mercredi 18 août 2010
I had a dream
Fait un bien curieux rêve la nuit dernière. Denise et moi avions quitté Hossegor au milieu de la nuit en direction de la capitale. Ce départ semblait définitif, sans que je susse bien pourquoi. Possiblement parce que, sans même que je la visse dans mon rétroviseur, j’avais conscience – subconscience, devrais-je dire – de tirer derrière moi une lourde caravane, comme s’il se fût agit de ma maison, ou de ma vie tout entière, passée et à venir. Il pleuvait légèrement, comme en témoignait le crissement réprobateur des essuie-glaces sur le pare-brise ; réglé sur France-Inter, l’autoradio diffusait par anticipation, sans que nous en fussions troublés le moins du monde, la mienne interview qui, je ne l'ignorais pas, ne devait se dérouler que ce matin par téléphone.
Le jour n’était pas encore levé que déjà nous roulions dans Paris, avec détermination mais sans connaissance de notre destination finale. Au bout d’un moment, apercevant simultanément une plaque de la rue de Varenne et un panneau de sens interdit, je compris que je me dirigeais à contresens vers l’hôtel de Matignon, dont l’entrée du 57 se trouvait bloquée par un 4x4 noir immatriculé dans les Pyrénées-Atlantiques, à quoi était aussi accrochée une énorme caravane. Dans la lumière des feux de détresse, j’en vis descendre la garde des sceaux, raide comme la justice, à qui un huissier venait d'ouvrir la portière. Quand j’actionnai mon avertisseur pour attirer son attention, elle sursauta et, avec la grâce glaciale qu’on lui connaît, me fit signe de circuler, comme si elle était toujours titulaire de la place Beauvau. Je baissai ma vitre en arrivant à sa hauteur, pour la prier aimablement de dégager le bateau pavé. "Casse-toi, casse-cou, tu es ici chez moi !", me lança-t-elle, avec cette façon irritante qu’elle a de mouiller la fin de tous ses mots, jusqu’à une embarrassante grossièreté parfois, sans doute involontaire. Chez elle ?!
"Jean, j’ai dit que tu dégages, je ne le répéterai pas !" me cracha la tigresse à la figure, alors que Denise m’encourageait du coude à ne pas me laisser faire. Jean ? Pour qui me prenait-elle, sans ses lunettes dans ce matin crépusculaire ? Je n’eus pas le temps de lui répondre, me retrouvant aussitôt transporté devant les colonnes du palais Bourbon, poussé par ma caravane, comme il arrive dans les rêves. Nous descendîmes, Denise et moi, pour nous dégourdir un peu les jambes et nous étirer dans la fraîcheur de l’aurore, les narines à l'affût d’un revigorant parfum d’expresso. Dans un halo désagréable, sur la plus haute marche, j’aperçus alors comme une apparition la frêle silhouette d’une petite femme revêche, dont l’index dénégateur s’agitait dans la bruine avec la frénésie d’un essuie-glace hostile. Je remontai bien vite dans ma voiture, en feignant de ne pas reconnaître cet oiseau de malheur en écharpe tricolore qui, avec une familiarité gouailleuse autant que déplacée, criaillait à tue-tête dans un terrible mégaphone : "Tire-toi, Jean, tu n’habites plus à cette adresse ! Va squatter ailleurs !"
Jean ? Alors que j’interrogeais Denise du regard, je pris tout à coup conscience que nous étions maintenant garés près de l’hôtel du Châtelet, rue de Grenelle. Nous descendîmes et marchâmes bras dessus bras dessous jusqu’à ses portes, grandes ouvertes et sans planton. Dans la cour, mon cœur se mit à battre quand j’aperçus une petite voiture aux armes du service de propreté de la mairie de Chantilly. Depuis le haut des marches, mon ami Eric, en tenue de jockey, jetait nonchalamment des cartons dans sa remorque, qu’il avait reculée jusqu’au perron. "Salut Jean, me dit-il, qu’est-ce qui t’amène ?" Je lui demandai gentiment s’il y avait bien une prise de courant et un point d’eau dans le parc à l’arrière, où installer durablement ma caravane à l’ombre. Sa réponse me réveilla en sursaut : "C’est pas possible ! Razibus ne t’a pas averti que comme moi, Jean, tu n’es pas du voyage ?"
- Le téléphone sonne, me dit alors Denise, en enfouissant un baillement réprobateur dans son oreiller plein de sommeil. Qui cela peut-il bien être à cette heure ? Tout de même pas Alain Bédouet ?
- Pas mal ! Elle y était presque ! Bonjour monsieur le Premier ministre ; Bruno Duvic à l'appareil. Bienvenue au 7/9 de France Inter !
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7 commentaires:
Ce Jean Duvoyage s'ennuie, non ? Ne serait-il pas le descendant du Jean Dézert de Jean de La Ville de Mirmont ? Il faut craindre pourtant que son lot de consolation ne soit même pas le ministère de l'Encouragement au Bien. En réalité, je vois son Horizon... chimérique.
La morale de cette histoire, c'est pas que vous êtes Gros-Jean comme devant ?
Vous êtes de Bordeaux, non ? Alors vous êtes évidemment Jean de la Lune, en hommage au port éponyme !
Lamentable ! C'est pas un blog ce truc, c'est un car à vannes ! Pas besoin d'une aire gazonnée, Juppé peut le benner direct à la décharge municipale !
Elle est sympa votre caravane, on dirait celle de Donald et de Daisy. Mais à propos, c'est pas vous l'ancien Mickey d'Orsay ?
Bravo monsieur Youpi. Avec une activité onirique aussi intense, vous ne pourriez pas créer un mini "rêve parti" pour que des âmes généreuses puissent vous verser des dons déductibles ?
@ Liliane
Vous êtes la veuve de Georges Marchais avec sa valise ou la vieille dame qui paie tout en liquide pour pas mouiller quand elle arrose ?
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