"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

dimanche 24 janvier 2010

La potion magique


On dit du petit Hun qu’il tire toutes les ficelles. Sans vouloir le vexer, je lui fais affectueusement remarquer que son fil à pêche est un peu gros, et son hameçon pas très discret sur quoi il a accroché la Cour des comptes. A peine l’asticot avait-il expédié l’oraison funèbre du défunt président aux Invalides qu’il m’a servi la mienne, avec cet enterrement politique de première classe enveloppé dans un papier cadeau. Depuis le temps qu’il me donne pour mort, reconnaissons néanmoins la cohérence que représente, de son point de vue, la descente de ma dépouille au prestigieux tombeau de la rue Cambon. Mais pensait-il vraiment que j’allais demeurer les mains jointes et accepter son linceul bordé d'hermine ? Sans doute que non mais, pour autant, il n’a pas raté l’occasion de signifier aux Françaises et aux Français ce à quoi je puis prétendre de mieux à l’âge de la retraite. La magistrature suprême, certes, mais d’une cour sans pouvoir et non point de la France !

Réponse du berger à la bergère ; c’est Cyrano qui me vient à l’esprit pour fustiger le petit pêcheur du dimanche, tellement ridicule avec sa grosse épuisette :
"S'aller faire nommer pape par les conciles
Que dans des cabarets tiennent des imbéciles ?
Non, merci !"
Où l'on voit que Rostand, déjà, connaissait son Fouquet’s. Soyons francs : pourquoi irais-je pondre en cette courette d’épais rapports que Razibus, sans même les lire, disposerait sur sa chaise pour rehausser son séant, quand le Général me presse dans mes rêves de sauver la Nation, en boutant hors du palais ce parasite indigne ? Non, merci ! Le président du Conseil constitutionnel serait-il brutalement rappelé à Dieu que je ne serais pas le moins du monde étonné qu’on me proposât demain les clés de la rue de Montpensier. Non, merci ! J’attendrai patiemment la fin de mes deux quinquennats pour mettre peut-être les pieds au Palais Royal, où m’attendra Rikiki depuis sa lointaine défaite.

Une anecdote à ce propos. Dans cette fameuse maison de retraite qui m’a valu la semaine dernière le courroux de ma dame de pique, une pensionnaire âgée s’est approchée de moi sur son fauteuil roulant pour me confier, dans la bouillie d’un sourire sans dentier, qu’elle raffolait comme moi du quinquennat ! Devant mon air interrogateur, un vieux monsieur à canne anglaise a suggéré qu’elle voulait sans doute parler de Quinquina, boisson dont il gardait lui-même une certaine nostalgie. L’oreille et l’esprit confus de la vieille dame, me dit Denise en sortant, avaient sans doute emmêlé ma soif présidentielle et le vin de quinquina que, dans nos campagnes, on faisait jadis prendre aux enfants pour ses vertus toniques. Le soir, au lit, m’est apparue ma grand-mère paternelle. Comme dans mon enfance landaise, elle me tendait un verre avec ces mots fortifiants : "Bois, mon drôle : le quinquina fera de toi un homme !" Hélas, c’est aujourd’hui le petit prince qui se siffle toute la bouteille ! Comme il ne tient pas l’alcool, aidons Dieu à lui épargner un second quinquina – je veux dire quinquennat.

Boudé ce midi l’inauguration des mètres-cubes alignés sur les quais par des artistes locaux sans talent, dans un interminable et lassant dégradé de verts ; indigente réplique, j'ai peine à le dire, de l'époustouflant séisme de ma biennale d’art contemporain. Mon absence sera commentée, n'en doutons pas. De mauvaises langues prétendront même que je craignais de sentir le Roussy, en ce début de campagne des régionales où le gaz carbonique se négocie à la tonne. Ne leur enlevons pas le pin de la bouche, laissons-les dire. On me rapporte du reste que ma gazza ladra ne s’est point montrée elle-même à cet événement, sans doute occupée à faire crotter son chien un peu constipé dans les jardins de l’hôtel de ville. 

En réalité, loin de la cour qui se pressait autour de l’ex-futur maire de la ville en campagne, je faisais mes comptes pour l’hyper stade, rognant avec une calculette sur le rembourrage des sièges des tribunes officielles, grattant sur le carrelage des douches, épargnant sur les cuvettes de WC, discutant en vain la taille des buts et le maillage des filets. Et sirotant - l’avouerai-je ? - un délicieux vin de quinquina préparé par Denise, avec un produit dégoté dans une épicerie bio, macéré dans un excellent cru bourgeois. Eau de vie, eau de jouvence !... Razibus, à nous deux maintenant ! Grâce à mon druide, j’ai moi aussi la célèbre potion magique pour 2012 ! Et un peu la tête qui tourne, ne le répétez pas !

dimanche 17 janvier 2010

Le Che se rebiffe !




Trop, c’est trop, il suffit madame ! Je n’en puis plus ! Qu’on me pardonne ce coup de gueule dominical un peu personnel, mais l’actualité est avare de grands sujets de réflexion en ce début d’année morose. Je sors de mes gonds ! Dieu m’est pourtant témoin que je reste habituellement sourd aux mesquines attaques d’une agaçante agasse qui fait feu de tout bois, hormis celui du siège qu’elle m’a chapardé sans vergogne ; mais cette fois la coupe est pleine ! En état de péché mortel depuis deux ans et demi – Tu ne voleras point – la bestiole ment, diffame et calomnie quand d’autres s’abimeraient en pieuses pénitences ; elle s’immisce même dans ma vie privée, attaquant bassement Denise à qui elle prétend interdire de se montrer à mon bras !

Parlant la bouche pleine de galette républicaine, elle s’est déchaînée vendredi soir devant ses ouailles cantonales, me crachant à distance sa fève en plein visage !  Et elle récidive sur son blogue infâme, me dit-on, y traitant de guérillero un futur président de la République à qui elle taille un costume de Che Guevara ! Mais de quelle guérilla parle-t-on  donc ? Voici l’affaire. Alors que la petite conseillère générale tirait les rois républicains sur ses terres, j’ai eu l’outrecuidance, à quelques pas de là et sans laissez-passer, d'entrer avec DD (ma Denise digitale) dans une résidence de personnes âgées, pour y inaugurer innocemment une console Wii, dans la plus stricte intimité. Quel crime abominable ! Qu’on n’imagine pas pourtant que la marâtre s’opposât à la "nintendonisation" forcée des vieux, bien au contraire ; elle revendique seulement le monopole de leur informatisation sur sa cagnotte parlementaire !

Quel est donc le chef d’accusation, me demanderez-vous ? L'horreur ! Rien moins que la médiocrité, la puérilité et la dérision, craille le volatile ! Plus perfide qu’Albion, j’ai choisi mon heure pour m’assurer de ne l’avoir point dans les pattes, voulant tirer la couverture des vieux à moi, au risque de les exposer à un refroidissement fatal. Soyons francs : je me soucie comme d’une guigne de ses galettes hivernales, dont peu m’importe qu’elles fussent briochées ou fourrées à la frangipane ! Croit-elle donc que je fouine dans son agenda, que je surveille tous ses mouvements,  que je soudoie son pâtissier et son coiffeur ? Les choses sont plus simples en vérité : si j’ignore la péronnelle, c’est qu’elle n’a pas pour moi plus de réalité que Dieu pour un athée : elle n'est qu'une nuisible invention des socialistes dérangée pendant sa messe, voilà tout. Pour n'avoir pas comme d’autres la religion de cette femme fatale, je n’en comprends pas moins qu’elle meure d’envie, comme tout le monde, d’être vue à mes côtés, fût-ce au fond d'un hospice de quartier. Très peu pour moi : l’aimant veille à se tenir éloigné de cette pauvre limaille !

Cerise sur la galette, elle me taxe d’égotisme et d’inélégance – Ah ! son défunt maire au nom de stade insalubre ! –, m’accordant néanmoins au passage un cerveau… de bonne taille. Le guérillero lui en sait gré, mais craint que la pie ne soit pas elle-même mieux pourvue à ce niveau que la linotte. Comment, ne voyant pas plus loin que le bout de son nid, pourrait-elle comprendre que ma guérilla se déroule ailleurs, à des hauteurs où ne sauraient l’élever ses pauvres ailes ? Croit-on que je me soucie de prendre son canton à cette cantonnière, en ratissant des maisons de vieux dont nombre de pensionnaires auront rendu leur carte d’électeur à Dieu avant 2012 ? Non, c'est la jeunesse de France qu'il me faut ! Celle que Nintendo prépare depuis le berceau au monde virtuel de ses retraites !

Médecin dans le civil, me dit-on, cette femme revêche et gloutonne ne devrait pas ignorer qu’il est dangereux pour la digestion de mâcher sa galette en remâchant sa haine. Pour ma part, du reste, j’évite depuis longtemps de tirer les rois en politique, me souvenant d’un proverbe du cher professeur Choron dans l’Hara-Kiri de mes années soixante : "C’est toujours le chauve qui trouve le peigne dans la galette des rois". Et la pie, sans doute, qui tire le couteau.


samedi 9 janvier 2010

Hommage d'Epinal



Je rappelais il y a peu ici la formule expresse par quoi une célèbre journaliste avait, jadis, assassiné mon prédécesseur au nom de stade en ruine : "On ne tire pas sur une ambulance". J’ignorais alors qu’il me faudrait moi-même ajouter bientôt : "ni sur un corbillard". Soyons digne en effet : la presse peut bien se gargariser du  nom peu amène dont le mort le plus regretté de la semaine m’avait gratifié en 2002, je ne répondrai pas. Aveuglé par son orgueil ou son dépit, il lui avait été difficile de comprendre ou d’admettre, déjà en 1995, que le président n’eût d’autre choix que de confier au meilleur d’entre nous la direction du gouvernement de la France. De quel droit me serais-je dérobé ? Se dérobe-t-on à la nation au prétexte qu’on n’en est pas pupille ? Je crois avoir suffisamment payé pendant deux ans ma victoire – ou mon prétendu larcin – pour ne me sentir en rien coupable du sort du cher défunt.

Soyons francs : si je n’ai guère fait la cour à ce baryton tempétueux, l’heure n’est plus aux comptes, je le crains, ni à leur règlement. On vole, on est volé et puis finalement on s’envole ; ainsi va la vie, comme dirait une mienne pie blogueuse à qui je rêve de clouer le bec et de rogner les ailes. De là à faire de moi l’un des douze apôtres du cinéaste Robert Aldrich, pour crime de liquidation du Rassemblement au profit de l’Union, il y a un pas tout de même… Non, tu as raison Denise, on ne m’a jamais vu dans le rôle de l’Iscariote. Pourquoi irais-je donc me pendre dans un cerisier en plein hiver ?

A bien y réfléchir, je pourrais au demeurant être jaloux, à mon tour, que le Général ait déjà rappelé cet ombrageux compagnon auprès de lui, plutôt que moi. J’accepte au contraire sans broncher qu’il me cantonne ici-bas, pour permettre à la France de retrouver le rang qui lui sied dans le concert des nations. Puisque tels sont sa volonté et mon destin, je serai bien lundi aux Invalides, pour le représenter aux obsèques officielles. Avouerai-je pourtant que, depuis jeudi, me tourmente un verset abscons de l’évangile de Luc* : "Laissez les morts enterrer leurs morts". Certes la parole du Christ n’est pas à prendre à la lettre ; l’inhumation stricto sensu n’aura pas lieu du reste aux Invalides et il est trop tôt pour le Panthéon, quand bien même la crypte de Camus cherche encore un repreneur. Serai-je néanmoins à ma place au milieu de tous ces gens déjà, sans le savoir, morts politiquement ? C’est que mon royaume à moi est plus que jamais de ce monde, je n’en veux pour preuve qu’un titre enthousiaste d’un grand quotidien du soir, mardi je crois, sur ma rentrée politique. Être encore du Monde, ce n’est pas rien tout de même, comme dirait Razibus ! Surtout si l’on y échappe à la rubrique nécrologique.

A propos de Rikiki, il n’a échappé à personne que j'ai habilement poursuivi, cette semaine, ma tactique du cracher-cirer**. On m’avait entendu me démarquer franchement dans la presse du débat sur l’identité nationale, en balayant de la main cette foutaise inutile et stupide, dangereuse pour la France. Deuxième acte : après avoir craché dans la soupe, je mets finement aujourd’hui de l’eau dans mon vin : pourquoi pas un débat après tout, pour autant qu’on le réoriente ? Je souffle le froid et le chaud, c’est ma spécialité. Il y faut du courage et de la ténacité, mais on s’accorde à dire que je n’en manque point. Oui, je m’expose et prends des risques, alors que je pourrais faire le mort comme tant d’autres ou, pour me divertir au sens pascalien, prétendre vaquer exclusivement à mes occupations municipales. 

Mais de quel ennui serait, mon Dieu, un urbi sans orbi ! Quelle humiliation publique que de faire la manche au conseil général pour quelques tribunes, alors que la presse m’en offre tous les jours gracieusement dans ses pages, autrement utiles à ma gloire nationale ! Quel gâchis ce serait que ma gnaque n'eût pour s’exprimer qu’un pauvre stade, quand elle est taillée pour une nation ! C’est que ma figure géométrique est l’Hexagone, voyez-vous, pas un misérable rectangle semé de gazon, tout juste bon pour notre fougueux défunt, amateur de football relégué en seconde division. Les Françaises et les Français ne s’y trompent pas, croyez-moi, qui savent faire la différence entre l’étiquette d’un grand cru classé et une simple image d’Epinal. Pour sortir du rang, l’homme politique doit, comme le vin, prendre de la bouteille, ce que Dieu ne donne pas hélas à tout le monde. Face à cette mort qui frappe et émeut la France, dirai-je le pincement au cœur que j’ai ressenti, ce matin, en foulant du pied la plaque de bronze qui, à l’entrée de mon palais épiscopal, au bas d'une longue liste, fait suivre mon nom d’un millésime originel et d’un inquiétant tiret. Comme suspendu, il semble me murmurer : "je t’attends" ? Et dire que c'est écrit, Dieu du Ciel !... Quand ? Fouetté par un méchant blizzard, j'ai senti mon corps soudain se glacer comme le marbre.

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* Luc, 9, 60.
** Voir mon billet du 15 décembre 2009.