"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

mardi 7 juillet 2009

La petite commission

Denise a trouvé ce matin, dans notre boîte à lettres, un mien bulletin de vote de la dernière municipale, proprement plié en quatre, portant au dos l’inscription suivante, au feutre vert : "T’ai gonfler, t’a pu de portefeuille mais tu fait qu’en même les comissions ! Sé encore nous con va payez !" L’écriture n’en est point trop enfantine, malgré l’immaturité de l’orthographe et de la conjugaison. L’école coûte bien cher à la République pour un rendement aussi discutable.


Avoue que ce billet anonyme ne manque pas d’esprit, mais ai-je vraiment le choix ? Feins d’ignorer que le pygmée se paie ma tête en me forçant à une rance conjugalité primo-ministérielle, avec ce socialiste presque octogénaire qui fait les commissions comme d’autres des ménages. Je nous vois déjà sous ce gros titre, en couverture du magazine Notre temps : "Un vieux couple autonome qui fait encore ses commissions tout seul ! " Il a quinze ans de plus que moi, tout de même ! L’avantage, me jure Razibus, c’est que j’aurai l’air jeune à ses côtés. Mais je SUIS jeune, bon sang de bois ! De surcroît, c’est là une commission bien modeste : pourquoi ne m’avoir pas plus simplement nommé ministre d’Etat à l’emprunt ? C’eût été moins humiliant que ce secrétariat d’Etat aux aînés, que j'ai refusé sèchement, bien qu'il fût taillé spécialement pour ma personne ! Cela dit, on sait que mon duettiste, ancien inspecteur des finances que détestait Mitterrand, contrairement à un autre, a pour lui d’avoir servi la politique sous un nom d’emprunt, à l’époque du PSU. On l’appelait alors Michel Servet, ce qui me promet une franche rigolade !


Comme je tentais de bavarder hier au téléphone avec l'honorable vieillard, en m'enquérant par politesse de ses problèmes d'articulation, trois vers d’Athalie m'ont traversé l’esprit, échappés d'un songe racinien virant au cauchemar : "Même elle avait encore cet éclat emprunté / Dont elle eut soin de peindre et d’orner son visage / Pour réparer des ans l’irréparable outrage." Répare-t-on jamais les outrages ? L’éclat emprunté de mon nouvel acolyte le dispute à celui du gouvernement et de la République ; l'astre est éteint, même s’il arrive à sa lumière de nous parvenir encore par intermittence. Souhaitons-lui de refléter au moins la mienne, dont il aura bien besoin.


Toujours pratique et optimiste, Denise me jure que cette "siamoiserie" commissionnée tombe à point nommé, dans le débat sur le repoussement de l’âge de la retraite. Je ne vois pas le rapport. A moi, ce débat rappelle surtout l’effronterie d’un syndicaliste dont je tairai le nom, qui m’avait affirmé à Matignon qu’on ne fait pas repousser l’âge de la retraite plus facilement que les cheveux. J'en ai fait l'amère expérience. Soyons francs : la perspective d’une pension de l’Etat est pour moi repoussante ; je ne puis l’imaginer sans nausée, sans dégoût ! On a tant à donner encore à la France à soixante-quatre ans ! Pourquoi diable un couperet à soixante-sept ? Me révolte la seule pensée que certains élus de la République aient pu, naguère encore, jouir de leur retraite de haut fonctionnaire avant la soixantaine, en toute impunité ! C’est bien par fidélité au message social de l’Eglise que je ne citerai pas le nom d’un ancien Premier ministre à prétentions présidentielles, inspecteur des finances dans le civil. Ces socialistes n’ont décidément ni éthique ni vergogne ! Par curiosité, demander au tombeur de Couve à quel âge il a lui-même fait valoir ses droits.


Je reconnais que la commission de l’emprunt n’est pas la Commission européenne mais, à défaut de la seconde, je préfère la première à une partie de tarot au club du troisième âge d’Hossegor ! Les hommes politiques, voyez-vous, craignent plus les maisons de retraite que l’enfer, pour y avoir serré trop de mains maigres, molles et tavelées, dont le seul intérêt était qu’elles pussent glisser encore le bon bulletin dans l’urne, fût-ce avec la tremblote. Me voit-on franchement dans une salle commune, somnolant sur des mots fléchés, entre deux pauvres vieilles à l’esprit égaré ? Va pour la coprésidence avec l’antique parpaillot ! Evidemment, j’attends ma pie voleuse sur ce coup-là ! Je l’entends déjà nous raconter doctement, sur son blogue, les confidences d’un confrère urologue par elle consulté : passé la soixantaine, inspecteurs des finances, anciens Premiers ministres ou hommes de la rue, nous sommes tous logés à la même enseigne - résignés à nous lever au milieu de la nuit pour la moindre petite commission !

2 commentaires:

Iker Otsoa a dit…

Le tout c'est de ne pas confondre incontinence et un con finance.

Anonyme a dit…

On est curieux de voir ce qui jaillira de cette co-miction !