"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

dimanche 10 octobre 2010

Les mains jointes


 
 Remis les pendules à l’heure cette semaine dans les rangs de la majorité municipale. Il m’insupporte en effet que chacun s’y voie déjà en haut de l’affiche, ad interim, quand je n’ai lancé moi-même aucun « adichat » ! Grâce au Ciel, les adjoints ne sont plus classés dans cette ville comme jadis à la communale et, si je demeure bien le premier, qu’on se demande enfin pourquoi je n’ai plus de second, et tout le tralala ! Parce qu'il est hors de question que l’Histoire se répète à l'identique ! Non, mon prédécesseur occasionnel n'est pas mairie-sitter à vie ; il peut bien se rêver un destin de Poher, comme Hébé, ma bayrouette à deux roues, se voir pousser des ailes : j’entends demeurer seul maître à bord, quoi qu'il advienne !

Une confidence entre moi : le temps m'en fût-il donné qu'il me plairait d’écrire un jour un court traité sur la vanité et la convoitise. Pourquoi faut-il en effet que jamais l’homme ou la femme politique ne se contente de ce qui lui a été donné dans les urnes ? Pourquoi vouloir toujours se hisser plus haut, jusques aux cimes, prétentieux d’y pouvoir à soi seul disperser les nuages ? Quel affligeant spectacle pourtant que celui d’un vizir ou d’une vizirette rêvant de devenir calife à la place du calife ! Me replongeant l’autre jour dans la Découverte de l’archipel d’Elie Faure, j’y trouvai ceci que je conseille à mes adjoints de méditer : « La vanité et la crainte du ridicule sont les traits les plus saillants du caractère français. » L’auteur ajoute, non sans finesse : « C’est étrange, à coup sûr, la vanité étant neuf fois sur dix la source du ridicule. » Je rends grâce à mes maîtres, laïques et religieux, de m’avoir par leur enseignement préservé de ces deux travers.

Où diable avons-nous rangé Les Mains jointes ? Impossible d'exhumer ce précieux ouvrage de la bibliothèque hier soir. Se trouverait-t-il encore dans un carton ? C’est un vrai mystère à la Frontenac ! A la faveur du weekend, nous nous étions pourtant promis de relire ces vers de jeunesse de Mauriac, providentiellement réveillés dans notre souvenir par de très belles images pieuses de Rikiki dans les médias. Il faut dire que Denise a trouvé très touchant notre petit prince en béatitude.  Doigts croisés et paupières closes aux côté du Saint-Père, on eût dit d’un enfant de chœur du Quattrocento ! L’interdiction de la table eucharistique doit être une vraie torture pour ce chrétien avide de communion, quand bien même il aura été béni pour sa fidélité au message social de l’Église, le Pape n’ignorant ni sa détermination ni la mienne à sauver la  retraite des Françaises et des Français, au prix d'une lutte acharnée contre leurs vieux démons.

Soyons francs : cette réforme des retraites est juste et équitable, je le répète ici, en tout point fidèle à l’esprit de celle que, visionnaire, je fus moi-même naguère empêché de mettre en œuvre, au grand dam de mes infortunés compatriotes. Dès lors, à quoi servira-t-il de défiler mardi encore derrière des calicots aux slogans aussi usés qu'irresponsables, en multipliant sans vergogne le nombre des promeneurs, tel Jésus avec des pains ?  Pauvre miracle ! Combien les manifestantes et les manifestants croient-ils qu’ils seront vraiment après-demain en arrivant au port ? Une minorité en vérité, je vous le dis, déterminée à s’imposer encore une fois contre la volonté du peuple souverain, exprimée par sa représentation nationale !

Qu'on me pardonne une dernière citation.  « Ce n’est pas dans je ne sais quelle retraite que nous nous découvrirons : c’est sur la route, dans la ville, au milieu de la foule, chose parmi les choses, homme parmi les hommes. » Autrement dit au travail, seule source d’épanouissement pour Sapiens Sapiens ! Non, ces lignes ne sont pas de Razibus, ni même de moi, mais de Jean-Paul Sartre, soldat de la cause du peuple devant l’Éternel ! Alors admettons-le avec lui, une bonne fois pour toutes : la retraite n’est tout simplement pas existentielle. En prenant acte pour ma part, je suis donc prêt à servir la France, ici – c’est à Paris que j’écris ces lignes, faut-il le préciser ? – et maintenant, et bien au-delà de la joyeuse septantaine ! Le président de la République ne l’ignore pas, je le sais. Je ne convoite rien, il en est informé.  Fût-il néanmoins confronté demain à la vacance inopinée d’un portefeuille régalien, je puis être appelé à tout moment, même la nuit au débotté. S'il n'a pas une nouvelle fois égaré le numéro de mon iPhone.

Mon Dieu, quelle est-elle cependant, cette voix intérieure qui me souffle avec insistance que rien ne va plus, que déjà Les jeux sont faits ? Qu'elle se taise, car peut-être il est temps encore de prier !

3 commentaires:

Marcheur de rue a dit…

Dis donc Youpi, c'est quand que t'organises une méga contre-manif de la majorité qui soutient la réforme juste de Razibus ? Avec la voiture des 57 balais de ta retraite en queue de cortège !

Pigeon voyageur a dit…

Monsieur Youpi,

Absent de France lors de l'attribution du prix Nobel de la paix à M. Liu Xiaobo, je n'ai pas pu prendre connaissance de votre manifestation d'enthousiasme. Pouvez-vous m'indiquer où je peux trouver votre communiqué s'il vous plaît ? Avez-vous félicité vos amis chinois ?

Pickpocket a dit…

Eh bé, z'avez vu Razibus hier, à ce qu'il paraît. Est-ce que vous avez réussi à lui tirer le portefeuille ?