"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

samedi 24 décembre 2011

Poubelle la vie !


En cette période de l’Avent où se rappelle à moi chaque année le message social de l’Église, j’ai ressenti hier soir une profonde compassion à la lecture du commentaire d’un pauvre anonyme à mon dernier billet. Dans le style qui est le sien, il revisite le triple P que j’évoquais la semaine dernière, avec la force d’une détonation franche et populaire à quoi j’avoue n’être pas insensible. Loin des turquitudes de l’actualité nationale et internationale, qu’il me permette donc de poursuivre ici en cette veille de Nativité – une fois n’est pas coutume – le dialogue qu’il a bien voulu entamer avec moi depuis sa caravane ou, s'il en a été chassé, son centre d’hébergement d’urgence.

Pour ne pas en altérer la poésie ou en trahir la respiration, vous ne m’en voudrez pas, Cher Ami, de citer in extenso votre poignant message : « Votre triple P, là, m'sieur Youpi, vous croyez pas que c'est plutôt Pauvres, Poubelles et Privilégiés ? Ca sent pas l'hostie comme vous et votre curé au nom de gâteau là que je peux même pas m'en acheter, mais c'est ça la vraie vérité qu'elle est déjà dégradée ! Vos poubelles elles dégueulent et nous hé bé on bouffe leur vomi, c'est comme ça. Joyeux Noël hein ! » Mon premier mouvement, l’avouerai-je, monsieur, a été de vous inviter à ne pas sur-réagir à un propos dont les P semblent vous avoir échappé et la religiosité exaspéré, mais j’ai compris à vous relire la communauté d’esprit qui était au fond la nôtre, dans  une analyse judicieuse des salutaires mutations de notre époque.

Soyons francs : j’ai longtemps tenu pour exhibitionnisme malsain l’étalement de la richesse, n’hésitant pas à démissionner du gouvernement, au prétexte d’un contretemps législatif, quand je n’ai pu supporter davantage ce qu’on nommait à l’époque le bling-blinguisme décomplexé du président Razibus. Ce fut une erreur, je le concède aujourd’hui avec le recul de l’expérience et une pratique assidue de l’examen de conscience. Au nom de quoi, en effet, les riches devraient-ils cacher leur richesse en des temps où la misère, qu’on a connue honteuse, n’hésite plus elle-même à s’exhiber sur les trottoirs, sublimée par l'Arte Povera ? L’hypocrisie, voyez-vous, s’est trop longtemps cachée sous les atours de la retenue ;  je reçois comme une révélation le raccourci fulgurant qui réunit dans votre lumineuse trilogie les pauvres et les privilégiés autour de leur  poubelle de Cocagne !

Oui, sans le théoriser, vous avez compris, monsieur, que la poubelle est aujourd’hui au cœur du lien social ! J’irai même jusqu’à affirmer qu’elle rend d’un coup caduque la social-démocratie, en assurant directement la redistribution entre les riches et les pauvres, sans le truchement douteux d’un Etat injuste, endetté et dispendieux. Prenons l’exemple de la ville que vous habitez, qui semble être celle dont je suis le maire virtuel : on dit qu’elle compte 25% d’habitantes et d’habitants au-dessous du seuil de pauvreté, c’est-à-dire (on le remarque moins) 75% de mieux lotis qui déposent plusieurs fois par semaine leur poubelle repue sur le trottoir. Ces « privilégiés », nous apprend une récente enquête, jettent sans y toucher plus de 20 kg de nourriture par an ; mieux encore, 20% de la nourriture servie dans la restauration collective part aux ordures ! Loin d’être du gaspillage, voilà une variante sublime des restos du cœur, en libre-service toute l'année, sans l’humiliation de la mendicité pour le consommateur secondaire, dans les intempéries d’une interminable file d’attente !

Alors réjouissons-nous, mon bien cher frère en Dieu, de la richesse qui s’exhibe et fait la fête, avant de « vomir » dans ses poubelles où vous plongez les bras en plein jour sans vergogne ! Et faisons mieux encore ! Un article lu après dîner m’a en effet convaincu que nous pouvons améliorer la situation, si nous en avons la volonté politique ! La vérité est que, malgré les efforts louables du gouvernement, nous avons encore trop de privilégiés dans ce pays, le point d’équilibre entre la richesse et la pauvreté d’un Etat moderne s’établissant mathématiquement autour de 50%. C'est le niveau que viennent d’atteindre les États-Unis, heureux pays qui continue de montrer la voie au monde développé, dans ce domaine comme dans bien d’autres. Si la France n’atteint pas à son tour rapidement cet équilibre, croyez-moi, nous serons faits comme des rats ! N’eussent été vos trois P égrenés comme un chapelet hier soir dans mes prières, mon pauvre Ami, Dieu m’aurait-il éclairé de sa Lumière ? En vérité, c'est Lui qui vous a tenu la main pour m’adresser Son lumineux commentaire ! Grâce Lui en soit rendue, comme à vous qui fûtes sur Internet mon ange Gabriel !

P.S. Réveillé par les éboueurs, trouvé ce matin au lit un superbe slogan de campagne, envoyé immédiatement en texto à Rikiki : « Poubelle la vie ! ». Je ne comprends pas sa réponse au petit-déjeuner : « Super pour se ramasser ! »

dimanche 18 décembre 2011

Le triple P de none


Au sortir de none il y a quelques jours, échange inspiré avec un bon père jésuite qui m’a pris en affection. S’il n’ignore pas que Dieu répugne à tout truchement entre Lui et ma personne, je sens à chaque rencontre que ce vieux prêtre n’est pas pour autant résigné à laisser ma conscience sans direction spirituelle, en des temps où les agences de notation vont de l’avent pour disputer au Seigneur l’exclusivité du Jugement dernier, au nom de la sacro-sainte concurrence libre et non faussée. Alors que je me relevais difficultueusement d’un prie-Dieu pour soulager mes articulations, le compagnon de Jésus m’interpella d’une voix douce en ces termes : « Mon fils, quelles que soient les dégradations à quoi vous expose le Malin, demeurez en toute circonstance fidèle au triple P de votre baptême ! » Balayant l’air d’un ample signe de croix en direction de mon visage, il précisa avec un sourire en coin : « Pensée, prière et pardon ! », à la manière d’un médecin qui, plutôt que de me prescrire des potions inutiles, m’eût rappelé la règle d’or d’une vie saine pour la carcasse humaine.

Bien qu’au fil du temps je ressentisse de plus en plus intensément en moi la présence continuelle de Dieu, mon cœur fut touché par la plosive harmonie de ces trois P discrets dans le recueillement matinal de la petite chapelle : en conférant à ma devise une odeur de sainteté, le bon père montrait sa faculté de lire en moi comme dans le Livre. Oui, retenu dans la capitale, je demeure intensément par la pensée auprès de mes administrées et de mes administrés, tout particulièrement avec celles et ceux d'entre eux qui sont en souffrance. Mes pensées vont ainsi à l’homme de la rue qui meurt de soif ou de froid pendant que sa femme accouche dans le caniveau. Je suis évidemment avec les sans-papiers pour envelopper par la pensée leurs cadeaux de Noël. Et bien sûr je souffre par la pensée avec les sans-abri libyens dont la maison a été bombardée, la femme violée et les enfants tués pour les libérer du tyran sanguinaire !

Si d’aventure ils fréquentent ce blogue, qu’ils sachent et répètent tous et toutes alentour que Denise et moi les accompagnons aussi par la prière. Dieu m’est en effet témoin que je prie régulièrement Benoît-Joseph Labre, saint patron des sans-abri, des pauvres et des exclus, saint Sébastien, patron fléché des soldats et des victimes de guerre, et aussi Gianna Beretta Molla, non point libraire mais patronne des victimes d’agression sexuelle et des maires en difficulté – pardon, je veux dire des mères en détresse, et tout le saint-frusquin. Au gré de stations souvent douloureuses, un long chemin de croix politique m’a appris que la pensée et la prière sont souvent plus aptes à soulager la conscience humaine que les arrêtés et les lois, même si elles viennent hélas aussi rarement que ces derniers à bout des malheurs et des turpitudes de notre espèce.

Troisième élément enfin de ma trinité mentale : le pardon. Soyons francs : il n’est pas facile à accorder pour qui tient comme moi le péché en horreur ! Mais tout bon chrétien sait du Père qu’il ne sera lui-même pardonné que s’il pardonne à ceux qui l’ont offensé. Depuis ma plus tendre enfance, la récitation quotidienne du Pater Noster me protège entre autres des péchés d’orgueil et de vengeance, pour l’amour de mon prochain. Et même de ma prochaine, s’il s’agit de la petite femme dépitée qui s’accroche à mon siège de l’Assemblée, en totale infraction aux Dix Commandements du Livre, au motif fallacieux qu’on ne saurait interdire à une pie de voler. Mon pardon, mes pensées et mes prières lui sont en effet acquis, je l'assure, si elle fait acte de contrition et s’engage à renoncer l'an prochain au fruit à maire de son larcin.

Mais Dieu, que ce triple P de none a pris une résonance particulière jeudi dans mon cœur ! Pensée, prière et pardon ont submergé d’un coup mon âme quand une terrible dépêche a annoncé, tel un glas, la condamnation de l’ancien président de la République à deux ans de prison, avec sursis ! Quelle douleur que ce jugement ! Quelle tristesse ! Quelle injustice ! Quelle cruauté aussi que cette photo d'archives en noir et blanc qui me montre assis à la gauche du père en politique, exhibé non comme un fils mais en joyeux complice ! Je pardonne bien sûr à cette presse ingrate comme j’ai pardonné il y a longtemps aux juges, mes pensées et mes prières étant tendues aujourd’hui vers le grand homme dont je fus l'adjoint puis le plus brillant Premier ministre. Au nom de ma foi et de mon affection, je demande aux chrétiennes et aux chrétiens d’accorder ici et maintenant à cet homme blessé et malade le pardon qu’ils ne m'ont pas marchandé naguère en pareille circonstance ! Qu’ils l’offrent aussi à ses juges qui, pressés par leur soif de vengeance, n’ont pas même pris la précaution de demander aux médecins l'échéance du divin sursis accordé ici-bas à l’illustre condamné ! Puisse la justice de Dieu priver pour l’éternité celle des hommes de l’exécution d’une trop longue peine, fût-elle aussi fictive que les emplois qui l'ont motivée ! Jésus lui-même après tout, bien que Saint d’Esprit, n’est pas resté cloué deux ans en sursis sur sa Croix !

samedi 10 décembre 2011

La mort de Gulliver


Réveillés ce matin par le téléphone, à une heure où le jour paresseux n’avait point encore décidé de se lever sur la Seine. Évidemment une amie insomniaque de Denise, pressée de rapporter sa téméraire incursion, hier soir, dans un centre social et culturel de la ville, comme s’il se fût agi d’une périlleuse expédition chez les Indiens jivaros (comparaison injuste, j’en conviens, pour une pintade dont la tête est impropre à la réduction) ! L’objet de cette aventure dans un lieu de misère ? La rencontre d’un ferrailleur aux prétentions d’artiste, venu deviser sur l’art avec trois ou quatre pelés, érigés en université populaire comme on le dit des tribunaux. Qu’on ne se méprenne pas : je ne rapporte pas cette anecdote dénuée d'intérêt pour égarer dans la ferronnerie les vrais amateurs d’art, mais parce qu’y fut évoqué Gulliver que l’artiste auto-proclamé aurait « sculpté » au chalumeau pour la mairie, avant que je ne le dessoudasse paraît-il, tel un assassin jaloux de sa hauteur.

L’auteur justement de ce gigantesque homme de fer – qu’il me pardonne d’avoir égaré son nom – ignore sans doute que je tiens Jonathan Swift pour le plus grand philosophe de tous les temps, dont mes exégètes des siècles à venir ne manqueront pas de pointer la filiation, dans une œuvre littéraire que mes détracteurs tiennent à tort pour queues de cerises. A ces derniers, infatigables Lilliputiens, je me contenterai de répondre de haut avec mon maître que, « quand un vrai génie paraît dans le monde, on le distingue à cette marque : tous les sots se soulèvent contre lui. » Grâce au Ciel et à quelques juges, si j'ai à les subir, je ne serai jamais garde des sots !

Soyons francs : dans tout ce qu’il entreprend, un homme de ma dimension a toujours l’impression d’être un marin géant échoué à Lilliput ! Je ne fais pas là allusion à l’un des plus grands chefs d’État que nous ait donné la France, non plus qu’à un brillant économiste rentré la queue entre les jambes de Washington, mais bien aux Françaises et aux Français occupés à leur fourmilière ! Il me plaît aussi parfois de penser que c’est par prémonition de mon avènement que Swift a confronté son héros à une guerre entre Lilliput et Blefuscu, île voisine, pour régler un grave différend sur le bout par quoi doivent être ouverts les œufs à la coque ! Vaste problème... Inutile de préciser que, eussé-je été Gulliver, j’aurais bien sûr pris le parti de l’œuf dur, contre Gros-boutistes et Petit-boutistes abandonnés à leurs dérisoires mouillettes !

A ce propos, sait-on que Swift avait aussi trouvé l’inspiration de son chef-d’œuvre dans une sienne mésaventure causée par le krach de 1720, lorsque la spéculation avait multiplié par près de dix la valeur d’actions imprudemment acquises, avant qu’elles ne se réduisissent en quelques jours à peau de chagrin ? On voit là que le XXIe siècle n’a pas inventé la crise, même si lui manque encore le génie littéraire capable de mettre en scène, pour la postérité, l’histoire d’un président sortant l’Europe de la crise sans bouger les pieds de sa chancelière. Attendons le dénouement de cette incroyable aventure, pour découvrir en mai, au dernier épisode, si le gigantesque Rikiki a bien trouvé un navire pour le ramener sans naufrage électoral de Lilliput à l’Elysée.

Quid de l’œuvre inoubliable du ferronnier qui m’a conduit dans les pas de Gulliver, me demande Denise ? Hélas, je dois avouer ne l’avoir jamais vue, puisqu’elle s’est curieusement dérobée à mon regard le jour même de son inauguration ! Gisant désarticulé au fond de quelque immense caveau de béton à sa mesure, dort-elle d’un sommeil inquiet dans l’attente d’un baiser de prince charmant ? Je ne saurais le dire. Si elle a néanmoins une quelconque valeur marchande, soyons confiants qu’elle finira par intéresser le marché. Comme aurait en effet dit Clemenceau, l’art, il y a des maisons pour ça ! Du moins tant que les socialistes, malgré leur légendaire bordélisme, ne s’aviseront pas pour l'interdire de l’élever au rang de prostitution...

vendredi 2 décembre 2011

Le Toulon d'Achille

Reçu de Denise à l’instant sur mon iPhone la photo d’une inconnue, prise dans une brasserie parisienne qui m’évoque La Coupole. Une sienne « amie » me précise-t-elle, fâchée de ne plus jamais la croiser dans notre lointaine métropole qu’elle la suspecte de snober… Entre deux gorgées d’un petit noir moins serré que son derrière, cette aimable bourgeoise du bouchon se serait gaussée de mon blogue, traité de « prosocopée » (sic). Vieux perroquet encarté sans doute épris de notre fascinant secrétaire général, la péronnelle voulait bien sûr parler de prosopopée, antique procédé qui consiste à faire parler des personnages fictifs ou des morts, voire des animaux ou des choses. Ayant eu jadis à traiter rue d’Ulm de cette figure de style, j’avoue ne pas comprendre en quoi elle pourrait définir mon dialogue hebdomadaire entre moi. Chargé Denise de suggérer à cette pieuse femme de se contenter de lire saint Jean – entendez de la littérature de gare – plutôt qu’un blogue sans fiction où, tel La Bruyère peignant scrupuleusement son propre Caractère,  je me contrains sans complaisance tous les huit jours à la plus stricte éthopée.

Dit dans mon dernier billet ma fierté d’être la doublure du grand Razibus. Déchiré à ce propos de n’avoir pu lui faire hier l’honneur de ma présence à Toulon, pour le lancement de sa campagne de France. Il n’ignore pas bien sûr que sa belle doublure était malheureusement coincée à Bruxelles, où les coutures de l’Union craquent partout aux emmanchures. Grande émotion néanmoins en visionnant au soir avec ma femme digitale la cassette de son Zéntih. « Un tribun exceptionnel, capable de vendre au prix neuf une vieille paire de skis à un Papou tétraplégique », m’assure Denise ! Revu dans la foulée la première saison de son discours, tournée aussi en 2008 dans cette belle ville méridionale de Front de mer. « Nous sommes passés à deux doigts de la catastrophe ! » y clamait-il avec une extraordinaire acuité. Authentique « Voyant » rimbaldien pas encore passé au rouge, le président-poète nous montrait déjà il y a trois ans, sans le dire, les doigts d'honneur que les agences de notation lèveraient vers l’Europe en 2011, dans l’indécent ricanement de leurs AAA !

Soyons francs : Dans la guerre des Trois déclarée à l’Europe endettée par ces agences douteuses et des marchés voraces, Rikiki n’est pas un Charlot comme des malveillants s’ingénient à le prétendre, mais le valeureux Achille des Temps Modernes, ce qui explique au passage son point faible pour Toulon. Soldat toujours volontaire pour rejoindre le Front, croyez-moi, jamais ce héros national n’ordonnera à L'Iliade de faire les valises ! C’est pourquoi je conjure mes e-lectrices et mes e-lecteurs de barrer la route de l’Elysée à une meute socialiste passée sans crier gare du « germanopratisme » à la germanophobie ! Je vous le dis solennellement : l’arrivée de la gauche au pouvoir en mai serait fatale au couple franco-allemand, et partant à notre précieuse Union européenne ! J’appelle donc chacune et chacun à la résistance pour que le président de la République n’ait pas travaillé pendant cinq ans pour le roi de Prusse !

Ne sais pourquoi l’évocation du couple franco-allemand me ramène à l’esprit meine diebische Elster - ma pie voleuse ! -, dont j’apprends que les siens l’auraient intronisée hier soir pour me défier en juin sur mes terres législatives. Nul n’ignore ici le peu de sympathie que m’inspire ce médecin moins hospitalier que je ne le suis moi-même à son égard, depuis cinq ans qu’elle squatte impunément mon siège sur la deuxième circonscription ! Oh, je sais bien qu’elle me traite comme impatient, mais cette déformation professionnelle n’entame en rien ma résolution de la soigner moi-même, histoire d’inverser les rôles enfin ! Oui, je prétends la guérir une bonne fois pour toutes de son addiction parlementaire : deux ans de cure sévère en milieu fermé à l’hôtel du département et, l’âge de la retraite venu, nous pourrons la rendre tranquillement à la vie civile, à son époux tédesque et à son berger allemand ! « A moins qu’elle ne soit sauvée dans six mois par sa foi en Hollande... », me susurre l'incorrigible Denise. Drôle d'idée ! Pourquoi diable irait-elle en pèlerinage aux Pays-Bas ?!

samedi 26 novembre 2011

La doublure


Trois jours dans cette ville et je m’y ennuie déjà, comme en villégiature dans un club de vacances où de gentils organisateurs m’imposeraient des animations ridicules ! A ce train, je finirai par passer plus de temps ici qu’à l’époque où j’y croupissais, maire au foyer entouré de mauvaises ondes ! Aux fidèles auditeurs d’Europe n°1 et de Radio Luxembourg, je précise à ce propos que dès potron-minet, jeudi matin, j’étais sur Paris Inter l’hôte prestigieux du 7-9, en direct de notre grand théâtre. En ce lieu dédié à l’opéra, impression d’être à l’antenne un petit rat pris dans une nasse, stupidement exposé aux questions mesquines de journalistes et de spectateurs sans hauteur ni aménité, à peine conscients d’un privilège que leur eussent envié bien des chefs d’État et de gouvernement : s’adresser à la voix de la France !

Il va sans dire que je n’ai pas offert à ces ingrats le plaisir du mépris et de l’agacement que m’inspiraient leurs questions assassines. A ce propos, ne remercierai jamais assez mes parents et mes maîtres de m’avoir enseigné avec succès la maîtrise de soi, le goût du dialogue et le respect d’autrui. Ainsi, interrogé vilement sur les affaires du monde et sans urbanité sur celles de la ville, suis-je passé maître dans l’art de valoriser mes interrogateurs en pointant avec la plus grande délicatesse l’ineptie de leurs interrogations. Un exemple ? Volontiers : quand on se lamente que 20% de la jeunesse se trouve au chômage dans ce pays, je dénonce tout de go l’intolérable prépotence de cette ridicule minorité sur les 80% qui s’épanouissent au travail, dans une indifférence générale !

Denise, qui m’a écouté sur son transistor, s’amuse d’un mien lapsus que je soupçonne de son invention. J’aurais dit que le TGV allait bientôt nous mettre à deux heures de cette ville… La belle affaire ! En quoi mes administrées et mes administrés s’offusqueraient-ils de ce bon sens ? Ai renvoyé l’infâme digitale à la célèbre répartie du héros de Paul Féval : « Si tu ne viens pas à Lagardère, Lagardère ira à toi ». N’est-elle pas allée à lui de son plein gré sans le laisser venir à elle ? Au fond, je n’ai fait que la suivre dans la capitale ! Cela dit, une fois n’est pas coutume, elle a consenti jeudi à m’accompagner dans cette province.

En profitant pour y faire quelques emplettes, elle fut bousculée l’après-midi par une foule en liesse hérissée de micros et de caméras, au sortir d’une librairie où elle venait de me faire dédicacer « Tuer le père » par Amélie Nothomb. Impossible d’identifier le mystérieux « François président » porté par la forêt mouvante de ses fans vociférants, dans le petit film reçu de Denise sur mon iPhone. Bien sûr, pensé tout de suite à mon ami béarnais, pressé tous les cinq ans par la Vierge de s’installer à l’Elysée… Mais non, ma fidèle Bayrouette à deux roues m’eût informé de sa procession. Pourrait-il s’agir alors du Premier ministre, allant lui aussi faire signer à l’écrivaine belge son exemplaire du roman parricide ? Qu’eût fait là cependant ma pie voleuse, dont je suis sûr d’avoir repéré le régé noisette près d’une calvitie brune ? Rien pour m’éclairer dans la revue de presse trouvée hier matin sur mon bureau... Facétieuse, Denise n’aurait-elle pas inventé ce saint François entouré de ses apôtres ?

Bûche de Noël de 250 mètres hier soir, dans une rue commerçante de la ville bientôt sacrifiée au tramway, dont elle apportait les rails de crème et de génoise aux boutiquiers rétifs : les gentils organisateurs rêveraient-ils de mon entrée flamboyante dans Le livre des records ? Ministre d’ État, me voilà en tout cas réduit à couper les bûches comme des rubans… « Vous en reprendrez bien un morceau, monsieur le maire ? » Ah, être Cyrano et pouvoir répondre « Non merci » ! Voix intérieure de ma grand-mère prévenant ma course dans les pins : « Attention mon drôle, tu vas encore prendre une bûche ! » Soyons francs : j’en ai pris depuis sa mort un certain nombre ! Oublié à ce propos qui a dit l’autre jour que j’étais la doublure de Rikiki… Heureuse formule, plus flatteuse que celle de la roue de secours. Pour tout dire, je me sens en effet capable de le doubler, même au poteau ! Mais Denise, rabat-joie, me rappelle l’obstination des sondages, annonciateurs d’une belle veste en 2012. Bien doublée.

jeudi 17 novembre 2011

La main verte


Lundi, jour de saint Sidoine, soufflé ma première bougie. Un an déjà en effet que, m’extirpant d’une paisible maison de retraite municipale où je jouissais d’un repos bien mérité, Rikiki décida brusquement de me faire jouer en Défense en équipe nationale. Qui était Sidoine, me demandera-t-on ? Souvenez-vous... Cet aveugle à qui Jésus rendit la vue en lui frottant les yeux d’une sainte boue, faite d’un sien crachat mêlé à un peu de terre à ses pieds. Fierté d’avoir moi-même, par semblable miracle, ouvert les yeux du monde à l’ONU sur la dictature libyenne, en lançant le 17 mars de la plus haute tribune mon Appel du 18 juin ! Fils de Dieu préférant le message des Évangiles à la nouvelle philosophie, j’avais très humblement mêlé ma salive au sable du désert. Mais j’ai aimé, moi, cette belle guerre, et ce beau pays qui va maintenant se reconstruire. Pierre par pierre !

Tenant à fêter cet heureux anniversaire, Razibus m’a demandé de faire un saut mardi dans ma ville pour l’y accueillir. Consenti bien volontiers à ce déplacement, ravi de retrouver avec lui des amis enthousiastes que je n’ai plus guère l’occasion de saluer, tous réunis dans la joie sous un hangar. Il s’agissait d’honorer entre nous le quart de la population de cette cité qui vit sous le seuil de pauvreté, en lui rappelant fermement que la misère ne saurait être une excuse à la malhonnêteté individuelle ! En ces temps de crise et de dette, il n’est en effet pas inutile de trouver les mots forts qui conviennent, pour rappeler aux plus défavorisés que « Nous vivons sous un prince ennemi de la fraude », comme le disait l’Exempt au Tartuffe de Molière. Quand l’indigent vole sa caisse d’allocations familiales, ignore-t-il qu’il donne le mauvais exemple aux plus aisés qui, par contamination, pourront eux-mêmes céder en toute innocence à la tentation ? Je ne le crois pas.

A quelques centaines de mètres de là, protégés à distance par des cordons de CRS et bientôt rejoints par une petite poignée de retraités en goguette grassement pensionnés par l’État, une cinquantaine de vigoureux fonctionnaires en arrêt de maladie agitaient des drapeaux de circonstance en vociférant à l’entour. Après qu’un participant se réclamant de je ne sais quelle ligue droit-de-l’hommiste leur eut servi un discours convenu d’un autre âge, ils eurent droit, me dit-on, au sketch pitoyable d’étudiants en art très dramatique, qui offrirent bientôt à leurs huées de pauvres traîne-savates (masqués qui en Rikiki, qui en vieille Liliane, etc.) qu’ils récompensèrent de connards d’or, en allusion peut-être au propos affectueux que je tins naguère à un opposant notoire, à moins qu’il ne s’agît d’une réminiscence de salon présidentielle.

A propos du Christ évoqué plus haut, une Marie locale se trouvait là, me rapporte-t-on, qui pourrait agacer bientôt ma choureuse agasse, si j’en crois une intéressante information de notre excellent quotidien régional. Je veux parler d’une mienne administrée, rejetonne sans pipe du plus célèbre des paysans du Larzac, qu’on dit fort tentée par une candidature écologique à la députation dans ma ville. Plus précisément – me croira-t-on ? – sur la fameuse circonscription qu’imagine me ravir ma prétentieuse dame de pique en juin prochain : ce n’est pas une blague ! Soyons francs, je ne suis pas mécontent de ce développement à quoi Denise me soupçonne d’avoir mis un peu la main qui fait des miracles. No comment : on ne parle pas ici-bas des dons qu’on a reçus du Ciel, ni de la manière dont on en use ; c’est un principe que je ne trahirai pas. Disons simplement que j’ai… la main verte. Comme disait l'autre, que ceux qui ont des oreilles entendent, et que ceux qui ont des yeux voient !

jeudi 10 novembre 2011

Western spaghetti


Contrairement à ce que serait tenté d'imaginer à première vue le visiteur ou la visiteuse de ce blogue, il ne sera pas question ici de l’Italie et de sa cruelle actualité. La situation géopolitique est en effet trop dramatique pour qu’un homme d'envergure planétaire se hasarde à commenter la fin tragique d’un vieux Cavaliere tombé de cheval, ou je ne sais quelle faim des marchés que ne saurait assouvir un plat de pâtes occidentales à la sauce de ce blogue. Plus légèrement, mon intention est d’évoquer un film un peu oublié du grand réalisateur Luigi Bazzoni, sorti en 1968 alors que je soutenais le Général sur les barricades : « L’Uomo, l’orgoglio, la vendetta ». En français, « L’homme, l’orgueil et la vengeance ».

J’avoue avoir été subjugué à l’époque par cette libre et grandiose interprétation de la Carmen de Mérimée, au point d’aller la voir plusieurs fois dans une salle obscure du quartier latin entre deux manifestations, tant je m’identifiais sans trop savoir pourquoi à son Don José westernisé. C’était rue des Écoles, je crois… Regret de n’avoir pas retenu le nom de ce petit cinéma d’art et d’essai, devenu depuis comme moi Le Desperado me dit Denise – no comment ! Pressentais-je déjà dans cette Carmen volage la République infidèle qui s’obstinerait à me tromper et à me filer plus tard entre les doigts ? Je l’ignore mais n’en serais en vérité point étonné. Inoubliable Tina Aumont dont l’évocation me trouble encore à plus de quarante ans de distance ! Mon aînée d'un an, disparue bien jeune hélas en 2006 sans avoir eu jamais l'honneur de me rencontrer… Penser à faire porter demain des roses sur la tombe de cette Carmencita au cimetière du Montparnasse. Les morts votent rarement mais qui sait, peut-être murmurent-ils à l'oreille des vivants quand ils se recueillent dans l'isoloir ?

Pourquoi la résurgence nostalgique de ce souvenir, me demandera-t-on ? Eh bien par le hasard d’un article du Monde sur quoi fut attirée hier mon attention. Croirez-vous qu’une journaliste – son nom m’échappe, qu’elle me pardonne – vient de reprendre le titre de Luigi Bazzoni, dans un livre consacré à quelque homme politique sur le retour que la vie ne semble point avoir épargné. Un peu comme je le fis jadis moi-même de mon Don José de western, elle voit en lui une façon d’Edmond Dantès, victime de la jalousie et de la médiocrité. Personnage apparemment sec et peu amène, je ne sens cependant pas a priori en lui le cœur et le charme italiens qui m’avaient immédiatement séduit chez Franco Nero en 68. Soyons francs : l’orgueil et l’esprit de vengeance m’étant aussi étrangers que la modestie et l’empathie, cet has-been verrouillé dans son entre-moi rigide ne m’inspire aucune confiance. Et pour parler net, son hagiographie que je n’ai aucune envie de lire me semble dégager comment dire ?  –  des ondes plutôt négatives…

A ce propos, je voudrais évoquer un phénomène connu qui n’a rien à voir, celui de la réfraction. Chacun a observé dès son plus jeune âge qu’un pinceau plongé dans un verre d’eau paraît brisé, à cause de la réfraction de la lumière lorsqu’elle traverse la surface du liquide : les physiciens parlent en effet de déviation de l'onde. C’est précisément ce qui s’est passé en 1997 quand, pour mon plus grand malheur, les socialistes ont été plongés bien malgré eux dans la dissolution : ils se sont retrouvés brutalement déviés vers Matignon. J’affirme donc que le jeune et fringant patron de Bercy ne voulait rien dire d’autre avant-hier en affirmant que les socialistes ont alors pris le pouvoir « par réfraction ». La Gauche ne s’en est pas moins fendue d’une Charge héroïque en dégainant dans l’hémicycle ! Personnellement, son pauvre western m’a laissé aussi froid qu’un plat de spaghetti oublié depuis deux jours sur un coin de table !

jeudi 3 novembre 2011

Jésus, Marie !


Avant de me coucher tard dans la nuit, déambulé incognito sur la Croisette, où j’ai croisé quelques journalistes et membres de délégations étrangères, comme moi reconnaissables à leur sac marin de toile rayée sur l’épaule. Souri en repensant au texto lapidaire de Razibus la semaine dernière, après son beau monologue télévisé avec deux journalistes : « G20 dans le sac ! » Au-delà de l’allusion au succès annoncé de son sommet cannois, ainsi que d’une gratitude bien naturelle envers le chef de la diplomatie française, ce délicat message s’adressait aussi – surtout ? – avec affection à l’enfant des Landes que je suis. Nul n’ignore en effet que c’est dans ce département qui m’est cher que les sacs des trois mille invités du G20 ont été fabriqués. Ce n’est pas un hasard : je partage avec les Landaises et les Landais la fierté qu’ils me doivent. 

A propos de sacs, suis particulièrement choqué par celui de Charlie Hebdo dans la nuit de mardi à mercredi. Ou, plus exactement, par l’incendie qui a détruit le siège de ce grand hebdomadaire national, ce qui revient au même. Par parenthèse, la police et la presse ont évoqué Molotov à cette occasion, ne manquant pas de rappeler au passage son goût particulier pour les cocktails. N’oublions pas qu’il était avant tout comme moi un grand homme d’État doublé d'un diplomate hors pair, bras droit de Staline comme je le suis de Rikiki. Cela dit, je m’honore d’appartenir à un gouvernement qui fait depuis bientôt cinq ans du droit de la presse à la satire son cheval de bataille. Comment oublierais-je que je me suis éveillé à la politique avec Hara-Kiri ? Et le professeur Choron qui, à sa manière, enseignait déjà sous nos pupitres à Science-Po et à l’ENA. Qui sait ? Peut-être lui doit-on de trouver encore aujourd’hui jusque dans nos rangs des gens bêtes et méchants…

J’ignore si, pendant que je respirais l’air nocturne de la Croisette, le Premier ministre grec a gardé en cabine son sac landais, dans l’avion qui le reconduisait piteux à Athènes. A en croire la presse du jour, il pourrait bientôt le vider des petits cadeaux inutiles de notre généreuse République pour l’utiliser à son propre paquetage. Soyons francs : il est temps que cet impertinent socialiste comprenne enfin qu’on ne s’oppose pas impunément à la France et à l’Allemagne ! Puisse-t-il apprendre à ses dépens que l’irrespect et l’humiliation se paient, comme les dettes ! Je ne doute pas qu’à l’instar des marchés le peuple grec lui-même nous sache gré, un jour prochain, de notre refus catégorique que lui soit donnée la parole. Grâce au Ciel, nous avons trouvé dans sa délégation cannoise des ministres moins obtus que leur patron ! Ils ont reçu cinq sur cinq le message de Razibus quand, leur montrant son front de l’index, il leur a lancé dans un mouvement d’épaule : «  Dites donc, les pâtres grecs, là y a pas écrit poire Belle-Hellène, hein ! » Arrivés avec un Premier ministre, ils ont très vite compris que leurs compatriotes indignés n’accepteraient jamais qu’ils rentrassent avec une tête de Turc au palais de la place Syntagma. 

Reçu une photo inconvenante de Denise sur mon iPhone, alors que j’accueillais les grands de ce monde sur les marches du palais des festivals. Juste eu le temps de la cacher de la main à Angela, qui se penchait pour voir mon écran : une vieille couverture de Hara-Kiri où la Vierge rayonnante, agenouillée devant la paille vide de la Sainte Crèche, se vante d’avoir eu recours aux services d'une faiseuse d'anges… De quoi choquer Mahomet, assurément, dont le Coran vénère Marie, et blesser inutilement mes bien chers frères et sœurs dans le Christ ! Mais la liberté de la presse est aussi sacrée pour la République que la Bible pour les religions du Livre : elle n'est pas négociable ! Sourcil interrogateur de Rikiki quand j’ai retenu un rire au moment de serrer la main du président Chinois. J’imaginais Papandréou en Marie dans la presse hellène demain matin, sous un gros titre barrant la une : « J’ai avorté de mon référendum ! » Jésus, Marie ! Dieu me pardonne !

jeudi 27 octobre 2011

Élevés sous le maire


Il faudra que l’on me dise qui a eu l’idée saugrenue ou malveillante d’inviter ce week-end dans ma mégalopole un salon intitulé « Préparer et bien vivre sa retraite »… Prétend-on me montrer sournoisement la sortie au motif que j’atteindrai, à l’Ascension 2012, la barre de la relégation sans décote dans notre belle loi portant réforme des retraites ? Oui, j’aurai l’an prochain l’âge du Général quand il fit don de sa personne à la République, pour redonner panache et dignité à la France ! Soixante-sept ans, la belle affaire ! Craindrait-on en haut lieu que je guignasse l’Elysée en suçant mes noyaux de cerises ? Que je voulusse confisquer le pouvoir ? Soyons francs : j’ai donné dans ma ville suffisamment de gages à la démocratie, à la concertation, au respect patient d’une opposition aussi rétive qu’irrespectueuse, pour qu’on ne croie pas qu'à 67 ans j’envisage de commencer une carrière de dictateur ! 

Je le dis donc sans détour aux chroniqueurs et autres politiciens de salon qui spéculeraient sur mon départ de la scène nationale et internationale pour provoquer ma chute : j’ai pris mes résolutions. Dans les circonstances présentes, je ne me retirerai pas ! Il ne me suffit pas d’avoir débarrassé les Libyennes et les Libyens du joug d’un tyran sanguinaire pour rentrer à quelque Boisserie lointaine où rédiger je ne sais quels mémoires entre deux réussites : j’exige d’autres victoires ! Je suis blindé ! Je ne crains pas la lapidation, ayant reçu suffisamment de coups dans ma carrière ! D’où que viennent les pierres, je resterai à la manœuvre dans ma ville, en France, en Europe et dans le monde ! Droit dans mes bottes et, comme le Général, toujours rebelle !

Non, on ne me retraitera pas comme un déchet nucléaire ! Pas plus que la France ou notre équipe de football on ne me relèguera en deuxième division ! Livré l’an prochain aux socialistes – A Dieu ne plaise ! –, mon cher et vieux pays s’agenouillerait pour faire la manche à des pays émergents ! Quelle humiliation – quel incroyable retournement de l’Histoire ! – si, devenue continent immergent, notre pauvre Europe se retrouvait demain à la merci de Moscou et de Pékin ! Croit-on que c’est pour en arriver là que, au péril de notre vie, le président Razibus et moi-même avons pris d’assaut le mur de Berlin en 89 et libéré nos frères européens du socialisme ? Et à propos de Dassault, s'agissant du Brésil, j'eusse préféré que ce pays nous aidât en achetant hier nos Rafale, plutôt qu'en nous faisant aujourd'hui l’aumône à Bruxelles sur un air de samba !

Mais alors, me demandera-t-on, comment sortir l’Europe des baïnes de la crise mondiale qui la condamnent à la dérive et aux abysses ? J’ai la réponse : faire tourner les bétonnières plutôt que la planche à billets ! Relancer le BTP pour construire à nos concitoyennes et à nos concitoyens un avenir en dur durable ! Attention cependant : la France est un pays jeune dont le devenir n’est plus de par la loi dans les maisons de retraite ! Un pays en pleine santé saturé d'hôpitaux, d’hospices et d’EHPAD ! Aérons cette nation qui sent le vieux, le renfermé, le moisi, l’assisté, le suppositoire et le désinfectant ! Ouvrons grandes ses portes et ses fenêtres ! Faisons tomber ses murs comme à Berlin ! Aidons-la à retrouver dans des stades gigantesques et futuristes, à l’air libre, le goût de l’affrontement et de la compétition, le parfum régénérant de sa jeunesse active ! Comme jadis à Rome, donnons-lui enfin les jeux qu'elle réclame à défaut de pouvoir reléguer sa misère ! 

Coquine à la Dati, Denise remarque une inflation de points d’exclamation dans ce billet. Lui concède que je suis un homme révolté, qui a depuis longtemps renoncé aux interrogations. J’ai su très jeune en effet que le monde n’avait pas besoin de questions mais de réponses. Parce que, comme l'a dit je ne sais plus qui, le point d’interrogation n'est au fond qu'un point d’exclamation qui s’est un peu avachi... Mais les Français ne sont plus aujourd'hui des veaux pour se résigner à l’avachissement de la France par des questions inutiles !

mercredi 19 octobre 2011

L'Espoir


Las de l’infection persistante de mon petit écran par le virus d'une certaine primaire, relu ce week-end Un amour de Swann à Saint-Emilion, entre deux saillies et trois télégrammes diplomatiques… Sur les conseils avisés de Razibus, subjugué par le personnage d’Odette me croira-t-on ? « Cette meuf, c’t’aut’ chose que La princesse de Clèves, ch’te l’dis ! » m’a-t-il confié ingénument en me passant l’autre jour son exemplaire de poche, enthousiasmé de faire découvrir Proust à un Normalien, tel qu’il l’avait reçu lui-même de son affectionnée parturiente. « C’est pas du Barthesse, mais la mère La Faillite, a peut aller se rhabiller, tu verras ! », ajouta-t-il péremptoire. 

Comment expliquer son curieux engouement proustien, me demandera-t-on ? Je me garderai bien de toute conjecture. S’agissant en revanche de la conjoncture, si l’on veut mon avis, je ne trouve pas très opportun de s’enticher d’une héroïne au nom quelque peu provocateur, face à des agents de notation sourcilleux à qui on s’efforce de faire accroire qu’ « Ô dette mon amour ! » est le cri du cœur d’une gauche flambeuse en mal de gouvernement !

A ce propos – le dois-je à l’auteur de Martine disp…, pardon, je veux dire d’Albertine disparue ? –, Denise m’a trouvé très en verve à Saint-Emilion, sous un chapiteau qui pouvait rappeler celui d’un cirque. Je reconnais modestement avoir enfilé les bons mots comme des perles, remarquant par exemple : « Je ne sais pas si Hollande et Aubry sont impétrants mais je les trouve assez empêtrés. » Pardonnez-moi, j’en pouffe encore ! On me rapporte que mes gags ont littéralement pétrifié les intéressés ! Soyons francs : l’atmosphère était à la franche rigolade, comme il arrive après la dissipation d’une terrible angoisse ! Ainsi des milliers de personnes m’ont-elles applaudi dans un immense éclat de rire quand j’ai osé cette boutade : « Rikiki est un capitaine formidable ! » Une voix anonyme avait répondu dans la foule : « Le capitaine Crochet ? », par allusion bien sûr à une aimable métaphore bouchère passée à la postérité.

Avons-nous donné le ton ? Je le crois sincèrement, tant on m’assure que le même esprit festif présida hier à la joyeuse convention nationale qui, à 17 heures, vola bien malgré nous la vedette mondiale à un soldat prodigue israélien, de retour au pays grâce à la France après cinq ans passés à Gaza. Enfin nous avons repris la main dans l’audiovisuel, pour débarrasser les Françaises et les Français des émissions toxiques du parti socialiste, si néfastes au développement durable de nos belles idées dans l’Hexagone ! Contrairement à ce que prétend la rumeur, je tiens à préciser que je n’ai nullement boudé la fête. Hélas, pendant que nos concitoyennes et nos concitoyens se tordaient de rire devant leur téléviseur, soulagés d’être réveillés dans la joie d’un rêve enchanteur préludant au cauchemar, je me trouvais avec mon riant compagnon de Grand Emprunt au Conseil de surveillance et de suivi des investissements d’avenir. No comment !

A propos d’investissement d’avenir, un sondage très encourageant, à paraître demain, confirme que les Françaises et les Français de droite continuent de voir en moi une valeur sûre de la présidentielle. Près de 20% d’entre eux me considèrent en effet comme le meilleur challenger de qui vous savez, loin devant le prétendant à la mairie de Paris : c’est plus que le score du trublion démondialisant des socialistes, unanimement qualifié d’exceptionnel ! Mieux encore :  au second tour d’une primaire, je talonnerais Razibus avec près de 40% des suffrages ! Rien n’est donc joué si je puis convaincre notre champion de l’intérêt de ce dispositif moderne, en lui faisant miroiter le possible dépassement des décevants 52% dont le menace dangereusement cette enquête... 

Mes Chères Compatriotes, Mes Chers Compatriotes, ne vous laissez pas indûment séduire par notre éphémère champion, comme jadis le grand Swann par cette misérable Odette ! Si vous ne voulez pas répéter demain ses terrible paroles de dépit - Dire que j'ai gâché des années de ma vie (…) pour (un homme) qui ne me plaisait pas, qui n'était pas mon genre ! –, levez-vous, IMPOSEZ-MOI pour redonner l'Espoir à la France !

mercredi 12 octobre 2011

Le maire et la primaire


Bien que, dans la plus totale abnégation, ce modeste blogue soit dédié à la promotion de l’œuvre d’un président de la République d’exception, j’aimerais m’autoriser à saluer ici sans réserve l’esprit primaire que les socialistes ont su faire souffler sur la France depuis leur entrée en campagne. Soyons francs : j’ai été séduit d’entrée de jeu par l’audace et la modernité d’une démarche participative et citoyenne qui, aussi inédite dans le paysage politique national que dans le reste de notre vieux continent, fait parfaitement écho à ma pratique personnelle de la démocratie municipale  au quotidien.

On comprendra néanmoins que, pour des raisons évidentes, il m’était très délicat d’afficher publiquement mon enthousiasme et mon engouement. Pour éviter toute attaque de mes amis comme de mes ennemis, j’ai donc sciemment, dans un premier temps, fait montre de moins d’ardeur que la majorité des maires de France, je l’avoue, à concéder au parti socialiste local les trop nombreuses salles qu’il sollicitait pour l’organisation de son attrayant scrutin. Ignorants de mon soutien comme de ma stratégie, ses dirigeants n’ont donc pas manqué de dénoncer immédiatement ma volonté d’obstruction, en des termes que j’ai parfois trouvés injustes, voire offensants.

Plutôt que de provoquer la lassitude en rapportant ici les habituels propos désobligeants de ma pie voleuse sur son misérable blogue, j’en viens à l’exposé du parti original que je comptais bien tirer de l’heureuse initiative socialiste. Saisissant d’emblée le formidable symbole de la concomitance d’une primaire présidentielle – événement national révolutionnaire !  – et de notre gigantesque biennale internationale autour de l’art pour une révolution urbaine, j’avais en effet aussitôt imaginé de mêler, d’imbriquer, de fusionner intimement ces deux fabuleuses aventures partout dans la ville. Ce qui fut préparé discrètement avec la complicité du maestro italien chargé de l’organisation de nos festivités automnales. 

Ainsi mes concitoyennes et mes concitoyens ont-ils pu participer dimanche à un merveilleux spectacle d'art vivant, dans un improbable jeu de piste à la recherche de leur bureau de vote : qui dans une maison de retraite où se frayer un passage entre des cannes anglaises et des déambulateurs, qui dans un musée où se mêler joyeusement aux visiteurs pour mettre si possible son bulletin dans l’urne. Au centre d’arts plastiques contemporains, j’ai même vu des curieux déambuler entre les urnes et les isoloirs, sans trouver le bureau de vote plus incongru que les autres bizarreries proposées là à leur émotion artistique. Et repartir avec à la main des bulletins dont je tairai le nom des impétrants, mêlés à d’autres prospectus. Grâce à mon génie citoyen, cette ville aura voté deux fois plus que le reste de la France !

Qui sait ? Peut-être une poignée de socialistes férus d’art conceptuel auront-ils saisi et apprécié le sens original de ma démarche. Les autres dont  ma dame de pique d'un autre âge qui votait elle-même sans déparer dans un musée , préféreront continuer de m’accuser violemment d’avoir voulu mettre en péril leur belle entreprise citoyenne. Ces ingrats sans finesse sauront-ils jamais combien ils me doivent et combien je les envie au contraire ? Combien je les jalouse ! Combien je rêve de les imiter si par bonheur – Dieu l’en préserve ! – Razibus vient à se ratatiner avant la présidentielle ! Quelle humiliation sinon, à mon âge, s'il me fallait attendre encore cinq ans les bans de la primaire !

mardi 4 octobre 2011

Par tous les temps


Nonobstant l’intensité de l’information locale, nationale et internationale, la fascination des médias pour ma personne et l’impatience fébrile  des fidèles de ce blogue,  j’avoue surseoir depuis une longue semaine à la rédaction de mon billet hebdomadaire, comme si j’avais perdu le goût de l'écriture partagée et du dialogue intérieur avec autrui. Denise, qui connaît son Freud sur les extrémités digitales, craint que je ne sursoie à cause de quelque dérèglement de mon surmoi - structure morale et judiciaire un peu rigide du psychisme héritée, paraît-il, du complexe d’Œdipe. Soyons francs : cette raideur ne crève pas les yeux chez moi !

En regardant le présent dans le miroir du passé, il semble plutôt que toute ma vie j’ai sursis. Enfant surdoué, je traînais déjà le soir à faire mes devoirs, au point que ma mère me traitait de lièvre prisonnier d'une carapace de tortue. Ce n'est pas fabuler puisque je me retrouvais bien toujours premier à l’arrivée ! Ainsi, rentré à la maison, sursoyais-je invariablement, tant la désarmante simplicité du travail scolaire était une insulte insupportable à mon intelligence d'exception. Quand, en 1965, il s’agit de passer sous les drapeaux, il fallut bien sûr que je sursisse à mes obligations militaires pour l’agrégation et l’ENA, indispensables à l'accomplissement de mon destin.

Sautons des étapes pour ne pas lasser inutilement le lecteur et la lectrice. Force m’est d’admettre que, à peine devenu trente ans plus tard chef du gouvernement, j’entendis le président de la République me dire un soir de grève, renonçant au tutoiement pour le plaisir d'un subjonctif  aux relents aillés de charcuterie : « Monsieur le Premier ministre, il conviendrait que nous sursissions de toute urgence à votre réforme : battez en retraite ! » Ce qui fut fait au débotté ; je lâchai bientôt Matignon, tombé prématurément dans la gueule des socialistes. En 2007, redevenu le plus prestigieux ministre de la République à la faveur du sacre de Razibus, je perdis aussitôt mon portefeuille dans la campagne, contraint par une dame de pique sans panache ni vergogne de surseoir pour cinq ans à l’occupation de mon siège à l’Assemblée nationale.

On sait que, depuis ce temps, je sursois sans cesse à la décision de me porter candidat à la magistrature suprême, bien que constamment dans mes rêves je trône à l’Elysée, où j’honore la volonté des Françaises et des Français qui, par une pudeur incompréhensible, continuent de surseoir eux-mêmes à mon envolée dans les sondages. On voit bien là qu’Œdipe est étranger à mon histoire : je n’ai jamais tué personne, quand bien même Denise pointe que le hasard n’aurait su à lui seul me faire à la fois père et maire, non sans ambiguïté. « Comme les escargots ! », ajoute-t-elle dans un éclat de rire. Ai-je vraiment une tête de gastéropode !

Je n'ai pas tué le père en politique, disais-je, mais connais parfaitement en revanche les homards qui m’ont « tuer », ayant dû prendre sur moi une affaire morale et judiciaire dont certains esprits se sont opportunément affranchis à la faveur de l’âge et de la maladie. Oui, malheureux bouc-émissaire, je fus forcé de surseoir l'exécution d'un brillant mandat municipal, suite à une injuste condamnation à l’emprisonnement... Avec sursis, évidemment ! On n’échappe pas à son destin : si après Normale – à Dieu ne plaise ! – j’avais choisi l’enseignement plutôt que la politique, j'aurais fait dans une salle des profs toute ma carrière avec un casier ! Mais comme dit Denise, depuis cinq ans déjà à la retraite, je ne le traînerais pas aujourd'hui encore comme un boulet...

lundi 19 septembre 2011

Les enfoirés !


« Un cantinier qui se rase sur l'accotement, sa glace pendue à un cerisier, attend avec nervosité, la figure débordant de mousse, que nous ayons fini de faire trembler la route. » Propos de Giraudoux remontant sans doute de Normale Sup, curieusement demeuré gravé dans ma mémoire comme un plan fugitif de vieux film muet… Prince charmant, je le réveille me semble-t-il de son Retour d’Alsace, publié je crois au milieu de la Première Guerre mondiale… Pourquoi cette résurrection absconse ? A cause sans doute, encore une fois, de l’imposteure que je me suis fait une règle de ne jamais évoquer dans ce blogue, sinon à l'occasion sous quelque nom d’oiseau à quoi elle doit aujourd’hui une notoriété bien volatile.

Peut-être à ce propos, non sans ahurissement, des fidèles de mes billets auront-ils comme moi récemment découvert dans la presse que cette méchante femme – qui prétend sans rire à ma succession au parlement en 2012 ! – venait de s’autoproclamer cantinière du régiment des sans-emploi (ou plus précisément de leur progéniture encore sous les drapeaux de nos écoles), par le biais d’une proposition de loi circonstancielle au gouvernement. Sans prétendre à ce qu’on me prît pour un éminent giralducien, bien que moi aussi diplomate distingué, je puis affirmer que, toujours pendue à mes Cerises, cette cantinière finit par me raser grave à toujours se faire mousser, dans le vain espoir de me voir trembler sur ma route !

De quoi s’agit-il ? Rien moins que d’inscrire dans le code de l’éducation nationale le droit absolu de tous les enfants scolarisés à être accueillis sans discrimination dans les cantines municipales ! C’est-à-dire, assurément, le droit des parents inscrits à Pôle-Emploi de chercher un hypothétique travail, à l’heure précise où ils devraient se trouver à la maison pour décongeler une pizza au micro-ondes en attendant que leurs drôles rentrent de l’école ! Totalement insensé quand des statistiques têtues prouvent que la majorité ne retrouveront jamais de boulot, pour autant qu'ils en cherchent ! Qu’importe ! Après le journal de Jean-Pierre Pernaut, la sieste et le café du pauvre, ils seront frais et dispos pour aller papoter en jogging sur le trottoir de l’école, en attendant tranquillement la cloche de seize heures trente !

Il n’aura bien sûr échappé à personne que cette croisade médiatisée n’a pour seul objectif que de pointer des décisions locales douloureuses, que nous impose ici bien malgré nous l’exigüité de nos cantines communales, de sorte à me stigmatiser sous les traits d’un Thénardier de la restauration scolaire qui, sans vergogne, contraint des Cosette édentées au jeûne méridien et à la décalcification, sources bien connues de l’échec scolaire qui ravage les classes populaires de ce pays, aussi sûrement que la fainéantise rémunérée et l’alcoolisme ! Publiée en feuilleton dans la presse comme les romans populaires du XIXe siècle, cette prétendue littérature législative croit-elle nous détourner par des larmes faciles du devoir qu’a l’État de rembourser sa dette souveraine ? Au prétexte de nourrir aujourd’hui les enfants de pauvres aux frais de la princesse, aurait-t-on le droit de condamner leur descendance à un endettement propre à ruiner ses espérances et sa santé ?

Soyons francs : le moins qu’on puisse dire est que l’Union européenne ne facilite guère la tâche des maires confrontés à la pauvreté endémique de leurs populations ! Ainsi les enfants privés de cantine à midi, m’informe-t-on, ne pourront-ils peut-être plus bientôt tromper leur faim le soir à la maison, faute que leurs parents aient pu s’approvisionner à l’œil aux Restos du Cœur ou autres institutions caritatives. Austérité oblige, la menace des agences de notation impose en effet de baisser de près de 75% l’aide communautaire aux plus démunis pour que, échappant à l'assiette de l’impôt, ils puissent, même le ventre vide, avoir la fierté de contribuer au remboursement de la dette nationale.

Maire ou ministre, que puis-je à une situation aussi dramatique, au-delà du partage de la souffrance des Françaises et des Français les plus affamés de justice ? Distribuer gratuitement dans les cours d’école du pain sec aux enfants qu’on ne peut accepter dans les cantines ? Ce serait nourrir leur rancœur et celle de leurs parents, dangereusement attisées par des détracteurs impénitents qui jouent avec le feu, à l’instar de mon incendiaire dame de pique ! Le pain ne suffit pas : les chômeurs ont aussi besoin de jeux ! C’est pourquoi par un effort budgétaire exceptionnel – plus de quatre millions d’euros, soit un quart du budget de l’aide alimentaire rabotée alloué en 2012 par l’Europe à toute la France ! – notre ville s’enorgueillit d’offrir bientôt de nouveau à ses pauvres un grand événement culturel, pour leur permettre d’ingurgiter gratuitement de l’art international à défaut de recevoir à l’œil du cochon européen ! N’en déplaise à Notre-Dame de la Cantine qui, clin d’œil calendaire, sera cantonnée cette semaine-là aux cuisines... de la primaire !