"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

mercredi 8 septembre 2010

Le Quotidien du Peuple


« Il est plus difficile de déplacer un fleuve que de changer de caractère », dit un proverbe chinois que me citait hier, plus pédant que malicieux, un vague universitaire de ma suite dans l’Empire du Milieu. Ce proverbe est au fond moins idiot que son ânonneur ; passés maîtres dans l'art de déplacer les fleuves, les Chinois m’eussent-ils en effet inspiré que j’eusse sans doute évité de tourmenter l'UNESCO avec mon pont du Soleil levant. Quant au caractère, ma foi, je ne vois pas pourquoi diable j’en changerais ! Ne suis-je pas d’humeur égale en toute circonstance, quoi que prétende une dame de pique qui, soi-disant cynophile, n'a seulement jamais mis les pieds en Chine ?

A ce propos,  nul n’ignore ici le caractère officiel de ma visite, en prélude au portefeuille qui va m’échoir : j’y suis reçu avec les honneurs et l’attention dus à un grand homme d’Etat. Soyons francs : ce n’est que justice, et il est bien naturel que je partage en direct avec les fidèles lecteurs de ce blogue le plaisir que j’en ressens, la distance et le temps se trouvant virtuellement abolis par notre merveilleuse civilisation digitale. Que la France paraît loin pourtant dans ce pays gigantesque dont j’ai salué hier le développement économique, social, démocratique et durable auprès de mon ami Wu Bangguo, président du comité permanent de l’assemblée populaire nationale – Ah ! Délicieuse terminologie de jouvence,  qui me renvoie avec nostalgie à mai 68 ! 

Oui, la France est loin, mais elle est surtout petite nonobstant sa grandeur, me disais-je en entendant que près de trois millions de Françaises et de Français avaient inutilement battu le pavé pour exiger l’awoerthement de notre réforme des retraites, si juste et équilibrée ! Entre nous, que sont trois millions de nos concitoyens face à 1,3 milliards de Chinois, même si Denise prétend que, recensée par nos agents des renseignements généraux, la population chinoise ne dépasserait sans doute pas quelques centaines de millions d’habitants ? « Une goutte d’eau de revendications insensées dans un océan de sagesse orientale », remarque fort justement mon homologue et ami Yang Jiechy, ministre des affaires étrangères et numéro quatre de la démocratie chinoise, fort honoré de ma visite. Il a raison : dépourvu d’opposition, ce pays ne perd pas son temps en défilés stériles ; c’est que les travailleurs chinois préfèrent l’augmentation de leur taux de croissance au confort aléatoire d’une hypothétique retraite. Riche et franche discussion au sommet. Qu’il est bon d’être enfin de nouveau un grand de ce monde ! Croyez-moi, ceux qui me donnaient pour mort doivent commencer à rire jaune !

Si la France est loin, m’arrive tout de même aux oreilles l’écho agaçant de chinoiseries assassines dans nos rangs, comme si tout à coup la dengue des socialistes s’était abattue sur notre camp. Hélas ! « Quand les cuisiniers se battent, nous enseigne un proverbe d’ici, tout refroidit ou se brûle. » Me dis que les pensées de Mao n’étaient peut-être au fond que des proverbes chinois, à leur manière. Au trente-sixième dessous, Rikiki serait bien inspiré de commander à son nègre une façon de petit livre rouge pour 2012. A propos de rouge, nous ne perdons pas notre temps ici, croyez-moi, tant les Chinois sont amateurs de nos vins d’exception. A ceux qui m’accuseront d’avoir siphonné cent mille euros du budget municipal pour un déplacement de pharaon avec sa cour, je répondrai que c’est peanuts, ou plutôt cacahouètes pour ne pas heurter mes amis québécois, toujours nombreux à me lire. Pensez que nous avons ici un marché potentiel d’au moins trois cents millions de Chinois ! Ce qui signifie que nous n’avons dépensé au maximum pour chacun d’eux que 0,33 millièmes d’euro, si j’ai bien calculé : qui dit mieux ? 

Une anecdote. Lors de la visite de l’exposition universelle de Shanghai, l’aimable guide qui nous conduisait vers le pavillon français nous a indiqué que nous entrions dans l’espace « faux-cul ». Chantal s’est braquée, qui se trouvait à mes côtés prête à donner de la croupe à son accoutumée, avec la grâce d’une garde du corps est-allemande d’avant la chute. Interpellée par nos froncements de sourcils interrogateurs, l’aimable accompagnatrice s’est aussitôt reprise pour ajouter : « Pardon, faut-il prononcer le s de focus ? »  Là-dessus, Ladsous m’a glissé à l’oreille que le superbe pavillon français qui honore notre ville, dont le coût devait s’élever à cinquante millions d’euros, avait au final été construit pour 37,5 seulement. N’ai pu m’empêcher de calculer mentalement que, sur ce coup-là, Rikiki avait fait sans s’en vanter une économie de 12,5 millions d’euros. Quand je serai de retour au Quai, qu'il crache au bassinet plutôt que de chinoiser sur le bouclage de mon grand stade !  

P.S. « Qui a soif rêve qu’il boit », me braille Denise en agitant méchamment un petit livre derrière mon écran, dans ce qui semble figurer une imitation de l’horrible Jiang Qing. Voudrait-elle donc jouer avec Moa ?

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