"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

jeudi 18 août 2011

De fil en aiguille


16 août. Fêté hier dans l’intimité familiale mon soixante-sixième anniversaire. Deux tiers de siècle, autant dire d’une vie devant soi, à peine entr’ouverte – ajar en anglais, m’apprit en cinquième un correspondant britannique, prénommé je crois Gary… Qu'est-il devenu ? Né le jour de l’Assomption, j’ai donc atteint déjà deux fois l’âge terrestre du Fils de la Vierge, monté lui-même au Père comme on sait à l’Ascension. Ne prétends pas à sa notoriété planétaire dans deux mille ans, mais au moins Dieu m’aura-t-il accordé plus de temps qu'à Lui pour que demain, peut-être, à mi-chemin du millénaire, l’humanité reconnaissante me sût encore gré d’avoir ma vie durant œuvré sans relâche à la paix universelle. Puissent les générations à venir garder quelques rudiments d’orthographe, remarque Denise, pour ne me point faire entrer un jour au Panthéon comme acteur infatigable de la paix du Saigneur ! Cela dit, il me reste encore trois décennies pour démontrer au président syrien que même un bon ophtalmo ne saurait reprendre impunément sans CAP la boucherie paternelle. Sa responsabilité est aveuglante : il sait que je l’ai à l’œil !

A propos de chair à canon, longtemps je me suis couché sans bonheur, inquiet du goût mystérieux de l’Église pour la viande humaine, dangereuse source de péché curieusement promise aux félicités de la Résurrection éternelle. Fût-elle Immaculée, je ne pouvais comprendre pourquoi Dieu avait laissé à Jésus et à Marie leur Chair humaine pour Le rejoindre au Royaume des Cieux. Telle une montgolfière interdite de délestage, comment l’âme la plus légère pourrait-elle ainsi être arrachée définitivement à ce monde, me demandais-je ? Enfant épouvanté de Newton et d’Adam soumis aux lois complexes de la pomme originelle, je luttais désespérément la nuit contre le sommeil, guettant la chute de la Mère et du Fils sur les tuiles de notre demeure, telles des météorites auréolées qui allaient nous réduire en compote.

17 août au petit matin. Dehors sur un banc d’une pâleur sélène, éclaté de rire dans la nuit en repensant à la déclaration de Rikiki hier, dans son numéro de duettiste amateur avec la chancelière Notre-Dame de la Stricte Observance ! Tient-il du miracle ou du ridicule, feignais-je de m’interroger, qu’un lustre présidentiel entamé dans la débauche et les paillettes du siècle se termine, pour notre République déboussolée, dans la promesse d’un ordre régulier propre à reléguer les plus intégristes des cisterciens en troisième division monastique ? Petit moine-soldat aux goussets retournés, l’enfant prodigue sur le retour prétend pourtant imposer à tous les États de la zone euro d'introduire sans vaseline dans leurs évangiles sa règle d’or, exhibée comme une nouvelle Rolex.

A la manière de ces petites barres de mauvais chocolat de mon enfance qu’enveloppait un joli papier doré, gageons que sa règle miraculeuse fondra bientôt dans sa poche, oubliée sous quelque mouchoir. Soyons francs : je ne la voterai pas si d’aventure elle atteint jusqu’au palais des Congrès de Versailles ! Razibus est du reste conscient que, Premier ministre en mai pour consacrer sa victoire, je ne ferai pas grand cas de cette lourde enluminure teutonne dans ma déclaration de politique générale. Comme nous l’enseigne en effet une façon de proverbe landais, « quand la règle dort, seul l’idiot du village la réveille pour se faire taper sur les doigts ». Rassurons-nous : fidèle à sa grammaire révolutionnaire, la France sera toujours l’exception qui confirme la règle. Nos maîtres n'ont-ils pas su de tout temps l'admettre dans leur notation ?

18 août. Texto d’un ami hier soir au coucher, qui s’inquiétait que je n’aie pas ré-annoncé depuis au moins quinze jours ma candidature aux législatives sur la deuxième circonscription… Ne suis pas dupe de sa taquinerie ! Lui ai répondu ceci, sans montrer d’agacement : « Rossini soit qui mal y pense ! » Il eût été trop heureux que j’évoquasse ce rêve bizarre dans la nuit de dimanche à lundi : cousant un linceul au point de croix, ma sainte patronne m’y est apparue dans un halo, assise sur mon siège à l’Assemblée : « Souviens-toi mon fils, me dit-elle en levant les yeux de son ouvrage par-dessus ses demi-lunes, pas plus qu’un pape une femme ne peut être à la fois pie et impie ! » Petite et menue, l'étrange Piéta à la douceur feinte, trahie par une voix railleuse, me rappelait vaguement quelqu’un sous son voile, dans cette nuit de ramadan. Mais qui diable ? Qui ? Et pourquoi ces travaux d’aiguille dans l'hémicycle ? Curieux songe d'une nuit d'été...

lundi 1 août 2011

La faim de la nuit

 
Sommeil rétif la nuit dernière à H***. Accusé hâtivement la pleine lune mais, vérification faite sur mon iPhone, ne sommes qu’à mi-chemin entre celle de juillet et la prochaine, annoncée pour le 13 août, avent-veille de ma nativité . Soupçonnant qu'une petite faim sans doute me retenait en éveil, avalé une banane à la cuisine ; enfoui la peau sous des papiers dans la poubelle verte, pour cacher les traces de ce goûter nocturne à Denise (fait reprendre mes pantalons à la taille, me reproche de « m'empâter » au gouvernement !).

Morphée insensible aux bananes... Fait tourner de l’index sur le bureau mon vieux globe grinçant d’écolier, cadeau de mes parents à l'entrée en sixième. Prendre un jour le temps d’en changer l’ampoule, grillée depuis des décennies, et peut-être aussi la prise (trouve-t-on seulement encore des ampoules à baïonnette ? Sans doute disparues, comme les fusils. Quelle époque !). Arrêt sur la corne de l’Afrique, épais continent monocéros, mais sans la grâce de la licorne. Fermé les yeux… Défilé d'images muettes, enfants faméliques boudant le flasque sein maternel, mouches asticotantes, etc. Et puis cette interrogation traversant mon esprit comme une baïonnette dans la nuit : la faim justifie-t-elle les moyens ? Troublante homonymie : avons-nous encore les moyens de combattre la famine en dehors de nos frontières ? Soyons francs : le service de la dette n’est pas un service de table, et les matons des agences de notation nous ont à l’œil (Standard se moque bien que Poor meure de faim !). Si, guidant le peuple, notre Liberté a jadis tendu généreusement sa mamelle au monde, ce cher et vieux pays n’est guère plus aujourd’hui qu’une nourrice sèche et sans le sou. Encore faim ; mangé un quignon de baguette avant de me recoucher pour rien (oui, ramassé les miettes, Denise !).

Rien à voir, mais s’éclaire ce matin le probable objet de mon énervement nocturne. Une de ces sales infos du net dont le seul but est de souiller la réputation des gens honnêtes. Celle-là, affamée de scandale, s’en prenait à ce qu’elle nomme mes « frais de bouche », prétendument beaucoup plus élevés que dans les autres grandes villes de France. Même pas par habitant le prix d’un big mac-Coca, imaginez un peu la dépense ! A peine plus d'un million d’euros inscrits au budget municipal en 2011 ! A ce train de vie-là, croyez-moi, il faudrait deux cents ans pour atteindre le coût d’un grand stade ! Frais de bouche ? A-t-on seulement pensé qu'il y a là-dedans la bouche de Noël de nos pauvres ? 25% de notre population tout de même, qu'on me reproche assez ! Voudrait-on que je leur refusasse ma table ? « Frais » de bouche, eux, avec leur haleine de chacal ! N'importe quoi ! Vous parie que dans la foulée les médias pointeront demain nos « frais de Bush » en Afghanistan et, bien sûr, en Lubie - je veux dire en Libye ! Honnêtement, me voit-on, moi, bouche cousue à la tribune de l'ONU pour que la France arrête les frais ?

Tout à fait entre moi, sur ce coup-là, n’en commence pas moins à trouver le conflit trop durable, et même – comment dire ? – carrément… longuet : suivez mon regard ! Impérativement besoin en effet de me concentrer à la rentrée sur un autre terrain d’opérations, plus proche et autrement décisif d’un point de vue géostratégique. Créé l’événement la semaine dernière dans la presse, en annonçant pour la énième fois que je conduirai crânement la bataille de la reconquête législative en 2012, au cas où on l'aurait oublié ! On a aussitôt parlé de revanche, état d’esprit dont même mes adversaires les plus coriaces conviennent qu’il m’est totalement étranger. Non, comme ces paysans d’Europe orientale spoliés de leurs terres par le communisme, j’entends faire reconnaître mon titre de propriété à l’Assemblée nationale, voilà tout. Ce pour quoi il faut bien déloger une certaine agasse qui y joue impunément les coucous, sans avoir seulement jamais pondu un œuf depuis 2007 ! Ma petite garde municipale est fin prête – oh, bien modeste avec une centaine d'engagés ! – Déterminée, déjà elle s’est trouvé un joli nom de guerre : le bataillon du Génie ! Quatre ans que j’attends ça : je n’en dors plus ! En attendant les voix, grignoterais bien un petit quelque chose...