"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

samedi 27 mars 2010

Une comédie française*


Denise m’assure que le petit nain malentendant pourrait me proposer bientôt la direction de la météorologie nationale, tant j’excelle dans mes prévisions. Au-delà de son affectueuse ironie, cette remarque n’est pas sans fondement, je le reconnais et n’exclus pas que Rikiki lui-même y pense. Voilà donc notre pauvre sous-commandant déministré, assis désormais près du radiateur au fond de l'hémicycle, à l’hôtel de région ; avant de s’installer avec difficulté sur le bassin, comme on dit dans les maisons de retraite chères à ma pie voleuse. En dépit des apparences, il ne me semble pas de si mauvais augure que Razibus ait fait de cet homme battu la victime expiatoire de son malheureux gouvernement. Un bouc, émissaire de surcroît, devrait être élu facilement en 2012, dans une circonscription qu’on dit taillée pour une chèvre ordinaire.

Entre nous, j’aimerais pouvoir partir aussi serein dans cette ville, où mes administrées et mes administrés se sont de nouveau montrés bien ingrats à mon égard le 21 mars. Il est vrai que je n’étais pas personnellement candidat et que, l’eussé-je été – à Dieu ne plaise ! –, sans doute ce résultat inquiétant eût-il été inversé, comme aux bénites municipales… Cela dit, soyons francs : j’ai mieux à faire que de reconquérir une circonscription législative aujourd’hui en jachère, improductive, désertée, dévalorisée par l’incompétence d’une détrousseuse au nom imprononçable, sans talent, charisme ni vergogne. Qu'on ne compte pas sur moi pour avancer dans les ronces, tel un moine défricheur !

Changer de circonscription ? Pourquoi pas s’il le faut, pour éviter une dame de pique confortée en 2011 par quelque nouvelle folie des électeurs aux cantonales ?... Las de la seconde division cependant, je donne clairement la priorité aux Françaises et aux Français, sans discrimination, dans leur ensemble. C’est qu’il faut conduire enfin les réformes utiles et justes qu'attend le pays, jadis entamées non sans courage, mais brutalement dissoutes avec le parlement. M’ayant vu à l’œuvre, ici comme à Matignon, mes concitoyens savent mon goût pour l’écoute, l’explication, le débat, la concertation. Mon sens inné de la diplomatie, mon souci maladif du consensus, autour de mes idées. On apprend le doigté, voyez-vous, avec une épouse digitale !

La voie est ouverte. C'est ainsi : durablement rétréci aux régionales, laisserait-on le gnome tremper deux ans dans une bassine qu’il ne serait pas assez regonflé en 2012 pour affronter la présidentielle. Le voilà carbonisé, sans risquer il est vrai de payer la taxe, honteusement passée à la trappe avec le futur intendant de Versailles. Qu’on ne croie pas cependant la partie pour moi facile, tant les candidats à la succession sortent de terre comme des pissenlits aux premiers rayons du printemps ! Outre le bandit manceau bâillonné par son petit maître jaloux, le grand barde à crinière blanche – échappé de sa boucherie chevaline ! – propose  aux Françaises sa pilule du lendemain - le 19 juin ! - pour s’engager dès le solstice dans le grand prix de l’Elysée sous leur bannière. Dois-je aussi citer pour l’anecdote un Michel Morin centriste qui se propose, lui aussi, de dépanner la France ? Mais si, souvenez-vous, cet ancien bras droit du pieux Béarnais, récompensé d’un ministère ? Cela commence à faire pas mal de monde…

Croyez-moi, tous ces candidats imbus d’eux-mêmes eussent été inspirés de venir jeudi chez nous, pour y écouter l’excellent Orsenna qui, sous mes applaudissements, fit un brillant éloge de la rareté. Quel bonheur ! Non point que je voulusse une pénurie de candidats à la future présidentielle mais, en politique comme en joaillerie, n’est précieux que ce qui est rare : puisse-t-on faire grâce aux Françaises et aux Français des diamants de pacotille, et de la sciure dans quoi brille cette pauvre verroterie ! N’a-t-on pas déjà donné dans le genre, de récente mémoire ? Oui, la rareté... J’ai été emporté par la réflexion de l’orateur, que je soupçonne de n'être pas lui-même sans admiration pour moi.

Dans l’enthousiasme de cette profonde communion, Denise m’a trouvé des accents d’ancien ministre socialiste de la culture touché par la grâce rikikiste. C’est grossir un peu le trait, Digitalia, mais je ne nie point qu’on m’ait entendu égrener un long chapelet de "formidaaaaaaaaaable !", tant j’étais subjugué, comme devant un miroir ! Suis ressorti de là les neurones excités, résolu à lancer bien vite un "réservoir de pensée", lieu où les citoyens assoiffés pussent venir s’abreuver de mes idées pour la France, comme à la source miraculeuse de Bernadette ! Pourquoi pensé-je à Jean en écrivant ces lignes ? "Que votre coeur ne se trouble point. Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi." Ainsi soit-il !
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* Une comédie française, Erik Orsenna, Points / Seuil, 1980.

3 commentaires:

Saint Luc a dit…

Tout est possible à celui qui croit.

Nicolas S. a dit…

Z'êtes bien gentil m'sieur Saint-Luc, mais c'est du plagiat ça, hein ! C'est moi qu'ai dit l'premier que tout est possible, hein ! faut pas déconner avec ça ! J'ai des droits d'hauteur, moi, que mes avocats je les paye pour que tu les respecte, hein ! Alors mon pote, dégage avant que je te nettoie ça au karcher à la lessive Saint-Marc !

Déesse K. a dit…

Welcome to the club, man !