"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

jeudi 24 décembre 2009

Le Chat et le Bœuf

Un nombre croissant de commentateurs, on l’aura remarqué, s’entendent à me dépeindre aujourd’hui comme un sage. Qu’on veuille donc bien me pardonner, en ce dernier jour de l’Avent, de me laisser aller à deviser sagement sur la sagesse. S’il s’agit indéniablement d’une qualité qu’on acquiert avec l’âge, je n'en fais pas moins mienne cette maxime de La Rochefoucaud selon quoi, de mémoire, "qui vit sans folie n’est pas si sage qu’on croit". Au risque de provoquer mes rares ennemis, je revendique en effet la folie des grandeurs, qu’illustreront demain un pont pharaonique et un stade digne de la Rome antique, capables d’accueillir l’un et l’autre des dizaines de milliers d’administrés en liesse ou en transit. C’est qu’il n’est point de grand sage sans défis à sa démesure, n'en déplaise aux culs pincés de Grenelle ou de Copenhague ! Je suis à la lettre un maire édifiant, qu'on se le dise !


N’est-ce point La Bruyère, homme de caractère comme moi, qui affirmait joliment que "le sage guérit de l’ambition par l’ambition même" ? J’acquiesce et suis tenté d’ajouter : "et réciproquement". S’il arrive communément à la sagesse de n’être qu'un nom respectable donné à l’impuissance, l’artiste martial - être d’exception, partout maître de soi - sait tirer patiemment de sa faiblesse l’indispensable énergie du pouvoir. On ne guérit pas plus de l’ambition que de l’incontinence, voyez-vous, on s'efforce avec l'âge de maîtriser dignement ses besoins les plus pressants. Tenez, croira-t-on que le plus grand sage que j’aie connu était un vieux chat. Renonçant aux plaisirs de la chasse, ce las prédateur avait compris par la longue observation de ses proies volatiles qu’elles pouvaient lui tomber dans la gueule comme un camembert dans celle d’un renard. Posté près d’une porte généreusement vitrée, il attendait ainsi que les oiseaux s’estourbissent contre un carreau en plein vol et tombassent à ses pieds. Je pense avoir retenu sa leçon, dont La Fontaine eût à n'en pas douter fait une fable.


A ceux qui n’auraient pas compris encore, je demande d’observer ce drôle d’oiseau qu’on nomme Razibus. Il s’excite, il volète, il s'agite, court dans tous les sens, jusqu’à se prendre les pieds dans ses propres tapis, comme dans cette stupide histoire d’identité nationale. En bon Raminagrobis, je reste en retrait et ne lui vole surtout pas dans les plumes. J’attends l'œil mi-clos qu’il trébuche et les sondages, si l’on veut bien me permettre cette façon de zeugme, assez pertinente malgré son inélégance à l’oreille. Quand j’ai enfin l’assurance que les Françaises et les Français ne suivent décidément pas leur nain, je n’ai plus qu’à lui donner un coup de patte, sans trop sortir les griffes des coussinets, juste ce qu'il faut. Les micros sont tendus et il me suffit de miauler la désapprobation du sage. Que du bonheur !


De taxe professionnelle en identité nationale, mon numéro est maintenant bien rôdé ; il fait recette avec Rikiki-s’excite. Ne surtout pas en changer ! Demeurer sagement tapi à Colombey entre mes églises ! Si votre tactique marche avec cet oiseau de malheur, me demandera-t-on, pourquoi échoue-t-elle donc avec votre pie voleuse ? Soyons francs : cela demeure pour moi un enrageant mystère. Il faut dire que, fréquentant peu l’Assemblée nationale depuis quelques années, je ne croise jamais cette agaçante agasse. Et puis, me voit-on sérieusement embusqué derrière quelque carreau du palais Bourbon, remuant la queue d'énervement ? Allons, l'oiselle est bien trop maligne pour venir se taper dans une vitre, croyez-moi ! Que fait de toute façon cette étrangère au parlement, à manger sans vergogne le pain des députés de notre ville dont certains sont au chômage ? Il y a là un vrai problème d’identité municipale dont l’opinion publique gagnerait à se saisir de toute urgence !


S’il ne tenait qu’à moi, la péronnelle serait reconduite immédiatement à la frontière de la capitale, et renvoyée par le premier train à l’hôpital ! Plutôt que de parlementer sans relâche et donner son avis sur tout, la bien nommée dame de pique ne serait-elle pas plus utile en effet à vacciner mes administrés à la chaîne, contre cette grippe H1N1 dont certains peut-être, cruellement privés d’injection, vont mourir tragiquement par sa faute ? Hélas, comme je le faisais remarquer hier à quelques journalistes attentifs et bienveillants, les identités aussi parfois sont meurtrières ! J’encourage la squatteuse qui s’est fait mon siège à relire à ce sujet l'excellent Amin Maalouf, autrement plus édifiant que son misérable blogue. Je profite de cette Sainte Nuit pour rappeler chrétiennement à la grenouille du bénitier socialiste local qu’elle n’a toujours pas sa place dans ma crèche et que, moi vivant - je le jure sur la tête de Denise ! - jamais elle ne pourra se faire ici plus grosse que le bœuf !

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