"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

jeudi 27 octobre 2011

Élevés sous le maire


Il faudra que l’on me dise qui a eu l’idée saugrenue ou malveillante d’inviter ce week-end dans ma mégalopole un salon intitulé « Préparer et bien vivre sa retraite »… Prétend-on me montrer sournoisement la sortie au motif que j’atteindrai, à l’Ascension 2012, la barre de la relégation sans décote dans notre belle loi portant réforme des retraites ? Oui, j’aurai l’an prochain l’âge du Général quand il fit don de sa personne à la République, pour redonner panache et dignité à la France ! Soixante-sept ans, la belle affaire ! Craindrait-on en haut lieu que je guignasse l’Elysée en suçant mes noyaux de cerises ? Que je voulusse confisquer le pouvoir ? Soyons francs : j’ai donné dans ma ville suffisamment de gages à la démocratie, à la concertation, au respect patient d’une opposition aussi rétive qu’irrespectueuse, pour qu’on ne croie pas qu'à 67 ans j’envisage de commencer une carrière de dictateur ! 

Je le dis donc sans détour aux chroniqueurs et autres politiciens de salon qui spéculeraient sur mon départ de la scène nationale et internationale pour provoquer ma chute : j’ai pris mes résolutions. Dans les circonstances présentes, je ne me retirerai pas ! Il ne me suffit pas d’avoir débarrassé les Libyennes et les Libyens du joug d’un tyran sanguinaire pour rentrer à quelque Boisserie lointaine où rédiger je ne sais quels mémoires entre deux réussites : j’exige d’autres victoires ! Je suis blindé ! Je ne crains pas la lapidation, ayant reçu suffisamment de coups dans ma carrière ! D’où que viennent les pierres, je resterai à la manœuvre dans ma ville, en France, en Europe et dans le monde ! Droit dans mes bottes et, comme le Général, toujours rebelle !

Non, on ne me retraitera pas comme un déchet nucléaire ! Pas plus que la France ou notre équipe de football on ne me relèguera en deuxième division ! Livré l’an prochain aux socialistes – A Dieu ne plaise ! –, mon cher et vieux pays s’agenouillerait pour faire la manche à des pays émergents ! Quelle humiliation – quel incroyable retournement de l’Histoire ! – si, devenue continent immergent, notre pauvre Europe se retrouvait demain à la merci de Moscou et de Pékin ! Croit-on que c’est pour en arriver là que, au péril de notre vie, le président Razibus et moi-même avons pris d’assaut le mur de Berlin en 89 et libéré nos frères européens du socialisme ? Et à propos de Dassault, s'agissant du Brésil, j'eusse préféré que ce pays nous aidât en achetant hier nos Rafale, plutôt qu'en nous faisant aujourd'hui l’aumône à Bruxelles sur un air de samba !

Mais alors, me demandera-t-on, comment sortir l’Europe des baïnes de la crise mondiale qui la condamnent à la dérive et aux abysses ? J’ai la réponse : faire tourner les bétonnières plutôt que la planche à billets ! Relancer le BTP pour construire à nos concitoyennes et à nos concitoyens un avenir en dur durable ! Attention cependant : la France est un pays jeune dont le devenir n’est plus de par la loi dans les maisons de retraite ! Un pays en pleine santé saturé d'hôpitaux, d’hospices et d’EHPAD ! Aérons cette nation qui sent le vieux, le renfermé, le moisi, l’assisté, le suppositoire et le désinfectant ! Ouvrons grandes ses portes et ses fenêtres ! Faisons tomber ses murs comme à Berlin ! Aidons-la à retrouver dans des stades gigantesques et futuristes, à l’air libre, le goût de l’affrontement et de la compétition, le parfum régénérant de sa jeunesse active ! Comme jadis à Rome, donnons-lui enfin les jeux qu'elle réclame à défaut de pouvoir reléguer sa misère ! 

Coquine à la Dati, Denise remarque une inflation de points d’exclamation dans ce billet. Lui concède que je suis un homme révolté, qui a depuis longtemps renoncé aux interrogations. J’ai su très jeune en effet que le monde n’avait pas besoin de questions mais de réponses. Parce que, comme l'a dit je ne sais plus qui, le point d’interrogation n'est au fond qu'un point d’exclamation qui s’est un peu avachi... Mais les Français ne sont plus aujourd'hui des veaux pour se résigner à l’avachissement de la France par des questions inutiles !

mercredi 19 octobre 2011

L'Espoir


Las de l’infection persistante de mon petit écran par le virus d'une certaine primaire, relu ce week-end Un amour de Swann à Saint-Emilion, entre deux saillies et trois télégrammes diplomatiques… Sur les conseils avisés de Razibus, subjugué par le personnage d’Odette me croira-t-on ? « Cette meuf, c’t’aut’ chose que La princesse de Clèves, ch’te l’dis ! » m’a-t-il confié ingénument en me passant l’autre jour son exemplaire de poche, enthousiasmé de faire découvrir Proust à un Normalien, tel qu’il l’avait reçu lui-même de son affectionnée parturiente. « C’est pas du Barthesse, mais la mère La Faillite, a peut aller se rhabiller, tu verras ! », ajouta-t-il péremptoire. 

Comment expliquer son curieux engouement proustien, me demandera-t-on ? Je me garderai bien de toute conjecture. S’agissant en revanche de la conjoncture, si l’on veut mon avis, je ne trouve pas très opportun de s’enticher d’une héroïne au nom quelque peu provocateur, face à des agents de notation sourcilleux à qui on s’efforce de faire accroire qu’ « Ô dette mon amour ! » est le cri du cœur d’une gauche flambeuse en mal de gouvernement !

A ce propos – le dois-je à l’auteur de Martine disp…, pardon, je veux dire d’Albertine disparue ? –, Denise m’a trouvé très en verve à Saint-Emilion, sous un chapiteau qui pouvait rappeler celui d’un cirque. Je reconnais modestement avoir enfilé les bons mots comme des perles, remarquant par exemple : « Je ne sais pas si Hollande et Aubry sont impétrants mais je les trouve assez empêtrés. » Pardonnez-moi, j’en pouffe encore ! On me rapporte que mes gags ont littéralement pétrifié les intéressés ! Soyons francs : l’atmosphère était à la franche rigolade, comme il arrive après la dissipation d’une terrible angoisse ! Ainsi des milliers de personnes m’ont-elles applaudi dans un immense éclat de rire quand j’ai osé cette boutade : « Rikiki est un capitaine formidable ! » Une voix anonyme avait répondu dans la foule : « Le capitaine Crochet ? », par allusion bien sûr à une aimable métaphore bouchère passée à la postérité.

Avons-nous donné le ton ? Je le crois sincèrement, tant on m’assure que le même esprit festif présida hier à la joyeuse convention nationale qui, à 17 heures, vola bien malgré nous la vedette mondiale à un soldat prodigue israélien, de retour au pays grâce à la France après cinq ans passés à Gaza. Enfin nous avons repris la main dans l’audiovisuel, pour débarrasser les Françaises et les Français des émissions toxiques du parti socialiste, si néfastes au développement durable de nos belles idées dans l’Hexagone ! Contrairement à ce que prétend la rumeur, je tiens à préciser que je n’ai nullement boudé la fête. Hélas, pendant que nos concitoyennes et nos concitoyens se tordaient de rire devant leur téléviseur, soulagés d’être réveillés dans la joie d’un rêve enchanteur préludant au cauchemar, je me trouvais avec mon riant compagnon de Grand Emprunt au Conseil de surveillance et de suivi des investissements d’avenir. No comment !

A propos d’investissement d’avenir, un sondage très encourageant, à paraître demain, confirme que les Françaises et les Français de droite continuent de voir en moi une valeur sûre de la présidentielle. Près de 20% d’entre eux me considèrent en effet comme le meilleur challenger de qui vous savez, loin devant le prétendant à la mairie de Paris : c’est plus que le score du trublion démondialisant des socialistes, unanimement qualifié d’exceptionnel ! Mieux encore :  au second tour d’une primaire, je talonnerais Razibus avec près de 40% des suffrages ! Rien n’est donc joué si je puis convaincre notre champion de l’intérêt de ce dispositif moderne, en lui faisant miroiter le possible dépassement des décevants 52% dont le menace dangereusement cette enquête... 

Mes Chères Compatriotes, Mes Chers Compatriotes, ne vous laissez pas indûment séduire par notre éphémère champion, comme jadis le grand Swann par cette misérable Odette ! Si vous ne voulez pas répéter demain ses terrible paroles de dépit - Dire que j'ai gâché des années de ma vie (…) pour (un homme) qui ne me plaisait pas, qui n'était pas mon genre ! –, levez-vous, IMPOSEZ-MOI pour redonner l'Espoir à la France !

mercredi 12 octobre 2011

Le maire et la primaire


Bien que, dans la plus totale abnégation, ce modeste blogue soit dédié à la promotion de l’œuvre d’un président de la République d’exception, j’aimerais m’autoriser à saluer ici sans réserve l’esprit primaire que les socialistes ont su faire souffler sur la France depuis leur entrée en campagne. Soyons francs : j’ai été séduit d’entrée de jeu par l’audace et la modernité d’une démarche participative et citoyenne qui, aussi inédite dans le paysage politique national que dans le reste de notre vieux continent, fait parfaitement écho à ma pratique personnelle de la démocratie municipale  au quotidien.

On comprendra néanmoins que, pour des raisons évidentes, il m’était très délicat d’afficher publiquement mon enthousiasme et mon engouement. Pour éviter toute attaque de mes amis comme de mes ennemis, j’ai donc sciemment, dans un premier temps, fait montre de moins d’ardeur que la majorité des maires de France, je l’avoue, à concéder au parti socialiste local les trop nombreuses salles qu’il sollicitait pour l’organisation de son attrayant scrutin. Ignorants de mon soutien comme de ma stratégie, ses dirigeants n’ont donc pas manqué de dénoncer immédiatement ma volonté d’obstruction, en des termes que j’ai parfois trouvés injustes, voire offensants.

Plutôt que de provoquer la lassitude en rapportant ici les habituels propos désobligeants de ma pie voleuse sur son misérable blogue, j’en viens à l’exposé du parti original que je comptais bien tirer de l’heureuse initiative socialiste. Saisissant d’emblée le formidable symbole de la concomitance d’une primaire présidentielle – événement national révolutionnaire !  – et de notre gigantesque biennale internationale autour de l’art pour une révolution urbaine, j’avais en effet aussitôt imaginé de mêler, d’imbriquer, de fusionner intimement ces deux fabuleuses aventures partout dans la ville. Ce qui fut préparé discrètement avec la complicité du maestro italien chargé de l’organisation de nos festivités automnales. 

Ainsi mes concitoyennes et mes concitoyens ont-ils pu participer dimanche à un merveilleux spectacle d'art vivant, dans un improbable jeu de piste à la recherche de leur bureau de vote : qui dans une maison de retraite où se frayer un passage entre des cannes anglaises et des déambulateurs, qui dans un musée où se mêler joyeusement aux visiteurs pour mettre si possible son bulletin dans l’urne. Au centre d’arts plastiques contemporains, j’ai même vu des curieux déambuler entre les urnes et les isoloirs, sans trouver le bureau de vote plus incongru que les autres bizarreries proposées là à leur émotion artistique. Et repartir avec à la main des bulletins dont je tairai le nom des impétrants, mêlés à d’autres prospectus. Grâce à mon génie citoyen, cette ville aura voté deux fois plus que le reste de la France !

Qui sait ? Peut-être une poignée de socialistes férus d’art conceptuel auront-ils saisi et apprécié le sens original de ma démarche. Les autres dont  ma dame de pique d'un autre âge qui votait elle-même sans déparer dans un musée , préféreront continuer de m’accuser violemment d’avoir voulu mettre en péril leur belle entreprise citoyenne. Ces ingrats sans finesse sauront-ils jamais combien ils me doivent et combien je les envie au contraire ? Combien je les jalouse ! Combien je rêve de les imiter si par bonheur – Dieu l’en préserve ! – Razibus vient à se ratatiner avant la présidentielle ! Quelle humiliation sinon, à mon âge, s'il me fallait attendre encore cinq ans les bans de la primaire !

mardi 4 octobre 2011

Par tous les temps


Nonobstant l’intensité de l’information locale, nationale et internationale, la fascination des médias pour ma personne et l’impatience fébrile  des fidèles de ce blogue,  j’avoue surseoir depuis une longue semaine à la rédaction de mon billet hebdomadaire, comme si j’avais perdu le goût de l'écriture partagée et du dialogue intérieur avec autrui. Denise, qui connaît son Freud sur les extrémités digitales, craint que je ne sursoie à cause de quelque dérèglement de mon surmoi - structure morale et judiciaire un peu rigide du psychisme héritée, paraît-il, du complexe d’Œdipe. Soyons francs : cette raideur ne crève pas les yeux chez moi !

En regardant le présent dans le miroir du passé, il semble plutôt que toute ma vie j’ai sursis. Enfant surdoué, je traînais déjà le soir à faire mes devoirs, au point que ma mère me traitait de lièvre prisonnier d'une carapace de tortue. Ce n'est pas fabuler puisque je me retrouvais bien toujours premier à l’arrivée ! Ainsi, rentré à la maison, sursoyais-je invariablement, tant la désarmante simplicité du travail scolaire était une insulte insupportable à mon intelligence d'exception. Quand, en 1965, il s’agit de passer sous les drapeaux, il fallut bien sûr que je sursisse à mes obligations militaires pour l’agrégation et l’ENA, indispensables à l'accomplissement de mon destin.

Sautons des étapes pour ne pas lasser inutilement le lecteur et la lectrice. Force m’est d’admettre que, à peine devenu trente ans plus tard chef du gouvernement, j’entendis le président de la République me dire un soir de grève, renonçant au tutoiement pour le plaisir d'un subjonctif  aux relents aillés de charcuterie : « Monsieur le Premier ministre, il conviendrait que nous sursissions de toute urgence à votre réforme : battez en retraite ! » Ce qui fut fait au débotté ; je lâchai bientôt Matignon, tombé prématurément dans la gueule des socialistes. En 2007, redevenu le plus prestigieux ministre de la République à la faveur du sacre de Razibus, je perdis aussitôt mon portefeuille dans la campagne, contraint par une dame de pique sans panache ni vergogne de surseoir pour cinq ans à l’occupation de mon siège à l’Assemblée nationale.

On sait que, depuis ce temps, je sursois sans cesse à la décision de me porter candidat à la magistrature suprême, bien que constamment dans mes rêves je trône à l’Elysée, où j’honore la volonté des Françaises et des Français qui, par une pudeur incompréhensible, continuent de surseoir eux-mêmes à mon envolée dans les sondages. On voit bien là qu’Œdipe est étranger à mon histoire : je n’ai jamais tué personne, quand bien même Denise pointe que le hasard n’aurait su à lui seul me faire à la fois père et maire, non sans ambiguïté. « Comme les escargots ! », ajoute-t-elle dans un éclat de rire. Ai-je vraiment une tête de gastéropode !

Je n'ai pas tué le père en politique, disais-je, mais connais parfaitement en revanche les homards qui m’ont « tuer », ayant dû prendre sur moi une affaire morale et judiciaire dont certains esprits se sont opportunément affranchis à la faveur de l’âge et de la maladie. Oui, malheureux bouc-émissaire, je fus forcé de surseoir l'exécution d'un brillant mandat municipal, suite à une injuste condamnation à l’emprisonnement... Avec sursis, évidemment ! On n’échappe pas à son destin : si après Normale – à Dieu ne plaise ! – j’avais choisi l’enseignement plutôt que la politique, j'aurais fait dans une salle des profs toute ma carrière avec un casier ! Mais comme dit Denise, depuis cinq ans déjà à la retraite, je ne le traînerais pas aujourd'hui encore comme un boulet...