"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

vendredi 19 mars 2010

La chemise rose


Déambulant hier soir dans le doux crépuscule d'une chaussée dite d’Alsace-et-Lorraine, après un lèche-vitrine gourmand devant la permanence de Roussy, me suis demandé si, une fois encore, l’Histoire n’allait pas se répéter et arracher l’une ou l’autre de ces deux malheureuses provinces à la patrie vaincue. Va-t-elle faire de l’Alsace une île  coupée de la France, cette vague rose aveugle et gloutonne qui, dimanche, a rompu les digues pour s’engouffrer dans les urnes de nos régions inondées ? En ce printemps qui devrait chanter l’espoir, allons-nous entendre monter lundi la douloureuse complainte des Alsaciens, agitant de nouveau leurs mouchoirs : "France à bientôt ! car la sainte espérance / Emplit nos cœurs en te disant : adieu, / En attendant l'heure de délivrance, / Pour l'avenir... Nous allons prier Dieu" ?  Triste et cruel adichat...

C’est la Bérézina, Waterloo ! C’est Sedan ! A quoi bon le nier ? A ce stade de la contestation, le diagnostic est simple, comme j’ai  déjà pu l’écrire ailleurs. Egaré à Matignon, hargneux et déboussolé, le moine-soldat de l’abbaye de Solesmes aura beau pérorer, battre des ailes et la campagne : la messe est dite ! Si nous perdons dimanche Strasbourg et sa province, croit-il vraiment que le gouvernement puisse se replier sur la Guyane, d’où peut-être Razibus mettrait sa campagne sur orbite en 2012, depuis la base de Kourou ? Mais, bon sang de bois, il est rompu le fil d’Ariane ! Quand Dieu se mêle de ressusciter un  policier opportunément caillassé, au risque d'exposer un Premier ministre enragé à l'insécurité fatale d’une macabre bourde, croyez-moi, c’est qu’il a retiré sa confiance au chanoine honoraire que son peuple avait élu dans la liesse en 2007 ! 

Que s’est-il passé, pourquoi et comment en sommes-nous arrivés là ? Des juges iniques comprendront-ils enfin le mal qu’ils ont fait à la France en me condamnant naguère à un infamant exil ? Puissent-ils être un jour eux-mêmes traînés devant une juridiction spéciale pour avoir, en me faisant sciemment payer pour un autre, abandonné la poudrière France à un Cesarino de foire accro des allumettes ! L’heure n’est cependant plus aujourd’hui à la vengeance, mais bien à la reprise en main. Il faut ouvrir les yeux des Françaises et des Français, abusés par un ersatz de Premier ministre aux accents de Savonarole, comme s’ils voulaient expier leur misérable péché de rikikisme. Réveille-toi, peuple de France !

Mes Chers Concitoyennes, mes Chers Concitoyens, je vous ai compris ! Ce que vous avez dit dans les urnes, en y glissant ou pas votre bulletin, doit être entendu de celui qui vous gouverne ; le voilà grâce à votre courage, quoi qu'il dise, contraint de vous écouter ! Devant le désastre que ne manquera pas d'amplifier la réplique du second tour, nonobstant les gesticulations de quelques pantins de service, le petit prince n’a d’autre choix que de remercier son lieutenant "policide" pour me confier les rênes de Matignon, en attendant que vous m’appeliez dans deux ans à la magistrature suprême. Foin des petites phrases, des invectives et des lamentations : redressons-nous enfin pour redresser la France !

Pour appuyer mon action, j’aurai dès ma nomination besoin du soutien des abstentionnistes qui, une nouvelle fois mutiques, je le comprends bien, vont continuer de bouder les urnes dominicales. Mes bras leur demeurent grand ouverts, comme à tous les électeurs de droite, sans discrimination. Je respecte leur silence et leur recueillement, que je reçois comme un signe de confiance à moi adressé. C’est mu par leur foi qu’ici déjà, à l’hôtel de ville, j’appelle les Françaises et les Français à un large rassemblement autour de ma personne. Je compte sur eux pour continuer de se taire, s’abstenir de toute critique, afin de me laisser travailler en paix à leur sauvetage. En retour, à mon habitude, je m’abstiendrai moi-même dans l'action de toute explication. Vive l’abstention mutuelle et participative !

A cet instant solennel, mes pensées et mon affection vont au sous-commandant ministre dont nous avons hier soir enterré la vie de candidat. Cette cérémonie familiale, où nous étions tous réunis pour une veillée d’âme, n’était pas sans rappeler ces mourants que l’on embrasse dans une chambre d’hôpital, en les félicitant joyeusement de leur bonne mine, après avoir déposé sur une étagère du placard la valise qui contient de quoi les habiller pour leur dernier voyage. C'est beau la vie ! Sortis de l’hôpital – je veux dire du palais des congrès –, Denise et moi avons chanté à tue-tête dans la voiture les paroles de Jean Ferrat, disparu comme l'autre : "Tout ce que j'ai failli perdre / Tout ce qui m'est redonné / Aujourd'hui me monte aux lèvres / En cette fin de journée." Comment ma pie voleuse, que j'ai connue plus futée, n’a-t-elle pas relevé que j’avais pris soin pour elle, dimanche dernier, de faire la tournée des bureaux de vote en chemise rose ? Peut-on mieux laisser éclater sa joie, madame !

Aucun commentaire: