"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

dimanche 17 octobre 2010

L'Arlésienne


Personnage fantasque, Razibus ne manque jamais de me surprendre. Dans l’avion présidentiel qui nous transportait jeudi vers ma ville d’élection, je profitai de notre intimité aérienne pour l’alerter sur quelques affaires du monde. Le nez collé au hublot, il m’interrompit immédiatement d’un geste las et, sans même se retourner, me lança cette interrogation étonnante : « Comment tu trouves Brigitte Bardot ? » Doutant qu’il convoitât les vestiges d’une Marianne que le Général fit jadis mouler pour la France, je tentai une blague  à la réflexion un peu plate : « Nous survolons Limoges, tu sais, pas Saint-Tropez ! »

Il ne répondit pas, ni ne se retourna. J'interrogeai un conseiller du regard en attendant que Razibus consentît à sortir du silence impénétrable des nuages ; on me chuchota à l'oreille qu'allait bientôt être annoncée  la candidature de la vieille icône de La Madrague à la présidence de la République, sous label écologique ! Une concurrente redoutable qui fait toujours saliver dans les maisons de vieux, quand Alzheimer n’a pas jeté son voile pudique sur le souvenir de ses rondeurs !  Alors que j’échafaudais déjà une stratégie pour dissuader une Babette défraîchie de s’en aller t’en guerre, et l'attirer vers ma candidature durable, je pris conscience que, toujours absorbé par le spectacle du ciel, Rikiki fredonnait ostensiblement a cappella une chanson qu’on eût dit de sa composition, tant les paroles avaient la fraîcheur de son style :  « Tu veux ou tu veux pas / Tu veux c'est bien / Si tu veux pas tant pis / Si tu veux pas / J'en f'rai pas une maladie ». Et puis, après une toux feinte et ce qui me sembla un ricanement : «Tu veux ou tu veux pas ? hein ! / Quoi ? Ah ! tu dis oui / Ah ! a a a a a a a / Et ben moi j'veux plus ! / Ouh ! la la ».

Il se tourna alors vers moi et me dit avec un clin d’œil : « Alors comme ça, tu kiffes les Marocains, toi ? » Heureux d’être interrogé sur les relations de la France avec Mohammed VI, je saisis l’occasion de lui présenter en trois points mes ambitions diplomatiques pour le Royaume alaouite. Sans chercher à dissimuler un bâillement généreux, ni feindre un quelconque intérêt pour mon propos, il attrapa Libé sur la table, qu’il ouvrit à la page d’un article à moi consacré, pointant du doigt l’homonymie du titre à l’origine de ma méprise : « La tentation du Maroquin ». Ha ! Ha ! Ha ! Il était donc encore question d’un portefeuille…

Soyons francs : prétendre que je n’y pense jamais serait exagéré. Comment dire ? J’y pense… épisodiquement. Et le reste du temps, ma foi, je songe à la présidentielle. Voilà plus de trois ans que j’ai été brutalement arraché à la France, pour prix des exactions d’une dame de pique se prenant pour Pallas – une pie voleuse pas chouette du tout en réalité ! Alors oui,  il est venu le temps de la restauration. Non point de la sustentation de Denise, prétendument affamée de capitale si l'on en croit la presse, ni non plus d’une quelconque soif de pouvoir, qui serait bien ridicule. Plus simplement, l’Histoire nous apprend qu’à chaque période gravissime la France a su rappeler à elle un homme ou une femme d’exception. Cette espèce rare vit en général discrètement retirée au fond d’une province, où elle se prépare dans l'humilité au sublime sacrifice. Ainsi donc, grâce à moi, notre bonne ville pourra-t-elle demain s’enorgueillir de rejoindre Domrémy et Colombey, au panthéon des lieux qui ont sauvé la France !

Cette parenthèse me ramène au maitre chanteur du vol présidentiel. Même s’il enfourche volontiers la Nation comme une Harley-Davidson, notre petit Tom n’ignore pas qu'il a besoin de ma personne ! C’est pourquoi, taquin, il me tire de son chapeau chaque semaine un ministère différent, à tel point que Denise m’a trouvé un surnom l’autre jour, après que je me fis injustement flasher sur une route landaise où j’arrivais sans me presser : Zorro de conduite ! Chère Nisa, jamais je ne remercierai assez Dieu d’avoir créé la femme digitale ! Au diable mes points !

Alors que COTAM 0001 terminait sa descente, Razibus me balança, désarmant de gouaille en bricolant sa ceinture : « Et dis don’, ça t’dirait de quitter le banc de touche pour jouer en Défense ? T’as jamais été très d’attaque au fond, hein, même quand tu m’en mets plein la tronche ! » Ô temps d’un nouveau rêve ! Ô châteaux en Espagne ! La Vérité est peut-être au 14 de la rue Saint-Dominique. Serai-je donc, après ce falot Hervé, le Michel Morin de Razibus aux Armées, ou bien une fois encore l’Arlésienne, tel le Daudet de la fable ? Allons, Denise m’a promis de passer demain dans une boutique de surplus américains, porte d'Italie, pour m’y dégoter une tenue de camouflage !

4 commentaires:

Genevois a dit…

En fait, vous êtes un vrai couteau suisse dans ce futur gouvernement, non ?

M. Deville a dit…

Président de la République, vous feriez un beau tandem avec BB Premier ministre, dans un remake de "L'ours et la poupée", quarante-deux ans plus tard ! Évitez tout de même d'attendre 2017 si c'est possible.

William a dit…

La tenue de camouflage ou un nouveau camouflet ? That is the question.

BB (Bien Baveuse) a dit…

A voir les photos de votre blogue, je me demande si vous pouvez prendre la Défense, monsieur Youpi ! Nos soldats ont besoin d'un homme à leur tête, un vrai, ils pourraient craindre avec vous l'hommelette !