"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

vendredi 19 septembre 2008

Sainte Victoire


Ne soyons pas chauvins : réjouissons-nous, en Européens convaincus que nous sommes, de la claire victoire de Liverpool sur Marseille mardi dernier, lors de la première journée de la Ligue des champions : 2 à 1, il n’y a pas photo! Bravo les Anglais, anciens ducs d’Aquitaine! Votre victoire est un peu aussi la nôtre.


Comme on l’ignore peut-être, Liverpool est incidemment capitale européenne 2008 de la culture, ce qui n’a rien à voir. On peut néanmoins s’interroger sur la logique du jury européen, qui donne le titre tantôt aux vainqueurs et tantôt aux vaincus. Les Européens sont en droit d’attendre rigueur, constance et discernement de ces experts prétendus de haut rang, plutôt que fumisterie, dilettantisme et versatilité.


Je partage l’inquiétude de mes administrés sur la légitimité culturelle d’une ville sale et chamarrée qui, paradoxalement, s’est fait un nom dans l’industrie du savon, et dont le maire a vaguement l’âge, le profil et le nom d’un vieux poêle à bois. Le meilleur metteur en scène de La Criée aura du mal à faire passer Marius et Olive pour des héros cornéliens, croyez-moi ! On me permettra de prétendre qu’il y aurait eu plus de classe et de dignité, assurément, dans une prestigieuse appellation contrôlée que dans un théâtre national dont le nom sent un peu trop son hareng.


Oui, je réaffirme ici que nous avions le meilleur projet, comme je l’ai répété à chaque habitant de cette ville au téléphone, pour qu’il aille spontanément en témoigner avec ses concitoyens à l'hôtel de ville. Que s’est-il passé pour que telle évidence échappe à l'aréopage européen ? Aura-t-on pensé en haut lieu, comme on le susurre ici, qu’il suffit à notre cité mondiale d’être déjà capitale européenne de la viticulture ? Nicolas XVI m’a tout simplement trahi avec le bouffon de la Canebière, pour attirer les projecteurs sur le vieux port de son Union pour la Méditerranée ! J’exige aujourd’hui des comptes, tant je me sens grugé entre Santé navale, perdue pour consoler Lyon de sa défaite capitale annoncée, et cette grotesque pagnolade qui déshonore la France, l’Europe et le monde.


Denise a attiré hier mon attention sur les messages de sympathie de mes adversaires politiques locaux, à l’unisson dans leur chagrin. Ma pie voleuse de la deuxième circonscription est elle-même grave et solennelle sur son blogue : « Chaque Bordelais éprouve ce soir une grande déception », écrit-elle à la date du 16 septembre, avec les accents de Pompidou annonçant à la France son veuvage, au lendemain de la mort du général. La dame de pique de l'hémicycle poussera-t-elle du coude à mes côté sous une voilette noire, lors de la prochaine cérémonie municipale, pour donner à l’événement une pompe de funérailles nationales ?


Croit-on sérieusement, en se réjouissant sous les masques tristes de ce cuisant échec, que je préparais 2013 comme un tremplin pour la prochaine municipale, en 2014 ! Mesure-t-on au contraire le soulagement, sous ma verte rage, à la perspective de ne pas avoir à confier à ma pauvre troupe communale d’amateurs, en mai 2012, les clés de 2013, quand les Français m’auront libéré de cette ville en me confiant leur destin national ? Alors oui, l’Europe ébahie regardera tous les soirs « Plus belle la vie » à la télé, mais à moi on jouera enfin La Marseillaise à l'Elysée.

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