"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

jeudi 8 juillet 2010

Vite !


J’ai récemment évoqué ailleurs mon peu de goût pour les réactions à chaud, au point d’exaspérer souvent par l’excès du recul et la lenteur de la réflexion. Je l’avoue, il ne m’aura pas fallu moins de trois ans pour trancher, en mon for intérieur, sur le cumul des fonctions de ministre du budget et de trésorier du parti au pouvoir. C'est que l'incompatibilité n’est pas visible à l’œil nu pour un expert, croyez-moi, même avec des demi-lunes ! Solidement épaulé par un brillant "réservoir de penseurs", je suis cependant en mesure d’affirmer aujourd’hui, sans le moindre doute, qu’elle est parfaitement incontestable, comme l’avaient prématurément claironné dès l’origine les socialistes, en des temps où leur volonté de nuire les privait déjà naturellement de toute crédibilité dans l’opinion, à leur habitude.

Je bats exagérément ma coulpe, pensez-vous ? Non, il n’est pour vous détromper que d'écouter tel ancien Premier ministre avisé, que Rikiki rêve toujours de voir enfin condamné à vivre à son crochet. Cet homme de vieille noblesse me connaît bien pour m’avoir servi jadis au Quai, sans parler d'une certaine dissolution. Dans une sienne petite phrase, aimablement mise en exergue des pages locales de notre bon quotidien régional, ne disait-il pas récemment de moi, avec une touchante indulgence : "Il fait toujours les choses avec un peu de retard mais c’est bien quand même" ? Que voulez-vous, élevé en plein air sous le soleil de plomb des Landes, j’ai gardé la lenteur prudente du paysan pris dans le cycle des saisons. "Je n’ai pas changé", comme le chantait Julio Iglesias, avec qui j'aurais un air de ressemblance, s’il faut en croire un Pétersbourgeois physionomiste en mal d'autographe.

Plus sérieusement, vient un moment où il n’est plus possible de se taire, sauf à accepter une totale déconnexion de l’actualité. Que mon ami Eric me permette donc de lui redire ici et maintenant, avec vous, ma confiance sans réserve, mon admiration intacte, ma tendre et fidèle affection. Il sait que j’ai connu comme lui le Chemin de Croix, les crachats, la réforme des retraites, la couronne d’épines, la flagellation, les quolibets. Oui, maire intègre et dévoué, très apprécié comme moi de ses administrés et de ses administrées, ministre exceptionnel à mon instar, notre excellent trésorier fait preuve jusque dans l'adversité d’une capacité d’encaissement remarquable. Est-ce là une raison pour le faire payer, lui et pas un autre ? 

Non, décidément non. Je m’en remets personnellement à la sagesse de deux vénérables octogénaires éclairés par Vauban (dont j'ai un vrai faux-air, déperruqué), pour crier avec eux à ma pie voleuse et à ses consorts : "Halte au feu !" Ayant parcouru hier soir au lit sur Internet des extraits de La Dîme royale, ouvrage visionnaire du mentor de nos deux figures de proue de la République œcuménique, Denise m’en a égrené ce matin au petit déjeuner quelques belles citations. J’en retiens une, un peu absconse, que je refuse d’interpréter comme une quelconque prophétie : "De quelque façon qu’on prenne la chose, il est certain qu’il aura toujours bien de la peine à attraper le bout de son année." Qui ? Erikiki ? Pardon, je veux dire "Rikiki ?"  Fusible toujours en première ligne, il ne peut s'en prendre qu'à lui-même, sauf à se voiler encore la face ! 

Soyons francs : il n’a plus d’autre option aujourd’hui que la démission de son gouvernement, dont le chef trouverait mieux pointure à son pied à la mairie de Paris qu'à Matignon. Entre moi, j’y réfléchis depuis trois ans et c’est la conclusion à quoi je suis laborieusement parvenu, tant on voit bien que ma propre démission n’a rien réglé des problèmes de la France, bien au contraire. Oui, il est grand temps que, de toute urgence, au moment que le Président jugera opportun dans les jours qui viennent, il soit procédé au profond remaniement à quoi aspirent nos concitoyennes et nos concitoyens. Premier ministre expérimenté rompu à la tourmente, droit dans mes bottes sur la question des retraites, fort de quinze années d’un dialogue exemplaire salué par l’opposition municipale, je suis prêt à faire don de ma personne à Razibus, pour conduire un gouvernement resserré et rasséréné vers la victoire en 2012. 

Il n’est pas mauvais, en effet, que les Françaises et les Français me voient de nouveau aux affaires – disons plutôt "à l’œuvre", en ces temps sémantiquement très susceptibles –, pour décider en conscience de qui aura la charge de diriger notre pays jusqu’en 2017. "Et plus si affinités", me souffle la future première dame de France, en me caressant doucement le crâne avec son Nouvel Obs.