"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

samedi 27 septembre 2008

L'ivresse


César acclamé au sénat par le parti qui me doit le jour ! J’ignore s’il a prononcé, avant ces applaudisse-ments, une phrase lapidaire à la manière de Jules annonçant sa victoire sur Pharnace : «Veni, vidi, vici», mais on me le paiera. Cela dit, je ne suis ni Pharnace ni Brutus, et le vrai César n’a jamais été sénateur : il avait mieux à faire pour Rome et pour le monde. Ce félon croit peut-être avoir été accueilli au palais du Luxembourg comme un tsar ; il ne l’a été que comme une star. Les étoiles croient briller encore que déjà elles sont éteintes, mon malheureux légionnaire en sait quelque chose. Je n’ignore pas cependant m’agiter pour des créatures qui tiennent davantage du «Micro» que du «mégas» : elles paraissent bien petites vues de Sirius…


J’en arrive à Voltaire, on l’aura deviné, qui aurait écrit quelque part cette vérité incontestable : « Je ne connais de sérieux ici-bas que la culture de la vigne ». Mes détracteurs culturels se réjouiront, je l’espère, de me voir fréquenter les Lumières dans ma prétendue nuit. Au risque de les provoquer, je suis disposé à faire de telle assertion la devise d’une cité dont le nom est, à lui seul, un symbole culturel de renommée mondiale. A tel point que je viens d’écrire au Premier ministre pour l’alerter sur la législation en matière de publicité pour les boissons alcoolisées. Il n’est pas en effet tolérable que, avec le nom que nous portons comme une prestigieuse étiquette, la loi de ce pays continue de nous interdire la publicité sur Internet, au prétexte que nous serions alcoolisés ! C’est une entrave déloyale que je suis prêt à porter s’il le faut devant l’UNESCO, au nom du vin qui est bien plus constitutif de notre patrimoine que deux ponts métalliques qui l’un comme l’autre, pour tout dire, commencent à me pomper !


A ceux qui m’accuseront de vouloir pousser notre jeunesse à l’alcoolisme, je réponds par avance que l’ivresse du vin vaut bien, d’un point de vue culturel, celle de sa musique, dont je confirme qu’elle me soûle, comme la majorité de mes administrés. Le vin a au moins sur elle l’avantage de ne pas arracher les oreilles ! Et puis autant que, sur les marches du miroir d’eau, les employés municipaux ramassent tous les matins des tessons de bouteilles de nos châteaux, plutôt que de bières étrangères, de whisky ou de vodka ! Ce sera meilleur pour notre économie. Sait-on bien, à ce propos, que le sénat a repoussé en juillet un amendement favorable à la publicité pour l’alcool sur Internet ? Ave César !


Cet attachement viscéral à la culture locale ne me détourne pas, qu’on se rassure, de ce qui se passe en France et dans le monde. Personne n’a remarqué, me semble-t-il, la symbolique du lieu choisi par Nicolas XVI pour son homélie sur les turpitudes du capitalisme financier. Il n’est pas besoin d’être lacanien pour comprendre que, choisir Toulon pour parler à la France, c’est signifier que sa politique est en rade plutôt qu'au zénith. Personnellement, je soutiens d’autant plus le président de la République que je le sens patiner dans le vide : il prétend, magicien, faire endosser à un crack mondial providentiel l’échec d’une politique française dénuée, depuis un an et demi, d’intelligence et de vision. Je ne doute pas qu’il soit lui-même emporté par le tsunami sur quoi il tente de surfer, et que les Français s’en remettent enfin au seul homme d'État capable de les sortir de leur marasme. Ils ont montré leur discernement voilà cinquante ans déjà, en rappelant leur grand homme aux affaires.


J'ai appris de lui qu'il faut savoir attendre une époque et des événements à sa mesure. Denise, à qui rien n’échappe, m’assure avec un sourire malicieux m'avoir entendu l'appeler hier Yvonne. S'il faut au XXIe siècle son général, mes bottes sont cirées.

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