"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

dimanche 24 octobre 2010

Salade de fruits



« Bonaparte gai, virtuose du gentleman agreement, séducteur par décret divin, arborant sur ses épaules, telle une parure naturelle, l’étole invisible de la Résistance. » Dieu lui eût-il donné la joie de me voir à l’œuvre dans cette ville ou à Matignon, je me plais à penser que l’illustre auteur de ces lignes ne se fût pas offusqué que je me les appropriasse, tant je puis porter sans retouches ce bel habit taillé jadis pour mon prédécesseur au nom de stade. Dans ce portrait qu’on dirait de moi, le lecteur averti aura bien sûr reconnu la plume de l’auteur de Destins, mon cher maître de Malagar.

A qui serait troublé par cette remarquable permanence du tempérament et de l’action dans la charge municipale, je conseille de relire un plus lointain prédécesseur, essayiste à ses heures, dont le nom, qui sans doute ne dirait rien à notre petit Malabar, demeure à ce jour l'un des labels le plus prisés des lycéens de la ville. « Je m’avance vers celui qui me contredit », voilà le message du moraliste à quoi nous demeurons fidèles à travers les siècles, comme à l’héritage des nobles gentlemen anglais dont il procède. L’atrabilaire raide et coincé n’a aucune chance dans cette cité si sensible à l’humanité, aux caresses, à l’ouverture, au dialogue amoureux. C'est qu'on ne saurait gouverner ici sans tendre une main chaude et bienveillante à l’opposition municipale, trop souvent victime de vieux micros défectueux.

Si j’évoque ici avec empathie mon prédécesseur au nom de stade, c’est que l’occasion m’en est donnée par l’hommage que vient de lui rendre notre mollah de la littérature, pour la sortie d’un ouvrage qui lui est consacré, à quelques jours du dixième anniversaire de sa disparition. Mes obligations électives m’ont hélas privé du plaisir de me joindre à ses fidèles compagnons et, malheureusement, sa veuve a elle-même dû s’échapper avant la réception que j’offrais en mon palais, craignant sans doute de rater la dernière micheline du Pays Basque. Elle sait mon admiration sans voix pour son défunt, et l’ardeur qui est la mienne à entretenir son héritage et sa mémoire pour demain. Puissions-nous cesser bientôt de jouer au chat et à la souris !

Lui ayant consacré un livre, sans doute mon prédécesseur au palais épiscopal n’ignorait-il pas cette autre parole de Montaigne, dont il éclaire tout à coup le sens, tel un phare dans ma nuit : « J’honore le plus ce que j’honore le moins ». Est-ce à dire qu’il me faut honorer mon agaçante agasse, lui montrer comme il l'aurait fait des attentions, ne pas feindre sa transparence de frêle femme invisible, ne point être sourd à ses vaines propositions ? Aller jusqu’au dialogue, voire tenter un brin de flatterie et de séduction ? Pensons-y mais n’exagérons rien : on sait que la corvée de corvidé n’est pas mon fort. Désolé, cette dame de pique n’est pas ma dame de cœur !

Ayant relu vendredi une brève biographie de mon prédécesseur aux essais – l’international de rugby, pas le moraliste – Denise s’amusait hier d’un fait peu connu dans la similitude de nos parcours. Comme moi en effet, il a été ministre de la Défense. « Les portefeuilles étaient éphémères sous la IVe République, me dit-elle avec une douce ironie, mais il a tenu six mois ! Tu le bas dans Le Livre des records en te faisant piquer ton maroquin avant même de le recevoir ! » Méchante femme qui me chante la valse folle des ministères ! Enfin, me voilà donc passé aux Affaires sociales si j’en crois la rumeur – un peu comme ma bayrouette à deux roues, pauvre Perrette qui déjà, dans sa tête, pédale en danseuse vers Paris ! Le Saint-Père doit s’en réjouir, qui n’ignore pas ma foi dans la doctrine sociale de son Église ; il l’aura sans doute lui-même exigé de Rikiki-de-droit au Vatican, dans le confessionnal, avant de lui consentir l'absolution.

Soyons francs : un trouble s’élève dans mon âme éperdue. Certes, mon expérience, mon parcours, mes qualités me destinent indéniablement au dialogue social, comme je viens de l’illustrer mais, hélas ! « le monde n’est qu’une branloire pérenne », nous rappelle l’auteur des Essais qui ne fut point rugbyman. Oui, ce pays branle dans le manche et s’ébranle dans les rues ! Dès lors, le meilleur d’entre moi peut-il imposer son dialogue à la France dans un tel chaos, sous l’autorité d’un petit secoueur de cocotiers impénitent, quelle que soit l’admiration que je porte à son œuvre sinon à son personnage ? Les jambes flageolantes, je suis soudain pétrifié face à l’angle du tir : cet essai est intransformable ! Alors que mon prédécesseur municipal m’apparaît en majesté sous le ciseau du sculpteur, n’est-il pas temps pour moi de le rejoindre pour un froid festin de pierre avec Montaigne ? Le vieux philosophe avec sa fraise, l’homme du stade avec sa pêche légendaire et moi, mon Dieu, avec mes pauvres cerises hors saison !

dimanche 17 octobre 2010

L'Arlésienne


Personnage fantasque, Razibus ne manque jamais de me surprendre. Dans l’avion présidentiel qui nous transportait jeudi vers ma ville d’élection, je profitai de notre intimité aérienne pour l’alerter sur quelques affaires du monde. Le nez collé au hublot, il m’interrompit immédiatement d’un geste las et, sans même se retourner, me lança cette interrogation étonnante : « Comment tu trouves Brigitte Bardot ? » Doutant qu’il convoitât les vestiges d’une Marianne que le Général fit jadis mouler pour la France, je tentai une blague  à la réflexion un peu plate : « Nous survolons Limoges, tu sais, pas Saint-Tropez ! »

Il ne répondit pas, ni ne se retourna. J'interrogeai un conseiller du regard en attendant que Razibus consentît à sortir du silence impénétrable des nuages ; on me chuchota à l'oreille qu'allait bientôt être annoncée  la candidature de la vieille icône de La Madrague à la présidence de la République, sous label écologique ! Une concurrente redoutable qui fait toujours saliver dans les maisons de vieux, quand Alzheimer n’a pas jeté son voile pudique sur le souvenir de ses rondeurs !  Alors que j’échafaudais déjà une stratégie pour dissuader une Babette défraîchie de s’en aller t’en guerre, et l'attirer vers ma candidature durable, je pris conscience que, toujours absorbé par le spectacle du ciel, Rikiki fredonnait ostensiblement a cappella une chanson qu’on eût dit de sa composition, tant les paroles avaient la fraîcheur de son style :  « Tu veux ou tu veux pas / Tu veux c'est bien / Si tu veux pas tant pis / Si tu veux pas / J'en f'rai pas une maladie ». Et puis, après une toux feinte et ce qui me sembla un ricanement : «Tu veux ou tu veux pas ? hein ! / Quoi ? Ah ! tu dis oui / Ah ! a a a a a a a / Et ben moi j'veux plus ! / Ouh ! la la ».

Il se tourna alors vers moi et me dit avec un clin d’œil : « Alors comme ça, tu kiffes les Marocains, toi ? » Heureux d’être interrogé sur les relations de la France avec Mohammed VI, je saisis l’occasion de lui présenter en trois points mes ambitions diplomatiques pour le Royaume alaouite. Sans chercher à dissimuler un bâillement généreux, ni feindre un quelconque intérêt pour mon propos, il attrapa Libé sur la table, qu’il ouvrit à la page d’un article à moi consacré, pointant du doigt l’homonymie du titre à l’origine de ma méprise : « La tentation du Maroquin ». Ha ! Ha ! Ha ! Il était donc encore question d’un portefeuille…

Soyons francs : prétendre que je n’y pense jamais serait exagéré. Comment dire ? J’y pense… épisodiquement. Et le reste du temps, ma foi, je songe à la présidentielle. Voilà plus de trois ans que j’ai été brutalement arraché à la France, pour prix des exactions d’une dame de pique se prenant pour Pallas – une pie voleuse pas chouette du tout en réalité ! Alors oui,  il est venu le temps de la restauration. Non point de la sustentation de Denise, prétendument affamée de capitale si l'on en croit la presse, ni non plus d’une quelconque soif de pouvoir, qui serait bien ridicule. Plus simplement, l’Histoire nous apprend qu’à chaque période gravissime la France a su rappeler à elle un homme ou une femme d’exception. Cette espèce rare vit en général discrètement retirée au fond d’une province, où elle se prépare dans l'humilité au sublime sacrifice. Ainsi donc, grâce à moi, notre bonne ville pourra-t-elle demain s’enorgueillir de rejoindre Domrémy et Colombey, au panthéon des lieux qui ont sauvé la France !

Cette parenthèse me ramène au maitre chanteur du vol présidentiel. Même s’il enfourche volontiers la Nation comme une Harley-Davidson, notre petit Tom n’ignore pas qu'il a besoin de ma personne ! C’est pourquoi, taquin, il me tire de son chapeau chaque semaine un ministère différent, à tel point que Denise m’a trouvé un surnom l’autre jour, après que je me fis injustement flasher sur une route landaise où j’arrivais sans me presser : Zorro de conduite ! Chère Nisa, jamais je ne remercierai assez Dieu d’avoir créé la femme digitale ! Au diable mes points !

Alors que COTAM 0001 terminait sa descente, Razibus me balança, désarmant de gouaille en bricolant sa ceinture : « Et dis don’, ça t’dirait de quitter le banc de touche pour jouer en Défense ? T’as jamais été très d’attaque au fond, hein, même quand tu m’en mets plein la tronche ! » Ô temps d’un nouveau rêve ! Ô châteaux en Espagne ! La Vérité est peut-être au 14 de la rue Saint-Dominique. Serai-je donc, après ce falot Hervé, le Michel Morin de Razibus aux Armées, ou bien une fois encore l’Arlésienne, tel le Daudet de la fable ? Allons, Denise m’a promis de passer demain dans une boutique de surplus américains, porte d'Italie, pour m’y dégoter une tenue de camouflage !

dimanche 10 octobre 2010

Les mains jointes


 
 Remis les pendules à l’heure cette semaine dans les rangs de la majorité municipale. Il m’insupporte en effet que chacun s’y voie déjà en haut de l’affiche, ad interim, quand je n’ai lancé moi-même aucun « adichat » ! Grâce au Ciel, les adjoints ne sont plus classés dans cette ville comme jadis à la communale et, si je demeure bien le premier, qu’on se demande enfin pourquoi je n’ai plus de second, et tout le tralala ! Parce qu'il est hors de question que l’Histoire se répète à l'identique ! Non, mon prédécesseur occasionnel n'est pas mairie-sitter à vie ; il peut bien se rêver un destin de Poher, comme Hébé, ma bayrouette à deux roues, se voir pousser des ailes : j’entends demeurer seul maître à bord, quoi qu'il advienne !

Une confidence entre moi : le temps m'en fût-il donné qu'il me plairait d’écrire un jour un court traité sur la vanité et la convoitise. Pourquoi faut-il en effet que jamais l’homme ou la femme politique ne se contente de ce qui lui a été donné dans les urnes ? Pourquoi vouloir toujours se hisser plus haut, jusques aux cimes, prétentieux d’y pouvoir à soi seul disperser les nuages ? Quel affligeant spectacle pourtant que celui d’un vizir ou d’une vizirette rêvant de devenir calife à la place du calife ! Me replongeant l’autre jour dans la Découverte de l’archipel d’Elie Faure, j’y trouvai ceci que je conseille à mes adjoints de méditer : « La vanité et la crainte du ridicule sont les traits les plus saillants du caractère français. » L’auteur ajoute, non sans finesse : « C’est étrange, à coup sûr, la vanité étant neuf fois sur dix la source du ridicule. » Je rends grâce à mes maîtres, laïques et religieux, de m’avoir par leur enseignement préservé de ces deux travers.

Où diable avons-nous rangé Les Mains jointes ? Impossible d'exhumer ce précieux ouvrage de la bibliothèque hier soir. Se trouverait-t-il encore dans un carton ? C’est un vrai mystère à la Frontenac ! A la faveur du weekend, nous nous étions pourtant promis de relire ces vers de jeunesse de Mauriac, providentiellement réveillés dans notre souvenir par de très belles images pieuses de Rikiki dans les médias. Il faut dire que Denise a trouvé très touchant notre petit prince en béatitude.  Doigts croisés et paupières closes aux côté du Saint-Père, on eût dit d’un enfant de chœur du Quattrocento ! L’interdiction de la table eucharistique doit être une vraie torture pour ce chrétien avide de communion, quand bien même il aura été béni pour sa fidélité au message social de l’Église, le Pape n’ignorant ni sa détermination ni la mienne à sauver la  retraite des Françaises et des Français, au prix d'une lutte acharnée contre leurs vieux démons.

Soyons francs : cette réforme des retraites est juste et équitable, je le répète ici, en tout point fidèle à l’esprit de celle que, visionnaire, je fus moi-même naguère empêché de mettre en œuvre, au grand dam de mes infortunés compatriotes. Dès lors, à quoi servira-t-il de défiler mardi encore derrière des calicots aux slogans aussi usés qu'irresponsables, en multipliant sans vergogne le nombre des promeneurs, tel Jésus avec des pains ?  Pauvre miracle ! Combien les manifestantes et les manifestants croient-ils qu’ils seront vraiment après-demain en arrivant au port ? Une minorité en vérité, je vous le dis, déterminée à s’imposer encore une fois contre la volonté du peuple souverain, exprimée par sa représentation nationale !

Qu'on me pardonne une dernière citation.  « Ce n’est pas dans je ne sais quelle retraite que nous nous découvrirons : c’est sur la route, dans la ville, au milieu de la foule, chose parmi les choses, homme parmi les hommes. » Autrement dit au travail, seule source d’épanouissement pour Sapiens Sapiens ! Non, ces lignes ne sont pas de Razibus, ni même de moi, mais de Jean-Paul Sartre, soldat de la cause du peuple devant l’Éternel ! Alors admettons-le avec lui, une bonne fois pour toutes : la retraite n’est tout simplement pas existentielle. En prenant acte pour ma part, je suis donc prêt à servir la France, ici – c’est à Paris que j’écris ces lignes, faut-il le préciser ? – et maintenant, et bien au-delà de la joyeuse septantaine ! Le président de la République ne l’ignore pas, je le sais. Je ne convoite rien, il en est informé.  Fût-il néanmoins confronté demain à la vacance inopinée d’un portefeuille régalien, je puis être appelé à tout moment, même la nuit au débotté. S'il n'a pas une nouvelle fois égaré le numéro de mon iPhone.

Mon Dieu, quelle est-elle cependant, cette voix intérieure qui me souffle avec insistance que rien ne va plus, que déjà Les jeux sont faits ? Qu'elle se taise, car peut-être il est temps encore de prier !

dimanche 3 octobre 2010

La Baba aux Roms


Peu préparé aux plaisirs de la nuit par une sévère enfance de pinède, toujours je me suis couché de bonne heure. Je n’en eusse pas moins dû faire une entorse à cette règle hier soir et écouter Denise, pressée qu’elle était de rejoindre la capitale pour y faire la fête comme une folle, jusqu’aux petites heures du matin. Nuit blanche en effet pour moi, à ruminer l’herbe amère de Razibus dans cette ville de province, telle une vache inestimable de la Cow Parade humiliée d'être boudée par les enchérisseurs. Incapable de se résoudre à sélectionner les meilleurs pour conduire son équipe à la victoire, le capitaine du paquebot France n’est même pas celui du Titanic,  tout au plus quelque Raymond Domenech échoué au cap de Mauvaise Espérance. Qu'il ne compte pas sur moi pour jouer comme arrière !

A propos de football, on ne peut pas dire que j’en sois moi-même à un stade très avancé. Il est tout de même ahurissant qu’on ne vous construise plus de nos jours une pelouse entourée de gradins pour moins de deux cents millions d’euros ! De qui se moque-t-on ? C’est à se demander si Rikiki n’a pas soufflé à ses copains du BTP de me botter en touche ! Quant au père Grandet de l’assemblée départementale, je me demande comment ses vieux doigts crochus peuvent encore à la fois tenir fermement serrés les cordons de sa bourse et les accoudoirs de son siège. Une bernique avare et bornée, voilà ce qu’il est ! Et si je m’engageais à donner son nom à mon grand stade?

Si le président à vie du conseil général n’a guère plus de chances d’être désincarcéré de son fauteuil que moi de redevenir Premier ministre, il y a un réel danger que ma pie voleuse, elle, se fasse chaparder en mars son mandat de conseillère du deuxième canton. Soyons francs : au risque d’étonner, je n’y tiens pas, bien au contraire. On arguera que cette militante notoire du mandat unique pourrait ainsi soulager sa conscience et se consacrer corps et âme, sans cumul inutile, à son fauteuil de parlementaire. Certes, mais à ce détail près qu’elle n’en est pas la titulaire officielle ! Quand je regagnerai l'Assemblée en 2012 après son ridicule intérim, je tiens au plaisir de savourer la déchéance de cet oiseau de malheur, dès lors cantonné à un petit mandat subalterne, loin des ors de la République ! Honnêtement, qui oserait m’accuser de lui opposer pour cette compétition cantonale l’ampoule la plus brillante du sapin de Noël municipal, comme diraient nos amis d’outre-Manche ?

Sautons de l’âne au coq. Le hasard a voulu que je déambulasse discrètement, hier, dans le jardin de l'hôtel de ville quand se terminait, de l’autre côté des grilles, le défilé épars de ceux de mes administrés qui font passer le confort d’une retraite prématurée avant l’assainissement des comptes de la Nation. Cette engeance mérite-t-elle qu’on continue de se sacrifier à soixante-cinq ans  passés pour assurer l’avenir de sa misérable descendance ? Parfois, je me le demande. Entre moi, tous ces livres que j’aurais le loisir d’écrire si je n’avais l’intérêt de l’Etat chevillé au corps ! La suite de mes Cerises, par exemple, que des lecteurs affectueux me réclament avec insistance, déplorant pour certains que je n’aie pas remplacé Alain Baraton dans la grille de rentrée de France Inter… Et toutes ces tentations de Denise ! Dites, est-il déjà trop tard pour partir à la recherche de mon temps perdu ? Toujours cette émouvante nostalgie de mes discussions littéraires avec François Mitterrand… A qui viendrait-il à l’idée de les poursuivre aujourd’hui avec un Hun inculte et ridicule, avide de pouvoir et, de surcroît, à moins de trente pour cent dans les sondages !

Après le passage des manifestants, aperçu une vieille mendiante d’Europe orientale qui demeurait plantée au milieu de la chaussée, comme passée à travers les mailles trop lâches de leur filet. L’ai hélée depuis les grilles pour mettre vingt centimes dans la dextre usée que déjà elle me tendait en me remerciant de la tête, comme ces vierges d’église de mon enfance, après qu’on eut glissé une pièce dans leur socle. Saisi tout à coup d’un sentiment de malaise en la voyant derrière ces barreaux. Lequel de nous deux était-il le vrai prisonnier ? Comme elle s’éloignait sur le trottoir sans lever les pieds, ai souri en pensant que, d’une certaine façon, cette vieille femme était la baba aux Roms. Une babouchka aimée de ses petits enfants dans quelque squat de l’autre rive. Envie irrépressible, tout à coup, d’un éclair au chocolat.