des attentions, ne pas feindre sa transparence de frêle femme invisible, ne point être sourd à ses vaines propositions ? Aller jusqu’au dialogue, voire tenter un brin de flatterie et de séduction ? Pensons-y mais n’exagérons rien : on sait que la corvée de corvidé n’est pas mon fort. Désolé, cette dame de pique n’est pas ma dame de cœur !

Ayant relu vendredi une brève biographie de mon prédécesseur aux essais – l’international de rugby, pas le moraliste – Denise s’amusait hier d’un fait peu connu dans la similitude de nos parcours. Comme moi en effet, il a été ministre de la Défense. « Les portefeuilles étaient éphémères sous la IVe République, me dit-elle avec une douce ironie, mais il a tenu six mois ! Tu le bas dans Le Livre des records en te faisant piquer ton maroquin avant même de le recevoir ! » Méchante femme qui me chante la valse folle des ministères ! Enfin, me voilà donc passé aux Affaires sociales si j’en crois la rumeur – un peu comme ma bayrouette à deux roues, pauvre Perrette qui déjà, dans sa tête, pédale en danseuse vers Paris ! Le Saint-Père doit s’en réjouir, qui n’ignore pas ma foi dans la doctrine sociale de son Église ; il l’aura sans doute lui-même exigé de Rikiki-de-droit au Vatican, dans le confessionnal, avant de lui consentir l'absolution.

Soyons francs : un trouble s’élève dans mon âme éperdue. Certes, mon expérience, mon parcours, mes qualités me destinent indéniablement au dialogue social, comme je viens de l’illustrer mais, hélas ! « le monde n’est qu’une branloire pérenne », nous rappelle l’auteur des Essais qui ne fut point rugbyman. Oui, ce pays branle dans le manche et s’ébranle dans les rues ! Dès lors, le meilleur d’entre moi peut-il imposer son dialogue à la France dans un tel chaos, sous l’autorité d’un petit secoueur de cocotiers impénitent, quelle que soit l’admiration que je porte à son œuvre sinon à son personnage ? Les jambes flageolantes, je suis soudain pétrifié face à l’angle du tir : cet essai est intransformable ! Alors que mon prédécesseur municipal m’apparaît en majesté sous le ciseau du sculpteur, n’est-il pas temps pour moi de le rejoindre pour un froid festin de pierre avec Montaigne ? Le vieux philosophe avec sa fraise, l’homme du stade avec sa pêche légendaire et moi, mon Dieu, avec mes pauvres cerises hors saison !

dimanche 17 octobre 2010

L'Arlésienne


Personnage fantasque, Razibus ne manque jamais de me surprendre. Dans l’avion présidentiel qui nous transportait jeudi vers ma ville d’élection, je profitai de notre intimité aérienne pour l’alerter sur quelques affaires du monde. Le nez collé au hublot, il m’interrompit immédiatement d’un geste las et, sans même se retourner, me lança cette interrogation étonnante : « Comment tu trouves Brigitte Bardot ? » Doutant qu’il convoitât les vestiges d’une Marianne que le Général fit jadis mouler pour la France, je tentai une blague  à la réflexion un peu plate : « Nous survolons Limoges, tu sais, pas Saint-Tropez ! »

Il ne répondit pas, ni ne se retourna. J'interrogeai un conseiller du regard en attendant que Razibus consentît à sortir du silence impénétrable des nuages ; on me chuchota à l'oreille qu'allait bientôt être annoncée  la candidature de la vieille icône de La Madrague à la présidence de la République, sous label écologique ! Une concurrente redoutable qui fait toujours saliver dans les maisons de vieux, quand Alzheimer n’a pas jeté son voile pudique sur le souvenir de ses rondeurs !  Alors que j’échafaudais déjà une stratégie pour dissuader une Babette défraîchie de s’en aller t’en guerre, et l'attirer vers ma candidature durable, je pris conscience que, toujours absorbé par le spectacle du ciel, Rikiki fredonnait ostensiblement a cappella une chanson qu’on eût dit de sa composition, tant les paroles avaient la fraîcheur de son style :  « Tu veux ou tu veux pas / Tu veux c'est bien / Si tu veux pas tant pis / Si tu veux pas / J'en f'rai pas une maladie ». Et puis, après une toux feinte et ce qui me sembla un ricanement : «Tu veux ou tu veux pas ? hein ! / Quoi ? Ah ! tu dis oui / Ah ! a a a a a a a / Et ben moi j'veux plus ! / Ouh ! la la ».

Il se tourna alors vers moi et me dit avec un clin d’œil : « Alors comme ça, tu kiffes les Marocains, toi ? » Heureux d’être interrogé sur les relations de la France avec Mohammed VI, je saisis l’occasion de lui présenter en trois points mes ambitions diplomatiques pour le Royaume alaouite. Sans chercher à dissimuler un bâillement généreux, ni feindre un quelconque intérêt pour mon propos, il attrapa Libé sur la table, qu’il ouvrit à la page d’un article à moi consacré, pointant du doigt l’homonymie du titre à l’origine de ma méprise : « La tentation du Maroquin ». Ha ! Ha ! Ha ! Il était donc encore question d’un portefeuille…

Soyons francs : prétendre que je n’y pense jamais serait exagéré. Comment dire ? J’y pense… épisodiquement. Et le reste du temps, ma foi, je songe à la présidentielle. Voilà plus de trois ans que j’ai été brutalement arraché à la France, pour prix des exactions d’une dame de pique se prenant pour Pallas – une pie voleuse pas chouette du tout en réalité ! Alors oui,  il est venu le temps de la restauration. Non point de la sustentation de Denise, prétendument affamée de capitale si l'on en croit la presse, ni non plus d’une quelconque soif de pouvoir, qui serait bien ridicule. Plus simplement, l’Histoire nous apprend qu’à chaque période gravissime la France a su rappeler à elle un homme ou une femme d’exception. Cette espèce rare vit en général discrètement retirée au fond d’une province, où elle se prépare dans l'humilité au sublime sacrifice. Ainsi donc, grâce à moi, notre bonne ville pourra-t-elle demain s’enorgueillir de rejoindre Domrémy et Colombey, au panthéon des lieux qui ont sauvé la France !

Cette parenthèse me ramène au maitre chanteur du vol présidentiel. Même s’il enfourche volontiers la Nation comme une Harley-Davidson, notre petit Tom n’ignore pas qu'il a besoin de ma personne ! C’est pourquoi, taquin, il me tire de son chapeau chaque semaine un ministère différent, à tel point que Denise m’a trouvé un surnom l’autre jour, après que je me fis injustement flasher sur une route landaise où j’arrivais sans me presser : Zorro de conduite ! Chère Nisa, jamais je ne remercierai assez Dieu d’avoir créé la femme digitale ! Au diable mes points !

Alors que COTAM 0001 terminait sa descente, Razibus me balança, désarmant de gouaille en bricolant sa ceinture : « Et dis don’, ça t’dirait de quitter le banc de touche pour jouer en Défense ? T’as jamais été très d’attaque au fond, hein, même quand tu m’en mets plein la tronche ! » Ô temps d’un nouveau rêve ! Ô châteaux en Espagne ! La Vérité est peut-être au 14 de la rue Saint-Dominique. Serai-je donc, après ce falot Hervé, le Michel Morin de Razibus aux Armées, ou bien une fois encore l’Arlésienne, tel le Daudet de la fable ? Allons, Denise m’a promis de passer demain dans une boutique de surplus américains, porte d'Italie, pour m’y dégoter une tenue de camouflage !