"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

lundi 5 mars 2012

Mes foires aux plaisirs


Comme le boire et le manger, le plaisir fait partie de ces migrants ayant réussi à passer clandestinement la frontière qui, réputée hermétique, sépare dans notre belle langue le pays des verbes de celui des noms communs. Contrairement aux deux autres cependant, qui demeurent le cul entre deux chaises, plaisir s’est si bien intégré qu’il a réussi à faire oublier ses origines « étrangères » et sa transgression. A tel point qu’on peut l’exhiber aujourd’hui en toute impunité sans risquer de le faire verbaliser par la police. Ajoutons qu’il est même plébiscité dans les assiettes de nos cantines scolaires, sans inquiéter le moins du monde la fourchette de mon vigilant collègue de l’Intérieur.

On aura bien sûr compris que je veux évoquer ici les deux foires aux plaisirs que j’ai eu la joie d’inaugurer samedi, dans ma bonne ville où le président Razibus m’a chaleureusement accueilli avec mes ciseaux et mon ruban. La première dans une odeur de friture et de barbe à papa, entre un stand de tir à la carabine et un autre d’où s’échappaient de curieux cris d’épouvante. La seconde au palais des expositions où, devant une foule en liesse agitant des calicots, j’étais chargé de bénir notre bien-aimé Razibus en rase campagne, assisté de jeunes pop dont les chants liturgiques s’élevaient avec mes vapeurs d’encens vers notre chère idole.

Alors que je somnolais hier soir sur le canapé devant l’irritant invité de l’émission C Politique, ces deux immenses plaisirs se sont délicieusement mêlés dans la confusion d’un rêve semi-éveillé. Écartelé sur la grande roue de la fête foraine, j’entendais Razibus exiger dans les haut-parleurs, d’une voix péremptoire et nasillarde, une loi interdisant d’interrompre le supplice des condamnés avant qu’on n’ait brisé deux-tiers de leurs membres. Enthousiasmé par sa proposition, je lui criai que les trois-quarts seraient plus logiques encore, l’homme non civilisé étant après tout un animal à quatre pattes comme les autres. Il ne me répondit pas ; déchaîné avec quelques CRS, il était déjà occupé à renverser un stand de sandwichs au jambon de Bayonne, en hurlant « L’ETA, c’est moi ! ». Un « A table ! » non négociable de Denise mit sèchement fin à ce doux désordre onirique.

Soyons francs : plaisir m’est aussi l’amical bizutage que nos frères européens infligent en ce moment au malheureux candidat socialiste à la présidentielle ! Si toutefois l’opération de Rikiki ne foire pas comme tant d’autres… Fin connaisseur de l’âme humaine, je n’ignore pas en effet qu’Angela saurait faire Allemande honorable si, en dépit des sondages, le saigneur des plus riches travailleurs de ce pays venait à décrocher la timbale élyséenne – Dieu, les Françaises et les Français nous en préservent ! Ressaisissons-nous que diable ! Pourquoi offririons-nous à un fat falot le plaisir suprême de la magistrature ! Entre nous, ce qu’il m’inspire – contre quoi toute ma vie est un combat ! –, tient dans le titre d’un beau roman de William Thackeray : La foire aux vanités ! Je refuse que, moi parti, la France du Général soit condamnée à n’être plus demain dans le concert des nations qu’un Roman sans héros !

1 commentaire:

alphonse a dit…

Allons, excellentissime entrechat!

Un bon mouvement..!

Votre Agasse se languit d'un tour de chevaux de frise à la Foire au Idées carnavalesques de la Présidentielle...

Même la journée des femmes ou la sienne ne lui sied ne lui chaut...

Le corbeau, lui, n'y tenant plus...se serait bien replié anticipativement sur cette ligne Magin.....des Vanités, à défaut de vahinés.
"L'aristocratie a trois âges successifs : l'âge des supériorités, l'âge des privilèges et l'âge des vanités. Sortie du
premier, elle dégénère dans le second et s'éteint dans le dernier ".(Chateaubriand, rejoignant en ceci, la définition de la voix, voir ici plus bas)