"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

mercredi 25 janvier 2012

L'agaceur


Relu hier soir sur mon iPad un mien billet presque vieux d’un an, intitulé « Des boute-en-train ». Soyons francs : la pensée de me retrouver moi-même dans cette position ingrate ne m’avait pas effleuré l’esprit à l’époque, une carrière brillante ne m’ayant point rompu aux seconds rôles et autres vedettes américaines. Il faut dire que je ne traîne pas non plus derrière moi une réputation de haras qui rit ou de plaisantin ! Cela n’a pas empêché l’un de mes coaches élyséens d’avancer hier soir ce qualificatif, à l’occasion d’une énième répétition du débat télévisé qui confrontera, demain soir, le petit candidat corrézien à la présidentielle au membre le plus éminent du gouvernement de la République.

Ne tournons pas autour du pot : pour emprunter à la langue triviale des cités, mon rôle d’agaceur consiste à exciter la bête pour qu’elle se fasse niquer par Razibus dans l’ébat de l’entre-deux-tours. Mon intervention doit être tout en retenue : j’ai en effet pour consigne impérative de dégainer sans tirer, de sorte que l’animal du Bourget me donne des signes clairs de soumission sans pour autant se laisser prendre. Denise, qui ne manque pas une séance d’entraînement, souffre de ce qu’elle ressent dans sa chair comme une injuste humiliation, convaincue qu’elle est de mon aptitude à remporter en mai le prix du président de la République. Les yeux plantés dans ma cote de popularité, elle me pousse avec énergie à la déclaration de candidature que les Françaises et les Français appellent pudiquement de leurs vœux dans les sondages.

La chère femme a raison sans doute, mais la dissidence n’est hélas pas plus dans mon tempérament que le courage ou l'opportunisme. Le président Rikiki ne l’ignore pas, à qui je viens de rappeler ma loyauté, par un soutien total à sa croisade pour une loi condamnant la négation des génocides, au grand dam de mon intime conviction. Et au risque de devenir moi-même, ce qui n’est pas le moindre paradoxe, la tête de Turc d’Ankara… Mais qu’importe ! Aussi ténu soit-il, il me reste l’espoir fou d’une panne fatale, d’un accident subit, d’un dérapage providentiel qui conduirait le petit Hun déprimé à jeter l’éponge pour ne pas mordre la poussière. C’est à cette seule condition, Dieu m’en soit témoin, qu’on me verra coiffer sur le poteau le cheval du Labour – je veux dire le limousin socialiste à qui je promets son avoinée !

En ces temps d’inquiétude et de morosité dépressive, il n’est pas si désagréable après tout de passer pour le boute-en-train du président. C’était au XVIIIe siècle, me dit-on, le nom donné à un joyeux oiseau chanteur qu’on appelle curieusement aujourd’hui tarin. Drôle de blaire, dirait l'impayable Nadine ! Pour moi qui manque de nez, c’est surtout une aubaine. Depuis le temps que je ne peux pas sentir une certaine agasse, un miracle serait donc encore possible ! Je n’en crains pas moins que cette méchante bestiole retrouve son siège avant son odeur de sainteté, s’il prend à nos électrices et à nos électeurs de renier une seconde fois en juin l’œuvre de ce quinquennat, comme le subodorent de déplaisants sondages.

Si, malgré mes prières souvent réitérées, telle est la volonté de Dieu, de mes électrices et de mes électeurs, je pourrais donc me retrouver en juin sans autre emploi que ma pauvre charge municipale, autant dire au chômage partiel en pleine force de l’âge. Après avoir triomphé sous les projecteurs de l'ONU à New York comme d’autres à Broadway, serai-je bientôt contraint de faire des animations dans des mairies de quartier, comme un has-been du spectacle dans des supérettes de village ? Terrible sensation de boute-en-train de deuxième classe promis à la rouille
d'une friche ferroviaire, abandonné sur une voie de garage…

jeudi 19 janvier 2012

Maison close

Alors qu’elle me servait du thé dans l’intimité de sa jolie maison de Rangoun, confié l’autre jour à mon amie Aung San Suu Kyi mon goût de collectionneur pour les proverbes du monde. Elle m’en a aussitôt offert un de son pays, comme pour l’accrocher à son tour à ma boutonnière : « Tu peux retirer ta jambe, pas la parole qui t’engage ». L’ai resservi au retour à Denise, dont le mollet vagabond semblait squatter mon côté du lit, complice indélicat du décalage horaire pour perturber le repos du globe-trotteur. Sans succès, preuve qu’il arrive à la jambe de l'homme d’être moins prompte au retrait que sa parole ! On raconte que qui perd un membre continue d’en ressentir l'extrémité ; ce n’est pas le cas des engagements pris, qui finissent bien souvent aux oubliettes de la mémoire. Sans démangeaison aucune, j'en porte témoignage. Grâce au ciel, comme l’affirment les Bantous, on court plus vite avec une promesse oubliée que privé d'une jambe ! Les proverbes birmans sont décidément à prendre avec des pincettes...

Ce qui n’était pas le cas ces derniers jours de notre grand Razibus, plutôt nerveux et mal aimable. Une fois n’est pas coutume, j’avoue que ses propos cinglants au journaliste d’une agence de presse à Madrid m’ont profondément choqué. On le sait en effet, je considère qu’en toute circonstance l’homme politique doit mettre un point d’honneur à demeurer avenant, courtois, souriant, à ne jamais laisser percer le mépris, l’agacement ou la haine. Si, grâce à Dieu, on ne m’a jamais vu déroger à ce principe fondamental, je n’en conviens pas moins qu’il était inconvenant qu’un journaliste titillât, par son impertinence, la cicatrice encore vive d'un A dont Rikiki venait d’être amputé, sans anesthésie, par les petits profs de Standard & Poor’s. Pour apaiser la souffrance de notre Tintin national, le bon roi d’Espagne a heureusement pu lui remettre aussitôt l’insigne de l’ordre de la Toison d’or, ersatz de Légion d’honneur chez nos voisins ibères.

A ce propos, reçu ce matin un texto du président dont je suis la doublure pour la présidentielle. Je le livre au lecteur et à la lectrice, dans toute sa fraîcheur originelle : « JC y m’a promis une médaille o si pour toi qd tu sras Pm. On sé marré ! Youpi avec une toison dor? quel a dit Carla, G du mal à limaginer en fauss blonde avec sa pie ! » Je précise que JC n’est assurément pas Notre Seigneur, mais bien Sa Majesté Juan-Carlos, roi d’Espagne, descendant en ligne directe de Louis le Grand. Bien inoffensif, cet humour puéril est au moins la preuve que notre petit homme va mieux, sans doute requinqué par le succès de son sommet social, qui promet de bousculer les sondages. Cela vaut bien une perruque sans doute, n'en faisons pas un fromage !

Je ne voudrais pas terminer sans évoquer ma bonne ville, qu’on m’accuse ici ou là de négliger dans des billets trop parisiens. Soyons francs : après la maison du vélo, je ne suis pas peu fier du triomphe de notre belle maison écocitoyenne, dont la réputation a déjà dépassé nos frontières, et suscité bien sûr des jalousies mais aussi des vocations ! On m'apprend ainsi que, grâce à l’imagination généreuse de mes administrées et de mes administrés, ce concept génial va se décliner samedi dans nos murs avec l’ouverture d’une « maison de l’identité », dont il faudra que je touche un mot à mon collègue de l’intérieur. Je subodore qu’on montrera dans cette « Échoppe »
tel est son nom les identités remarquables de notre métropole, toute la richesse de sa diversité ! Qu’il me soit donc permis de dénoncer ici les habituels grincheux qui, repliés sur eux-mêmes, ont prévu de manifester hargneusement le même jour contre cette ouverture de bon éloi – je veux dire de bon aloi ! Eh bien qu'ils boudent, qu'ils grognent, qu'ils fassent bloc, qu'ils protestent dans leur coin ! Tous les enfants prodigues finissent par rentrer un jour à la maison. Fût-elle close.

jeudi 12 janvier 2012

Il suffit !

Après plusieurs jours d’hésitation, c’est avec beaucoup de réticence que j’évoquerai ici les échéances électorales que doit affronter notre pays dans à peine plus de trois mois. Non seulement parce que ce blogue est un lieu d’échange dont l’œcuménisme est le crédo, mais aussi eu égard au devoir absolu de réserve qui s’impose à un ministre d’Etat de la République, à l’approche des scrutins présidentiel et législatif. Lors de mes nombreux déplacements dans le monde, m'imagine-t-on en effet souillant la parole de la Nation de considérations déplacées sur tel ou tel candidat à la magistrature suprême ? Me voit-on commenter à Rome ou à Tripoli l’indigence de ses idées ou la vacuité de son programme ?  Ce serait tout simplement indigne de l’enseignement du Général, indigne de la République, indigne de la France !

Au nom de mon honneur, de ma charge et de mon destin, je ne transigerai donc jamais avec ce principe républicain : un ministre ne parle pas de politique intérieure à l'étranger ! S’il est hors de question que je m’abaisse à pareille vilénie, à pareille lâcheté, il ne me semble pas moins nécessaire en revanche de les dénoncer avec force chez autrui, comme je le ferais pour moi-même. Je pointe là, on l’aura compris, ces adversaires odieux et irresponsables, ces aboyeurs médiatiques qui, pressés d’en découdre, profitent sans vergogne du silence à quoi le président et moi ne saurions déroger pour se répandre en propos assassins, en attaques grossières, en libelles outrageants, à seule fin de prédire ou d'accréditer l’apocalypse que serait notre confirmation aux affaires ! Bien sûr, colonnes, plateaux, micros que nous repoussons de la main par déontologie sont libéralement tendus, offerts comme des cuvettes aux vomissures glaireuses et nauséabondes de nos adversaires les plus vulgaires ! Ils nous éreintent, ils nous étrillent, ils nous caricaturent, ils falsifient nos chiffres et dénigrent sans scrupules nos projets !

Alors je lance un cri, ou plutôt un coup de poing sur la table : il suffit ! En plein accord avec le président Razibus, je suis prêt à saisir le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel pour un ferme rappel à la loi des médias, qui servent la soupe aux députés sortants et autres camelots excités de l’opposition, alors même que le président de la République et ses ministres, lèvres scellées, s’occupent à serrer des louches, dans l’indifférence générale des vœux officiels du Nouvel an. J’exige par ailleurs de la Commission Nationale des Comptes de Campagne qu’elle intègre, dans la comptabilité des candidats à la présidentielle et aux législatives, toutes les galettes républicaines dont se goinfrent les électrices et les électeurs de gauche aux frais du contribuable !  Que ne met-on fin à cette interminable Épiphanie socialiste, alors même que la campagne officielle n’est point encore ouverte ! A défaut de pain, rendons ses fèves, ses couronnes et sa brioche au peuple de France !

A ce propos, ma collègue responsable de l’Apprentissage au gouvernement s’étant désistée au motif d’un cours du soir d’orthographe et de conjugaison, c’est moi qui la remplacerai aujourd’hui en quinze dans l’émission « Des paroles et des actes » de France 2, où sera donné au candidat socialiste l’honneur immérité de débattre avec ma personne. Les yeux dans les yeux, s’il ose les lever vers moi, je lui notifierai ma détermination de jouer à armes égales, pour en finir avec le mensonge et l’affabulation, l’utilisation éhontée de mandats à des fins partisanes ! C’est Gambetta, je crois, qui remarquait que « pour gouverner les Français, il faut des paroles violentes et des actes modérés ». Retardant de près d’un siècle et demi, l’opposition socialiste s’accroche toujours sans modération à cette figure surannée de la IIIe République, au risque de pousser la France au fond du précipice !

Mes Chères Compatriotes, Mes Chers Compatriotes, je sais que ce pauvre Gambetta n’est plus pour vous qu’une place, une avenue ou un arrêt d’autobus, en rien une référence ou un guide ! Qui, à part moi, se souvient du reste qu’il a aussi écrit quelque part que « l’avenir n’est interdit à personne » ? Soyons francs, force est de lui crier, de lui hurler aujourd’hui, par-dessus le XXe siècle : « sauf aux socialistes ! ». Ensemble, croyons aux forces de l’esprit du Rikikisme, pour qu'enfin vive la République et vive la France !


dimanche 1 janvier 2012

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Au lever ce matin, rasséréné de trouver sur mon blogue, dans mes comptes twitter et facebook, dans mes courriels et mes SMS, des centaines de messages de vœux chaleureux à quoi je ne puis hélas répondre individuellement, en raison d’un agenda extrêmement chargé. Très sensible à ces manifestions spontanées, je tiens néanmoins à m’associer ici à chacun et chacune de leurs auteurs pour me souhaiter avec eux, du fond du cœur, une bonne et heureuse année 2012 au service de la France, de l’Europe et du monde ! En toute humilité, à la place que Dieu m’aura assignée au printemps, en guidant la main des Françaises et des Français dans ses confessionnaux républicains.

Pourquoi rasséréné, me demandera-t-on ? Parce que Benoist m’est Apparu cette nuit dans un rêve, peu après ma première prière de l’année, au coucher du Nouvel an. Benoist, le saint-patron de la chrétienté occidentale, père de la Règle d’Or qui s’imposa jadis à l’Europe monastique dont Razibus, enfant de chœur scrupuleux de la chancelière, agite toujours pieusement l’encensoir ! Nimbé de lumière céleste, un genou à terre, le premier des Bénédictins s’est étrangement adressé à moi dans une chapelle, à la manière d'un fils respectueux : « Alain, mon père, Tiens-toi prêt ! Tels ces vieux prêtres de ton siècle accablés de plus de paroisses que de paroissiens, Dieu te voit croulant, à l’âge de la retraite, sous le fardeau de la ville et du monde ! »

Après un silence inspiré, le messager de mon rêve ajouta d’une voix douce mais ferme : « Soucieux de mobiliser ton esprit d’Eloi au secours de Sa Création, le Seigneur m’ordonne de te décharger bientôt du boulet municipal qui freine ton élévation ; son Vœu doit s’accomplir : j’y suis résolu, ne te dérobe pas ! » L’auréole du saint s’éteignit doucement après qu’il m’eut béni de deux doigts à la manière orthodoxe, et je me réveillai aussitôt en âge – je veux dire en nage –, aveuglé par la nuit noire de Saint-Sylvestre.

Mal me prit de secouer Denise pour lui narrer mon incroyable songe au retour de la salle de bain. « Après le lassant feuilleton des prothèses mammaires à la télé, est-il vraiment indispensable de démarrer l’année avec tes histoires de saints, me renvoya-t-elle ! Dors et laisse-moi en paix ! » Avoue avoir suivi son conseil et m'être abandonné sans protester aux bras de Morphée, dans l’espoir fou d’une nouvelle visitation, plus éclairante encore… Soyons francs : ce fut en vain. Dieu, que j’eusse aimé pourtant interroger le saint Truchement sur une échéance essentielle où le soutien du Seigneur me sera indispensable ! Je veux parler bien sûr du siège au conclave du Palais Bourbon, qui me fut dérobé il y aura bientôt cinq ans par un oiseau de malheur...

« J’ai un doute, me dit Denise au petit-déjeuner. Benoist n’est-il pas ce saint étrange qui attirait derrière lui tous les oiseaux, dont certains lui mangeaient dans la main ? » Grâce au Ciel, elle confondait mon visiteur nocturne avec saint François, cul et chemise comme on sait avec les pies et autres oiseaux de mauvais augure ! Penser à lui offrir pour son anniversaire une vie des saints en version digitale… Et à faire brûler des cierges à saint Georges, à la Villette, pour qu'il terrasse mon dragon !