"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

jeudi 18 décembre 2008

La blessure primale


Dînant avec nous chez des amis communs, notre taquin cardinal me rappelait, hier soir, que le dimanche chômé n’existait pas dans l’Empire romain avant un édit de Constantin, premier empereur chrétien, en 321. Je lui fis remarquer que, eût-il été une évidence, il n’aurait sans doute pas fallu trois cents ans à ce repos des paresseux pour émerger. Et qu’il faudra beaucoup moins à Petit Goupillon Obstiné pour sabrer le repos dominical, nonobstant des milliers d’amendements de la gauche anticléricale ! "Aussi impénétrables ses voies fussent-elles, demandai-je au prélat occupé à sa religieuse au dessert, ne pensez-vous pas que, l'eût-il voulu, Dieu aurait bien trouvé quelque Bernadette par le truchement de qui transmettre son opposition au président séculier ?" A vrai dire, j’en connais moi-même une à Paris, au numéro 3 du quai Voltaire, assez bien branchée ma foi sur la longueur d’ondes céleste. Elle m’assurait il y quelques jours encore, en me pinçant gentiment la joue, ne pas comprendre le pesant silence de Dieu face aux gesticulations du nain dominicalicide.

A propos du bien nommé, j’ignorais hier, en évoquant cette ex première dame, que j’entendrais ce matin la voix de son vieil ennemi Galouzeau sur France Inter. Plus causant que le Créateur, il n’y est pas allé de main morte, parlant carrément de lois inutiles, tant pour le remplacement de la publicité marchande par la réclame gouvernementale - ma plume rajeunie allait écrire "à l’ORTF" ! - que pour l'institution du labeur dominical. L’homme ne manque pas de souffle, qu’il a du reste forgé à mon cabinet au quai d’Orsay. Soyons francs : ce qu’il pense de Duracell me convient parfaitement, quand bien même nous risquons de nous affronter pour le déloger en 2012. Cependant, n’ayant jamais tenu de mandat électif et taquinant volontiers la muse, Galouzeau ne sent pas comme moi avec ses tripes le ras-le-bol dominical des Français ; le cap est bon mais il fait fausse route. Fidèles au message christique, nos administrés veulent faire croître et multiplier leurs espèces. Villepin doit comprendre que le dimanche n’est qu’un jour vide durant quoi les chômeurs se désespèrent à loisir de ne pas travailler le reste de la semaine ! C’est tout simplement insupportable. Ce jour sacré a besoin d'un peu de sueur, c'est-à-dire d'humanité ; est-ce si difficile à comprendre ?

Nimbé de littérature, comment Dominique ne sent-il pas que l’asticot du Faubourg Saint-Honoré est, à sa façon, un néo-stendhalien à la vie digne d’un Henry Brulard de série B ? "Je ne puis pas encore m’expliquer aujourd’hui, à cinquante-deux ans, fait dire Stendhal à son moi Henry, la disposition au malheur que me donne le dimanche." Notre petit quinquagénaire a un sérieux problème existentiel à régler avec le jour du Seigneur, cela crève les yeux. On sent, dans son obstination violente et suicidaire, bouillir encore son indicible colère contre le bourreau impuni d’une enfance traumatisée. Peut-être même n’a-t-il convoité la magistrature suprême que pour humilier le dimanche, le faire rentrer dans le rang subalterne des jours ouvrés, et panser enfin la blessure primale à défaut de savoir penser la France.

Le petit monsieur n’a pas le pardon facile. Son épouse non plus, si l’on peut dire, qui empoche un jackpot de quarante mille euros, versés par la société réunionnaise éponyme. C’est trois fois moins qu’elle n’en demandait pour avoir été exposée nue sans autorisation sur des sacs, en plein hiver. Sur une île de l’océan Indien, certes, mais sur des poches à trois euros - rien que ça ! -, alors que la photo est disponible gratuitement parmi cent autres sur l’Internet ! La force du libéralisme, voyez-vous, c’est sa morale, comme aimait à le rappeler Margaret Thatcher, une femme rendue célèbre elle aussi par ses sacs.

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