"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

jeudi 19 janvier 2012

Maison close

Alors qu’elle me servait du thé dans l’intimité de sa jolie maison de Rangoun, confié l’autre jour à mon amie Aung San Suu Kyi mon goût de collectionneur pour les proverbes du monde. Elle m’en a aussitôt offert un de son pays, comme pour l’accrocher à son tour à ma boutonnière : « Tu peux retirer ta jambe, pas la parole qui t’engage ». L’ai resservi au retour à Denise, dont le mollet vagabond semblait squatter mon côté du lit, complice indélicat du décalage horaire pour perturber le repos du globe-trotteur. Sans succès, preuve qu’il arrive à la jambe de l'homme d’être moins prompte au retrait que sa parole ! On raconte que qui perd un membre continue d’en ressentir l'extrémité ; ce n’est pas le cas des engagements pris, qui finissent bien souvent aux oubliettes de la mémoire. Sans démangeaison aucune, j'en porte témoignage. Grâce au ciel, comme l’affirment les Bantous, on court plus vite avec une promesse oubliée que privé d'une jambe ! Les proverbes birmans sont décidément à prendre avec des pincettes...

Ce qui n’était pas le cas ces derniers jours de notre grand Razibus, plutôt nerveux et mal aimable. Une fois n’est pas coutume, j’avoue que ses propos cinglants au journaliste d’une agence de presse à Madrid m’ont profondément choqué. On le sait en effet, je considère qu’en toute circonstance l’homme politique doit mettre un point d’honneur à demeurer avenant, courtois, souriant, à ne jamais laisser percer le mépris, l’agacement ou la haine. Si, grâce à Dieu, on ne m’a jamais vu déroger à ce principe fondamental, je n’en conviens pas moins qu’il était inconvenant qu’un journaliste titillât, par son impertinence, la cicatrice encore vive d'un A dont Rikiki venait d’être amputé, sans anesthésie, par les petits profs de Standard & Poor’s. Pour apaiser la souffrance de notre Tintin national, le bon roi d’Espagne a heureusement pu lui remettre aussitôt l’insigne de l’ordre de la Toison d’or, ersatz de Légion d’honneur chez nos voisins ibères.

A ce propos, reçu ce matin un texto du président dont je suis la doublure pour la présidentielle. Je le livre au lecteur et à la lectrice, dans toute sa fraîcheur originelle : « JC y m’a promis une médaille o si pour toi qd tu sras Pm. On sé marré ! Youpi avec une toison dor? quel a dit Carla, G du mal à limaginer en fauss blonde avec sa pie ! » Je précise que JC n’est assurément pas Notre Seigneur, mais bien Sa Majesté Juan-Carlos, roi d’Espagne, descendant en ligne directe de Louis le Grand. Bien inoffensif, cet humour puéril est au moins la preuve que notre petit homme va mieux, sans doute requinqué par le succès de son sommet social, qui promet de bousculer les sondages. Cela vaut bien une perruque sans doute, n'en faisons pas un fromage !

Je ne voudrais pas terminer sans évoquer ma bonne ville, qu’on m’accuse ici ou là de négliger dans des billets trop parisiens. Soyons francs : après la maison du vélo, je ne suis pas peu fier du triomphe de notre belle maison écocitoyenne, dont la réputation a déjà dépassé nos frontières, et suscité bien sûr des jalousies mais aussi des vocations ! On m'apprend ainsi que, grâce à l’imagination généreuse de mes administrées et de mes administrés, ce concept génial va se décliner samedi dans nos murs avec l’ouverture d’une « maison de l’identité », dont il faudra que je touche un mot à mon collègue de l’intérieur. Je subodore qu’on montrera dans cette « Échoppe »
tel est son nom les identités remarquables de notre métropole, toute la richesse de sa diversité ! Qu’il me soit donc permis de dénoncer ici les habituels grincheux qui, repliés sur eux-mêmes, ont prévu de manifester hargneusement le même jour contre cette ouverture de bon éloi – je veux dire de bon aloi ! Eh bien qu'ils boudent, qu'ils grognent, qu'ils fassent bloc, qu'ils protestent dans leur coin ! Tous les enfants prodigues finissent par rentrer un jour à la maison. Fût-elle close.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Dites donc, m'sieur Youpi, on risque pas de s'échopper des maladies honteuses dans votre maison close, là ? Genre xénorragie ou islamite...

alphonse a dit…

...difficile en tout cas d'aller expliquer ça aux afghans...

Mais, à part les tués, il y a deux sortes de volontaires-désignés là-bas:
- ceux qui reviennent et dont les mères ne comprennent pas qu'ils sont irrémédiablement tristes
- et ceux qui vont devoir revenir terriblement frustrés de ne pas "en" avoir cassés plus...

Grande tradition, pour ne remonter qu'au siècle dernier, des armées qui ne sentent plus assez sécurisées...