"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

vendredi 17 septembre 2010

Le Chant du Départ

Soyons francs mais discrets : le petit Hun qui fait ces jours-ci les grandes unes du monde se lâche un peu trop. Qu’un homme soucieux de se hausser sur des talonnettes descende aussi volontiers de son piédestal demeure pour moi un vrai mystère ! Faut-il qu’il soit diplomatiquement mal conseillé pour causer de la sorte comme une harengère ! Je lui reconnais d’immenses qualités, on le sait, mais le temps est venu de le brider un peu pour les mettre en valeur, plutôt que de le soutenir dans une trivialité propre à faire rougir un corps de garde.

En ma qualité de membre du futur gouvernement, j’ai reçu de l’Elysée par courriel les éléments de langage à marteler en réponse aux propos de la commissaire européenne à la justice. C’est donc bien volontiers que, m’en eût-on donné l’occasion, j'aurais qualifié avec obéissance ces mots malheureux de scandaleux, d’injurieux, d’inadmissibles, d’outrageants, de diffamatoires, mais aucun micro n’a grâce au Ciel été tendu vers moi. Cela dit, pourquoi diantre s’adresser à une dame du Luxembourg imposerait-il qu’on empruntât au langage indélicat des Grosses Têtes sur RTL ! 

Croyez-moi, ma pie voleuse sait que le mépris que vous inspire une femme est mieux servi par l’ostentation du silence et de la cécité. J’ai donc personnellement conseillé un mutisme aveugle à notre grand Rikiki dans les sommets de Bruxelles, et même proposé les services du popotin de ma commère pour tenir à distance l’outrecuidante protectrice du peuple rom, grande du Duché sédentarisée depuis onze ans à la Commission européenne. En lieu de quoi le petit Astérix a préféré en découdre avec les Romains de Bruxelles, sans même se rendre compte que sa potion magique n’est plus qu’une aigre soupe au lait ! On susurre que cela aurait bardé pour lui, bien qu’il ne fût pas accompagné de son barde en jupons.

Mais venons-en à l’essentiel. De circulaires en gesticulations, Razibus a réussi à faire passer inaperçu cette semaine un remarquable sondage qui me redonne espoir pour la course à l’Elysée. En effet, pas moins de 7% de Françaises et de Français me considèrent aujourd’hui comme le meilleur candidat à la magistrature suprême. Cela vous paraît peu, vraiment ? Mais c’est considérable ! C'est la moitié de ceux qui me préféreraient le candidat sortant quand, tel un moine cistercien,  je vis reclus et ignoré dans une hostile province, entouré de fats et d’incapables, gaspillé dans des tâches municipales sans intérêt ni panache !  Alors que Rikiki-fait-tout est partout décrié et haï, qu’il pète les plombs et perd les pédales, je puis encore compter, moi, sur les feux de la rampe diplomatique pour me remettre en selle, à la faveur d’un G8 et d’un G20 où je donnerai ma mesure, dont mes concitoyennes et mes concitoyens se souviendront enfin qu’elle n’a rien à envier à celle d’un petit directeur général du FMI, comme on me l’a répété partout en Chine avec des tapis rouges. 

A ce propos, mon bon ami Liu Qui, secrétaire du comité municipal de Beijing, me demandait l’autre jour comment j’allais pouvoir, dans un grand pays comme la France, concilier ma charge communale et de lourdes obligations ministérielles me conduisant sans cesse aux quatre coins du globe, tel un pompier génial. Denise lui a aussitôt expliqué le concept révolutionnaire de maire digital, qu’elle a théorisé de longue date. Au XXIe siècle, une ville peut parfaitement être dirigée à distance, de manière virtuelle, depuis n’importe quel endroit de la planète. Du reste, a-t-on jamais accusé Dieu de n’être pas physiquement présent dans ses églises, même avant l’invention de l’Internet, du BlackBerry et de l’iPhone ? Je sais que mes administrées et mes administrés croient en moi ; pourquoi ne croiraient-ils pas dès lors en ma présence dans le bureau d’un ancien palais épiscopal, autant qu'en celle de Dieu dans le tabernacle de la cathédrale qui lui fait face ? Ils n’ignorent pas que ma parole doive se répandre dans le monde, où ils rayonneront avec elle pour les siècles des siècles. Croyez-moi, s’ils m’ont donné leurs voix en 2008, c’est pour que je les suive où qu'elles m’appellent. Telle Jehanne, il me faut accomplir mon destin, sans craindre mon étoile ni le bûcher. Aussi ai-je rappelé hier à mes adjoints confits un vieux proverbe chinois : « Pars, nous dit-il, car celui qui reste est un demeuré. » Que ceux qui ont des oreilles entendent !

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