"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

jeudi 12 novembre 2009

The Wall

Heureux que Johnny soit venu refaire ses adichats à mes administrés, fidèle à cette ville qui l’habite comme elle est en moi. Toujours jeune bien que tout de même de deux ans mon aîné, il peut lui dire dans les yeux, comme moi-même à la France : "Je ne t'ai jamais menti", ainsi qu’il le fit dans une belle chanson de 2002 que par amitié, en hommage à mon livre éponyme trois ans plus tôt, il avait tenu à intituler Entre nous*. Se souvient-on du refrain de cette ode sensible et délicate ? "Entre nous / Aucune demi-mesure / Aucun mur ne tiendra debout / Entre nous / Toujours cette histoire qui dure / Depuis le premier rendez-vous / Une histoire d'amour entre nous." Croyez-moi, Barbara n’est pas loin.


Aucun mur en effet, Johnny a raison, sauf à prendre date avec l’Histoire a posteriori, comme vient de le faire notre petit Pinocchio sans vergogne, jusqu’à m’embrouiller moi-même dans mon agenda de 1989! Soyons francs : j’ai cru pouvoir lui faire confiance, puisqu’il était à l'époque mon grouillot ; mal m’en a pris. Franchement, je ne sais plus ; je suis confus, terriblement confus… Dois-je consulter pour des tests de mémoire ? Je le crains, ayant hier, à cause d’une nouvelle absence, zappé la cérémonie… du souvenir, parti que j’étais faire une commission dans la capitale, profitant d'un jour férié. Grâce à quoi on voit aujourd’hui, dans le journal, s’exhiber ma pie voleuse avec mon légionnaire, l’abritant fraternellement sous son pépin pendant le salut au drapeau ! Cette sinistre sénatrice ferait-elle déjà le siège de la mairie, après nous avoir pris celui du parlement ? Mon malheur, voyez-vous, est de n’être entouré que de gens très peu sûrs, qui toujours refuseront de se mouiller pour moi.


Malaise, angoisse. Un ami neurologue, consulté au téléphone, m’a demandé de compter à rebours de 16 jusqu’à 9, pour me rassurer. Quelle idée, alors que je jongle avec les milliards de l’emprunt et les millions du stade ! Les détracteurs qui m’accusent de mensonge croiront-ils que j’ai trébuché à partir de 11, à cause peut-être d’une pathologie cérébrale ? Ces chiens vont-ils s’acharner sur un pauvre homme abattu, menacé d’être bientôt peut-être le premier Alzhei-maire d’une grande ville de France ! Si mes Cerises ont été recalées au Goncourt 2009, je n’en exige pas moins le devoir de réserve des gens de plume, comme Razibus celui de madame Ndiaye.


A ce propos, la lauréate ne s'est-elle pas justement exilée à Berlin, où je me suis moi-même rendu en novembre 1989, je crois, à l’occasion de la célébration du deux centième anniversaire de la Révolution française ? C'est une curieuse coïncidence. Nous avions Razibus et moi, me souviens-je, emporté un petit arbre de la liberté pour le planter près du mur. Nous l’avons finalement jeté par-dessus, ayant oublié de nous munir d’une pioche. Si elle n’a pas été égarée dans notre déménagement à Ottawa, je crois bien avoir à la maison, quelque part, une photo de notre désarroi, qu’un jeune Allemand avait prise à notre insu avec son Polaroïd. J’aime à imaginer que, peut-être, cet arbre a poussé seul au milieu des barbelés. C’est à lui que j’ai pensé lundi dans la cour de l’hôtel de ville, alors que s'élevaient les notes d’un violoncelle sur deux hauts pans de mur.


Curieux rêve la nuit dernière, qui a beaucoup amusé Denise au petit-déjeuner. Aux douze coups de minuit, j’entrais en pyjama dans la cour d’honneur du palais de l’Elysée, après en avoir ouvert moi-même le portail avec une grosse clé trouvée dans ma poche. J’ai braqué une torche sur deux pans du mur de Berlin qui se dressaient devant moi dans l’obscurité ; il s’agissait, je crois, de ceux de mon palais épiscopal. Sur l’un d’entre eux était taguée l’inscription suivante, en grosses lettres majuscules noires : YES STRAUSS CAN ! Pourquoi ? Cela n’a aucun sens, tant je suis sûr que c’est une suite de Bach qu’a jouée Rostropovitch, en aucun cas une valse de Strauss. C’est à n’y rien comprendre. Mais tout cela est si loin. Si loin, comme dans un épais brouillard.

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* Paroles de Roger Tabrha et Sophie Nault ; musique de Franck Fossey.

3 commentaires:

Denise Y. a dit…

Il ne faut pas ajouter de la confusion à la confusion. "Le Mur" date de 1939, et non pas de 1961 comme on le croit généralement. Ce n'est pas par ailleurs à Mstislav Rostropovitch que l'a dédié Jean-Paul Sartre, mais à Olga Kosakiewicz, qui était sa femme de ménage à Troyes. Je ne pense pas que cette dernière ait pratiqué le violoncelle.

Jean-Philippe S. a dit…

@ Denise Y.

Ah que ! Entre nous, moi non plus je joue pas du violoncelle, je joue de la guitare ! Et mon pote Alain, c'est du pipeau.

Pinailleur a dit…

Monsieur,

En allemand, le mur se dit "Die Mauer" et non pas "The Wall". Vous risquez donc d'égarer vos rares lecteurs vers Pink Floyd, dont l'album est sorti dix ans avant la chute du mur de Berlin, en 1979. A noter que 18 ans plus tard, l'année même d'une dissolution qui causa votre propre chute, l'astéroïde 19367 fut nommé Pink Floyd en l’honneur de ce groupe rock. A quand l'astéroïde Rikiki-Youpi, pour célébrer votre assaut conjoint du 9 novembre 1989 ?