"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

mercredi 24 décembre 2008

Fables de Noël


Grande émotion à recevoir hier à déjeuner, dans les salons de l’hôtel de ville, les deux cent cinquante administrés les plus démunis de notre cité, avec une quarantaine d’élus municipaux. Dans mon discours de bienvenue, pendant qu’ils se sustentaient sans manières, me suis réjoui du franc succès de ce rendez-vous annuel, qui les attire de plus en plus nombreux. Les ai chaleureusement remerciés de leur fidélité, en les assurant du plaisir que j’aurai à les retrouver tous l’année prochaine, pour accueillir avec eux les nouveaux venus à notre traditionnel repas de Noël. Surpris une adjointe du Pavé avouant l'air pincé à sa voisine qu’elle se sentait décidément mieux la veille, au repas du conseil municipal. Municipal, "démunicipal", c’est le dé du sort qui fait la différence en roulant ; chacun de nous a heureusement le long casino de la vie pour se refaire.


Alors que les pauvres sortaient repus de ces gracieuses agapes pour retourner à leurs inoccupations, dame Fayaux a jugé bon de me glisser à l’oreille, tel un avertissement, ce mot de Hugo dans Les Misérables : "Ceux qui ont faim ont droit". Lui ai renvoyé dans les dents qu’ayant moi-même faim et soif de pouvoir, j’en donnais volontiers acte au camarade Victor. Cette femme faussement aimable me fait de plus en plus penser à la fille Delors, avec les amis de qui je la soupçonne d’affinités locales circonstancielles. Pour qui se prend-elle ? Prétend-elle abolir la misère ? La faim que je sache ne donne aucun droit, mais seulement un ardent devoir : le travail. Lui seul nourrit son homme et le reste n’est que balivernes. Je sais de quoi je parle, ayant tout de même exercé quelques responsabilités…


Soyons francs : cette adjointe à la sauce béarnaise n’est plus fiable. Je ne serais pas surpris de l’entendre me balancer un de ces jours que le Matthieu bavard et hargneux des socialistes parle d’évangile ! Allez, je gage que la dame patronnesse me reprochera bientôt avec lui de gaspiller l’argent de nos administrés à régaler somptuairement les indigents ! Grâce aux ressources de notre bel Agenda 21 de 2009, je prélèverai en douce pour ces deux là quelques carottes crues, sur la dotation de nos cantines scolaires, de sorte à les rendre l’un et l’autre un peu plus aimables.


Denise me fait remarquer que, pendant que nous œuvrions charitablement à nos pauvres, la première dame de France, telle une princesse Diana hexagonale, visitait courageusement les favelas de Rio de Janeiro, pour assister en connaisseuse à un défilé de mode de vêtements fabriqués par les habitantes des bidonvilles. Tenez, cela me donne l’idée de la convier, avec son prince Charles, à une course en sac du 14 juillet dans mes Landes ! Avouons qu’il y a tout de même là de quoi déboussoler les plus solides de nos démunis, transportés hier de leurs logements insalubres dans les ors de mon palais, cependant que l’épouse de notre Monac s'évadait de son hôtel de luxe pour aller s’éclater chez les pauvres des collines de Copacabana. Jamais content, l’animal humain veut tout et son contraire ; c’est bien ce qui permet au politique de ne pas s’embarrasser de scrupules.


Aucune nouvelle de ma pie, depuis qu’il me faut lui reconnaître du chien. Est-ce la trêve des confiseurs ou un problème avec son canidé ? Nisa m’a parlé l’autre jour d’une fable troublante, Le Chien et la pie, montée par un petit théâtre bruxellois*. L’argument en est simple : "Le Chien et la Pie sont deux voisins que tout semble séparer... Jusqu'à présent, ils avaient toujours cohabité sans trop de problèmes, mais aujourd'hui, tout va basculer. La Pie voleuse s'empare d'un objet sacré : l'os du Chien…" Triste spectacle. Cruelle impression d’avoir été déjà moi-même le chien d’un tel drame. Comment alerter la pauvre bête ?

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* Théâtre Maât, rue des Coteaux 341, 1030 Bruxelles, http://www.theatremaat.com/

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