"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

dimanche 5 avril 2009

Guignolet

"Son pragmatisme s’appliquait ici comme sur tout autre terrain : s’il ne découvrait pas son plan d’avance, et ne faisait pas connaître ses projets, c’est qu’il les ignorait lui-même et qu’ils naissaient en quelque sorte des circonstances. (…) à la dernière seconde, (il) pouvait bifurquer dans une direction inattendue, nécessitée par la conjoncture." Qu’on ne s’égare surtout pas, en prenant pour celui de notre Cul-bas, face à la crise, ce portrait du Général brossé par François Mauriac* ! Notre Nobel eût-il seulement frisé le record de Jeanne Calment - son aînée de dix ans - que nous le verrions pouffer aujourd’hui face à ce modèle réduit, ersatz de successeur de son idole, bombant le torse à Strasbourg au bout d’une laisse tenue par Obama. Affligeant. Humiliant. Ridicule.


On me reproche jusque dans mon camp de ne m’être opposé que mollement, de manière circonstancielle, au fossoyeur du gaullisme, petit paon de l’Alliance atlantique dans la roue de l’Amérique. C’est injuste. Croit-on vraiment qu’on se soucie de mes avis au château, où l’on ne rate pas une occasion de m’éreinter ? Pour preuve ce nouveau surnom dont on m’y affuble, paraît-il, depuis mon succès de librairie ! On me rapporta d’abord "Guy Mollet", ce qui n’avait aucun sens. Mais non, renseignements pris, c’est "Guignolet" ! Est-ce donc moi qui ai l’air d’un petit guignol ? On peut moquer mes cerises au rayon des fruits frais, mais a-t-on mémoire que, dans la tourmente, le Général ait jamais fait annoncer par son porte-parole qu’il avait la banane et pas les boules ? La banane ! On est heureux pour sa Ciliegia, mais croit-il donc que la France se mène à la trique ?


Pour les européennes en attendant, il continue de nous la jouer ici façon banana split, entre la particule et le tiret. Soyons francs : je sens que l’ancien Verchuren de l’Elysée a déjà gagné avec sa saucisse toulousaine mais, pas franc du collier à son habitude, le petit rockeur à la banane ne veut pas encore cracher le morceau. Je n’abandonnerai pas sans contrepartie, il le sait, et je mets la barre très haut. C'est que, subjugué par l'intelligence du monde qui se dégage de mon récent bestseller, l’ancien conseiller social à Matignon de mon prédécesseur au nom de stade, autorité européenne incontestée, lui montre clairement la voie : celle de la présidence de la Commission, qui doit impérativement m'échoir cet été, pour en finir avec un falot Portugais, ensablé dans le libéralisme anglo-saxon. Oui, mon exil provincial a assez duré : je dois retrouver une place digne de mon envergure, d'où parler d’égal à égal avec les chefs d’Etat et de gouvernement de la planète, en attendant que me soient enfin cédés d’autres rênes. A quatre-vingt-trois ans, le père de la dame de fer du P.S. demeure décidément un homme lucide, dont il faut saluer l'appel et le discernement. Général de l'Europe, je serai à la hauteur de ses espérances ; digne aussi du héraut de l'homme de Malagar.

Guignolet ! Cet énergumène me soûle ! Mon aversion de la concupiscence n’a pas échappé à ses conseillers qui, goguenards, m’ont proposé cette semaine une mission sur l’éradication des mots sales de notre dictionnaire, citant compétent, convergence, cénobite, je ne sais quoi encore. Ces potaches cyniques se croient-ils vraiment malins ? Mon Thé ou Café n’était finalement pas judicieux, je le reconnais. Plutôt que Denise, j’aurais dû écouter les amis qui me l’avaient déconseillé, flairant les liens d'une complicité malsaine entre Ceylac, Razibus et deux ou trois trublions locaux, dont mon insupportable pie voleuse. Profitant de mon salon local du livre, cette dernière égrène sur son blogue (si j’en crois mes trolleurs, ignorant moi-même sa virtualité aride) un chapelet d’écrivains du cru, allant jusqu’à exhumer Jean de La Ville de Mirmont, qui n’a jamais fait le moindre plateau télé. De moi, il n’est évidemment pas question, malgré la place éminente de mon dernier ouvrage dans le hit-parade des ventes en librairie. Cette sorcière teigneuse et jalouse prétend masquer ma plume ! Pourquoi un tel manque de fairplay ? Pourquoi une haine aussi tenace ? Mes Cerises en hiver sont-elles moins dignes de Gabriel Fauré ou de Julien Clerc que son pauvre Horizon chimérique** ? Ah, si j’étais elle…

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* De Gaulle, 1964.

** Horizon Chimérique, Jean de La Ville de Mirmont, poèmes posthumes mis en musique par Gabriel Fauré et, plus près de nous, par Julien Clerc en 2000, dans son album Si j'étais elle.

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