"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

dimanche 12 avril 2009

Pascal Coué

Homme de méthode, monsieur Coué de la Châtaigneraie* mangeait comme moi ses châtaignes à l’automne et ses cerises au printemps. On sait aussi qu’il demandait à ses patients de répéter à haute voix matin et soir, vingt fois de suite la phrase suivante : "Tous les jours, à tous points de vue, je vais de mieux en mieux", sur le principe de l’autosuggestion consciente. Je peux personnellement témoigner que la méthode est efficace et, pour tout dire, sur le point de porter ses fruits. De nombreux micros m’étant complai-samment tendus à la faveur d’un formidable succès de librairie, je répète vingt fois par jour sans varier que, ma foi, je suis fin prêt à mettre mon expérience au service du gouvernement, sur les grands sujets nationaux et internationaux. La presse, qui le répète après moi comme une prière, n’en est plus qu’à supputer quel maroquin va m'échoir, au point d’évoquer la justice, sans sourire ni malice.

Toute idée qui se grave dans l’esprit tend à devenir une réalité dans l'ordre du possible, Coué avait parfaitement raison, et à sa suite Denise, qui a su me convaincre de la possibilité d'influencer favora-blement l’inconscient collectif par la suggestion itérative. Ainsi m’assure-t-on que la vente des cerises fraîches a drastiquement chuté depuis la sortie de mon livre. On voit bien également à la lecture des journaux que la France est non seulement prête à mon retour, mais mieux encore suspendue à cette espérance, comptant sur moi pour la sortir des affres de la crise. Coué me donne la certitude d’y parvenir. Tous les jours avec moi, à tous points de vue, les Français iront de mieux en mieux. Praticien lui-même du discours de la méthode, le petit nain semble moins pressé de mordre à l’hameçon mais, soyons francs, il n’a plus guère le choix !

En 2007, au lendemain du mauvais coup de la mia gazza ladra, j’avais confessé à mes administrés comprendre leur cruel message, leur inflexible volonté d’un maire à plein temps. J’ai plusieurs fois depuis réitéré ma détermination à demeurer prisonnier de cet austère cloître municipal, loin de l’excitant tumulte de la capitale. La médiatisation de ma résurrection nationale, autour de la célébration pascale, me vaut aujourd’hui d’être injustement traité de menteur par ceux qui ont la mémoire tenace et le pardon difficile. De quoi s’offusquent-ils ? Voulait-on que je désertasse mes administrés après cette fatale législative ? Aurait-on compris que je ne lavasse pas ensuite au battoir l’insupportable outrage, dans l’eau claire d’une élection municipale ? Ce qu’ils appellent mensonge n’était qu’un baume appliqué sur mes blessures, voyez vous, car j’ai été fait homme - de chair, de larmes et de sang.

Je suis aujourd’hui guéri. Mon hiver politique derrière moi, c’en est fini de ma saison en enfer ! Je trouve assez curieux au passage que personne n’ait saisi le sens pourtant limpide de mon titre à succès. Vous montrez aux imbéciles le noyau que vous avez au travers de la gorge, ils ne voient que la cerise. Il est grand temps que mes administrés se résolvent enfin au partage. S’il est monté au Cieux, Christ lui-même, qui se devait à l’humanité, n’a pas abandonné ses apôtres après sa résurrection. Il les a investis de sa flamme et leur a demandé d’aller porter sa parole. A leur image, je supplie aujourd’hui chaque habitant de cette ville de se réjouir et d’annoncer partout la bonne nouvelle : Youpi est ressuscité ! Il sera ministre, et bien plus encore à la faveur d’autres ascensions dont Dieu a le dessein ! Le centre de gravité de la planète a changé ? Celui de la France aussi en cette pâque de renouveau et d’espoir. Alléluia ! L'autre peut bien avoir la banane, je sais que le régime m'appartient !

En vérité, je vous le dis : au diable la chicaya politique ! Il nous faut maintenant nous aimer durablement les Huns les autres. Ce n’est que justice si la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi s’en va nous aimer parmi les sceaux. A sa place, je multiplierai bientôt les pins et les bouleaux pour les chômeurs et, comme l’aurait fait Jésus, je remplirai Bercy et marcherai droit sur les eaux de la Seine ! En n'oubliant pas, cette fois, de laisser mes bottes à Denise sur la berge.

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* Emile Coué (1857-1926).


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