"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

samedi 7 mai 2011

Mes Bienheureux

On s’attendrait sans doute à ce que j’évoquasse ici la justice rendue aux victimes d’Oussama Ben Laden : je n’en ferai rien, assuré que mes lecteurs les plus fidèles ont déjà lu et relu les propos éclairés dont j’ai nourri les médias français et internationaux cette semaine. Aux autres, je me contenterai de préciser que, nonobstant ses récentes prouesses techniques au fond de l’Atlantique Sud, la France n’a aucune raison de penser qu’elle pourrait être sollicitée par Al-Qaida pour un repêchage en mer d’Oman, en échange de la libération de ses otages. Je ne dispose en tout cas personnellement d’aucune information permettant d’accréditer ou d’infirmer cette rumeur insistante. La modestie, qui est ma règle en toute chose, m’oblige de surcroît à avouer que je ne sais pas où se trouve la boîte noire de l’islamisme radical. Inutile de gloser ! M’a-t-on du reste jamais entendu parler pour ne rien dire ?

Prémonition ou message personnel du Béatifié ? Il y aura demain huit jours, le premier dimanche après Pâques, fête de la divine Miséricorde, alors que je regardais Denise me sourire à travers sa voilette sur la place Saint-Pierre à Rome, résonna en moi la voix du feu Saint-Père, avec cet accent slave qui donnait toujours à son propos une extraordinaire profondeur : « La prétention qu’a le terrorisme d’agir au nom des pauvres est une flagrante imposture ». Les mains jointes sur mon iPhone, une recherche discrète sur Google me précisa qu’il s’agissait mot pour mot de paroles prononcées par Jean-Paul II à la journée mondiale de la Paix, le 1er janvier 2002. Il avait dit aussi ce jour-là, pus-je lire, que « le pardon est une option du cœur qui va contre l’instinct spontané de rendre le mal pour le mal ». J’ignorais, en rempochant mon portable après avoir contrôlé ma messagerie, que l’Amérique était au même instant en train de réhabiliter la loi du talion. Puisse le Bienheureux Jean-Paul en garder la fille aînée de l’Eglise ! Moi au gouvernement, toujours le droit primera dans ce pays sur le canon.

Outre Benoît XVI, enchanté de croiser au Vatican notre bon cardinal, que je vois moins depuis que les affaires de l’Etat et du monde me tiennent hélas éloigné de son diocèse. Plaisir quelque peu contrarié néanmoins… Quel besoin avait-il de me raconter son débat public sur l’Europe, les religions et la laïcité, trois jours plus tôt avec l’ancien chefaillon de mon opposition municipale ? On n’est pas impunément cul et soutane avec ces gens-là ! Si le prélat n’y prenait garde, le Front de Gauche et le NPA pourraient bientôt tailler leur drapeau dans sa pourpre cardinalice ! Je m'attendais à ce que, sur sa lancée, le saint homme me tançât sur la gestion privée des crèches de la ville qui, selon nos détracteurs, pourrait conduire aux mêmes dérives que celle de l’eau ! Allions-nous tenir conseil municipal à deux dans la chapelle Sixtine ? Et puis, entre nous, la crèche de Bethléem était-elle publique ? Le bœuf et l’âne étaient-ils des fonctionnaires laïques ? Non, on ne me fera pas avaler que La Lyonnaise donne un goût de soufre à l’eau des bénitiers ! Je n’ai pas été élu pour collectiviser les nurseries et les châteaux d’eau, fût-ce dans un ancien palais épiscopal !

Calmons-nous… La France bruit cette semaine d’une autre béatification qui m’enchante : celle d’un président qui m’aimait bien, élu il y aura mardi trente ans. Le 10 mai 81 est une date entrée dans l’Histoire comme le 14 juillet, le 11 novembre ou le 15 août. Soyons francs : qui se souvient du 7 mai 2007 ? Qui s’en souviendra dans trente ans ? Au-delà de la profonde affection que me témoignait ce grand séducteur, je n’oublie pas nos longues conversations dans son bureau sur la tentation de Denise, qu’il partageait avec moi en toute franchise sans que j’en prisse ombrage. Je sais que, nonobstant un engagement politique qui n’était pas le sien, il ne doutait pas que je lui succédasse un jour à la tête de l’Etat ; plusieurs signes que je préfère taire me laissent accroire que même il le souhaitait sincèrement pour la France.

C’est qu’il appréciait chez moi l’étoffe, l’intelligence, la fibre littéraire – ô Cerises que je n’ai pas osé dédier à sa mémoire ! Alors que commence à s’agiter sa descendance prétendument légitime, comment faire comprendre aux Françaises et aux Français que je suis son vrai fils adoptif, son véritable héritier ? Ni à lui ni à moi la vie politique n’a épargné ses revers. Très jeune encore, il me souvient d’avoir corné une page de « Ma part de vérité » en 1969, dans le désespoir de la démission du Général, pour en recopier une courte phrase dont je garde la mémoire : «  La pire erreur n’est pas dans l’échec mais dans l’incapacité de dominer l’échec. » J’ai compris plus tard que De Gaulle avait organisé son échec pour le mieux dominer et s’assurer une sortie tragique à sa dimension. Inlassable Sisyphe, Mitterrand s’est toujours relevé, jusqu’à la victoire finale. Puisant ma force dans leur mémoire, je pense dominer enfin aujourd’hui mon propre échec, jusqu'à résister à la tentation de mentionner ici certain volatile, indigne de mes ambitions. S'il vous plaît, pas un mot à Razibus sur ce coup : je ferai bientôt de nuit le pèlerinage de Jarnac pour entendre, après celui du Polonais, le message du Bienheureux socialiste.

2 commentaires:

Eve a dit…

C'est quoi cet verbe évoquasser que je le trouve pas dans mon dictionary ?

Alain Youpi a dit…

Chère Eve,

Je crains que vous n'ayez pas reconnu le verbe "évoquer" dans ses habits du dimanche. Denise m'assure que j'ai utilisé l'imparfait du subjonctif pour donner la rime à l'agasse que je me suis contraint d'ignorer dans ce billet. Ma pie voleuse se prît-elle pour L'origine du monde, je n'eusse pas personnellement imaginé que Freud ou Lacan pussent ainsi se glisser entre les draps frais repassés de la conjugaison !