"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

samedi 3 avril 2010

Le pied !


Allé jeudi à confesse, prélude rituel au saint week-end pascal. Ai senti notre cardinal un peu sourd se roidir d’effroi sous sa soutane quand, repentant, je me suis maladroitement accusé du péché de podophilie. Soulagé, il m’a donné son absolution de bonne grâce après que, penaud, je me fus excusé d'avoir usé de ce néologisme freudien, pour signifier sans vulgarité que j'avais particulièrement pris mon pied cette semaine. "Mon fils, me dit-il, croyez-vous que Dieu – qu’Il me garde de reprendre votre vilain mot, d'une sonorité bien superflue en ces temps délicats ! – ne "prendrait pas Lui-même son pied" à votre instar, si  la presse parlait enfin de Lui avec les mots d’Espoir dont elle vous gratifie pour votre gloire ?" En s’essuyant le front de son mouchoir parfaitement plié, le bon prélat ajouta des paroles qui me firent chaud au coeur : "Sans un gémissement, mon fils, vous avez porté votre croix, supporté la flagellation, accepté votre couronne d’épines, sucé jusqu’à la mère le vinaigre ; qui oserait vous dénier aujourd’hui le droit à la résurrection, dans une joie que ne sauraient contrarier le prêtre ni le podologue ? Béni soit votre pied, éclatez-vous dans la paix du Seigneur !" 

Sorti du confessionnal sans pénitence, me suis agenouillé par gratitude, pour bredouiller un acte de contrition entre deux signes de croix, comme on laisse un pourboire. Dieu est amour, croyez-moi, et il est juste aussi puisqu’il a fait Razibus ridicule et périssable, et enfin mis son lit en cathédrale ! J’entends encore les commentateurs de tous poils et obédiences qui, à son sacre en 2007, nous claironnaient qu’il tiendrait deux quinquennats ou plus ! Je me demande combien d’entre eux sont morts depuis pour n’avoir pas pris soin de vérifier la date de péremption de vieilles escalopes de dinde achetées un jour en promotion, et retrouvées par hasard dans leur frigo un soir fatal d’ivresse ou de fringale… Soyons francs : on nous a fait passer Rikiki pour un produit frais alors qu’il traînait depuis des années en rayon, ignoré des têtes de gondole comme dit Denise !

Il aura fallu trois ans aux Françaises et aux Français pour commencer de vomir après cet empoisonnement ! Trois années pendant quoi, indifférents, ils m’ont laissé vieillir tel un grand cru, oublié dans la fraîcheur sombre et humide d’un ancien palais épiscopal, reconverti en chai municipal d’appellation contrôlée. N’est-ce point Cicéron qui a écrit que les hommes sont comme les vins, parce qu’avec le temps les bons s’améliorent et les mauvais s’aigrissent ? (mon Cicéron est loin, je le cite de mémoire...) Voilà donc le petit vin de l’Elysée déjà tourné en vinaigre : c’est bien la moindre des choses après toutes ces salades avalées trois ans durant sans vinaigrette ! Grâce au Ciel, mes concitoyennes et mes concitoyens ont aujourd’hui un grand vin de garde vers quoi se tourner ; depuis une semaine, je les vois tous venir à moi, qui me tendent les bras en brandissant joyeusement des tire-bouchons !

Bien sûr, j’entends déjà Margot, ma pie voleuse, m’accuser d’avoir sur les marchés vendu moi-même à la sauvette les salades de Rikiki-dégringole, quand il était encore à son zénith dans les sondages ! Croit-on que j'eusse le choix à l'époque, que je pusse m'affranchir sans me mettre en péril ? Voulait-on que je partisse à Londres ? Oui, j’ai été ministre d’Etat du petit Saladin, mais seulement pour qu’au moins les Françaises et les Français mangeassent encore des laitues bio, romaines ou frisées, fraîches, sans pesticides ni OGM ! Va-t-on pour ce crime me tondre à la Libération ? Ayant moi-même été un cerf avant que d’être un orignal, voyez-vous, j’ai appris de l’Histoire, à mes dépens, qu’elle n’est que l'ennuyeux récit d’une suite de chasses à courre à travers les âges. Croyez-moi, elle se souviendra que j’étais là pour sauver la France à l’heure de la curée, et cela seul importe ! A quoi m’eût-il servi de me mettre en travers de la meute ? Cesarino a-t-il un reste d'honneur à sauver des chiens, comme eût dit l’un de ses plus illustres prédécesseurs, qui m’aimait bien ?

Ma muse digitale, qui connaît ses Écritures autant qu’elle apprécie la mienne, remarque qu’à ce train-là je n’aurais pas levé le petit doigt pour sauver Jésus de la croix, me fussé-je trouvé sur son passage. Mais qui l’a levé à l’époque, Denise ? Qui ? Pierre n’a-t-il pas renié le Seigneur trois fois à la grille du Coq, au matin du sacrifice ? Au nom de quoi prétendrais-je agir sur ce qui est écrit et doit s’accomplir ? Rikiki est mort, même s’il court encore comme ces canards décollés par ma grand-mère, dans une cour de ferme landaise. La belle affaire ! En vérité, je vous le dis, il ressuscitera  au lendemain de l’élection présidentielle, un lundi tel le christ et, comme il est écrit, personne ne le reconnaîtra. Quoi de plus normal, puisqu’il sera devenu moi ! Alors je dirai aux Françaises et aux Français : "En route ! Allez vers le monde entier proclamer la bonne nouvelle à tous les hommes*." Youpi est ressuscité !
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* Évangile de Marc, 16,15.

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