"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

vendredi 20 novembre 2009

Papy Blues

Angoisse ce matin au réveil, seul dans mon lit. Non, Chère Denise, ce poids atroce sur ma poitrine n’était pas dû à ton absence, mais à une autre séparation dont déjà j’appréhendais l’échéance depuis quelques jours. Soyons francs : quand j’ai tâté ton oreiller vide et frais à côté du mien dans la pénombre, c’est à mon compagnon d’emprunt que j’ai pensé aussitôt, pas à toi ; me le pardonneras-tu, dis ? C’est que j’avais appris à aimer jusqu’à son prénom, vois-tu, qui m’est pourtant une blessure fort agassante au féminin. Notre empathie était si forte que je me sens aujourd’hui à la fois veuf et vide du fruit de nos entrailles. Je comprends la douleur d’une mère porteuse après la délivrance, et souffre d’avoir abandonné hier notre enfant légitime à un père adoptif sans scrupules.


Éloignés l’un de l’autre contre notre gré, mon vieux complice et moi revendiquons de demeurer un couple durable, au service de la Nation, de l'Europe et du monde. Je peux le dire aujourd’hui, ce socialiste historique empreint d’écologie est un espoir à gauche, comme j’en suis moi-même un à droite, ce qui revient au même. N’avons-nous pas brillamment démontré notre aptitude à réaliser le compromis que voulaient les Françaises et les Français ? Entre nous, ce bel exemple donné à l’Europe ne nous prédestinait-il pas à gouverner ensemble l’Union, l’un à la présidence du Conseil et l’autre à la vice-présidence de la Commission pour la diplomatie ? En lieu de quoi les chefs d’État et de gouvernement ont désigné hier deux sombres inconnus, l’un découpé dans un album de Tintin et l’autre dans une revue britannique d’odontologie ! Nous voit-on vraiment partir à l’assaut de la muraille de Chine avec un tel attelage ?


Bien que lui aussi de petite taille, Napoléon était tout de même une autre pointure que notre Rikiki ! Jamais ce visionnaire européen n’aurait laissé, lui, mettre sur le trône de Bruxelles un roi qui ne fût pas de sa lignée, un général qui ne fût pas de son armée ! Le sélectionneur de l’équipe de France de football me semble à ce titre plus digne de l’Empereur que notre pygmée national, bien incapable de prendre la main pour vaincre. La France ne saurait accepter davantage d’être dirigée par un couple anglo-belge que de concourir au Mundial 2010 sous la bannière de l’Irlande : il y va de notre identité nationale, les Irlandais l’ont bien compris !


Comme l’a écrit Bonaparte, "les règlements sont faits pour les médiocres et les indécis ; rien de grand ne se fait sans l’imagination". Face au péril, avec ou sans ballon, le génie est de savoir prendre les choses en main, surtout quand on a joué comme des pieds ! Alors, je le dis haut et fort : l’Europe a besoin d’un grand emprunt ! Experts de haut niveau sachant faire les commissions, mon socialiste réformé et moi-même sommes à la disposition de l’Union pour le lever ensemble. Bénévolement s’il le faut, pourvu qu’on ne nous sépare pas comme nous y condamnerait une maison de retraite ! L’envers et l’endroit d’une pensée unique, nous sommes indissociables, tels des frères siamois soudés par le crâne.


Oui, L’Envers et l’Endroit. A ce sujet, je lisais hier que, initié par la prima donna à une philosophie qu’elle tient d’un précédent lit, Razibus se serait entiché d’Albert Camus, au point de vouloir le faire entrer au Panthéon. A-t-il bien tout lu du prix Nobel de littérature ? On en doute quand, à plus d’un titre, ce dernier a de quoi le faire frémir : Le Mythe de Sisyphe, L’Etat de Siège ou La Chute ne sont pas de bon augure en politique ! Ni L’Etranger, pour qui joue du violon à un électorat qui ne tolère les flux migratoires qu’au-dessus de ses palombières. Notre petit Tom pourrait donc bien découvrir qu’on ne prend pas aussi facilement, dans ses filets, un homme révolté de conviction qu’un second couteau socialiste mutant.


Trouvé ce matin dans le journal un petit air de ressemblance entre mon parpaillot et moi. Est-ce l’effet de Matignon ou celui de l’emprunt que nous avons réduit à feu doux ensemble ? Repensé avec tendresse à une remarque du Caligula de Camus, à Hélicon je crois : "Les vieux époux ont le même nombre de poils dans les oreilles tant ils finissent par se ressembler". C'est sans doute vrai. A défaut de milliards, nous allons avoir maintenant, mon socialo et moi, le temps de les compter.

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