"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

samedi 10 janvier 2009

Tintin durable


Ai fait remarquer hier à Martin que le monde s’apprêtait à fêter aujourd’hui les quatre-vingts ans de Tintin. Je parle là du haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, pas de mon fidèle Milou qui a fait tintin à l’assemblée nationale et au sénat. Le jeune reporter octogénaire étant né comme son chien en 1929, l’année du krach de Wall Street, il est bien naturel de le célébrer en plein crash financier, comme on dit aujourd’hui. Hirsch, qui ne manque pas d’humour, est convenu que la chose tombait bien ici et maintenant, un sur quatre de mes administrés faisant tous les jours tintin, faute de dépasser le seuil de pauvreté. Ai promis à ce capitaine de misère de m'en remettre à sa loi ad hoc. Pour le reste, si cela lui fait plaisir, Fayaux pourra toujours demander au CCAS d’envoyer en mai, aux frais du contribuable, un car de nécessiteux au festival Tintin de Namur. Tenez, ils pourront même pousser jusqu’au nouveau musée Magritte* où, pour les réconforter, on leur montrera un portrait d’enfant affamé, au-dessous de quoi le maître aura écrit en lettres anglaises : « Ceci n’est pas la faim du monde ».


Message de Janet** ce matin, affectueuse mais affligée de ne pas avoir reçu de mien courriel, alors que j’ai écrit au maire d’Ashdod, en Israël, pour lui dire mon soutien. Eût-elle lu le billet de mon blogue jusqu’au bout, cette amie attentionnée, maire de Ramallah, aurait compris que j’appelais de mes voeux que se lève un jour prochain, dans chaque camp, un homme ou une femme capable de prendre le risque de la paix. Enrageant de penser que, durablement ici en réserve de la République, je pourrais, Israélien ou Palestinien, être aujourd’hui cet homme d’exception né pour un rendez-vous avec l’Histoire ! Soyons francs : on est fondé à s’interroger parfois sur le dessein secret de Dieu, qui n’avance que des nains et des fous sur l’échiquier du monde. Si l'on attend de moi des noms, qu'on observe plutôt ses dirigeants sous la toise.


Denise m’a convaincu de passer cette année aux vœux digitaux durables : ceux de mes administrés qui n’ont pas d’accès à l’Internet pourront toujours aller en profiter dans un cybercafé, pour le prix d’une consommation. Cela faisait un peu artisanal, je le concède, mais au moins est-ce moi qui parle dans ce sympathique et fraternel clip vidéo, ce qui me semble plus chaleureux qu’une griffe. Exaltant de me retrouver face à l'œil noir d'une caméra pour l’exercice, debout comme le Pinocchio de Carla, solennel, légèrement emprunté. Il ne manquait que la Marseillaise, mais les Français en auront senti les vibrations comme moi. Il faudra tout de même dire deux mots au cadreur, qui s’est fendu d’un zoom arrière saccadé quand j’ai parlé de politique de proximité. Sans doute un transfuge de France 3. Ne lui ferai pas de pub, croyez-moi.


Quelques pages de mon cher Cioran ce midi au café, pour me sortir un peu de la noirceur de cet hiver politique. Dans son Livre des Leurres, il me ramène curieusement au propos de notre haut commissaire d’ouverture. "J’aime les têtes couronnées qui ont souffert de l’obsession de la mort, écrit-il. La peur née dans le confort, l’angoisse accrue par le pouvoir, et les obsessions alimentées par l’opulence confèrent à la méditation sur la mort une élégance tourmentée et une torture somptueuse. La Pauvreté et la Mort ressemblent à deux fleurs dans un bouquet fané, de sorte que les pauvres meurent comme les riches respirent." C’est assez bien senti, à chacun son calvaire. Penser, pour la fin de l'année, à offrir ce précieux ouvrage aux convives de notre joyeux Noël des démunis. Bon pour leur édification, convient Denise, son achat en nombre indemnisera par anticipation notre pauvre dame de libraire, au cas où son ignoble faucheur serait scandaleusement élargi avant les fêtes.

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*Place Royale à Bruxelles, ouverture le 9 juin 2009 ;

*Janet Mikhail.

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