"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

jeudi 11 novembre 2010

Grand Jacques ou petit Robert ?


Pitoyable numéro de clowns en ce début de novembre humide dédié aux arts de la scène ! Voilà que mon brouillon cub doux socialiste au visage d’apôtre au nom de gare se laisse embarquer par ma pie revêche dans une aventure épistolaire ridicule, complaisamment relayée par notre quotidien régional ! Agenouillés chacun sur un prie-Dieu devant un fauteuil que je devrais occuper à leur place, ils se font les pieux hagiographes du saint du jour : mon prédécesseur au nom de stade, disparu il y a dix ans en laissant peu de traces. Les ficelles sont très grosses ! Croient-ils vraiment faire oublier à mes administrées et à mes administrés que c’est moi qui reçus naguère de ses mains tremblantes la communauté urbaine et un siège au parlement, au même titre que la mairie de cette ville où des usurpateurs précaires occupent leur ennui à faire le Jacques ?

Nul n’ignore que ces trois sièges ne font qu’un, que diable ! Un pack comme la Sainte Trinité, invendable à la découpe ! De quel droit prétendent-ils m’effacer aujourd’hui d’un coup de gomme, comme s’ils descendaient eux-mêmes directement de la cuisse de ce Jupiter séducteur tombé dans l’oubli ! Vont-ils lui attribuer toutes mes réalisations dans une ville que j’ai trouvée endormie, tel un vieux paquebot rouillant dans les eaux saumâtres d'un port désaffecté ?

Soyons francs : la pommade dont ils barbouillent le portrait de leur saint homme n’a pour objet que de rendre à côté le mien terne et cireux ! Je ne suis pas dupe, mais à qui s’adressent-ils donc ? A une poignée d’électeurs grabataires pourvus d’un reste de mémoire qui, abandonnés dans quelque hospice de la ville, se souviendront peut-être du sourire enjôleur de leur vieux christ sportif perclus de rhumatismes ? Jumeaux de l’Archange Gabriel et d’Alice au Pays des Merveilles, nos joyeux drilles n’en viennent pas moins nous annoncer l’avènement de leur nouvelle société, par l’opération d’un Saint-Esprit dont on comprend qu’ils ne l’ont sûrement pas volé. Pathétiques, au mieux réussiront-ils peut-être à se faire remarquer de leur première secrétaire, fille de qui l’on sait lorgnant sur l’Elysée. Jamais, vivant, je ne leur lâcherai l'hôtel de ville !

Ce qui nous différencie, voyez-vous, c’est que je ne passe pas mon temps, moi, à lire l’avenir dans de vieilles photos d’un autre âge fouettées par un vent glacé de cimetière, dans la cour de l’hôtel de ville ! Mon miroir me rappelle en effet tous les matins que je n’ai plus l’âge du jeune homme de cinquante ans qui, près du portail, sourit en noir et blanc au vieillard tassé dont j’aurai l’âge dans trois lustres. Le temps presse, je n’ai renoncé à rien et sais moi aussi monter les escaliers quatre à quatre ! Un Lion peut en faire des choses en quinze ans quand il est né un 15 août comme Bonaparte ! Je l’avoue : la petite santé politique de Naboléon me gonfle d’espoir ; si je le loue avec ostentation, je n'en prie pas moins discrètement tous les soirs Sainte-Hélène !

Retour de l’île d’Elbe ! Lundi, je serai enfin rétabli dans mes droits de ministre d’État de la République. Quelle joie ! Les salles de rédaction ne bruissent que de cet événement national qui escamote toutes les cérémonies du souvenir ! Après quelques malheureux incidents de parcours, le ciel est bleu et je reprends enfin mon ascension ! Hosanna ! Les plus hauts sommets sortent des nuages ! On comprendra qu’il ne me soit pas permis de divulguer ici le portefeuille régalien qui m’est attribué, Razibus étant un accro des chaises musicales, même à douze mille mètres d’altitude. Je puis néanmoins fournir un indice que les plus avertis de mes lecteurs sauront décrypter sans peine. Disons que je vais occuper le bureau d’un ministre du général de Gaulle qui, à Matignon, succéda en 1972 à mon prédécesseur au nom de stade.

Denise m’assure que, sur les pas de ce militaire jovial,  je pourrais très bien conduire mes Cerises jusques à l’Académie française ; mais ne brûlons pas les étapes, j’ai mieux à faire ! C’est que déjà on me sollicite des quatre coins de la planète pour arbitrer des conflits. L’épouse d’un ancien président des États-Unis insiste pour me rencontrer avant ma nomination. Le pape me sollicite pour inspecter sa garde suisse. Les espoirs de paix renaissent au Proche-Orient. Curieusement, il n’est guère que les Gaulois méridionaux de mon parti, en bisbille électorale dans une tribu de l’agglomération, à se soucier de mon avis comme d’une guigne en hiver ! L’affaire est ennuyeuse mais, à sa manière, elle est un hommage opportun. Je veux dire que le maire sortant de cette bourgade se retrouve… chabanisé. A ses dépens, mon malheureux prédécesseur a enrichi la langue française. Comme eût dit le préfet Poubelle, le dictionnaire des noms communs est une voie noble et sûre vers la postérité, quand  bien des hommes politiques ne laissent derrière eux qu'un nom propre souillé par leur enrichissement personnel !

3 commentaires:

Julie L. a dit…

Dites moi, est-ce que les "juppettes" sont aussi dans le dictionnaire ? Sous deux entrées j'espère : celle de la misogynie et celle de la bagnole !

Georges a dit…

Alors ça y est, Liliane fait les valises ?

Administrée anonyme a dit…

Bravo Grand-Maire, je suis fière de vous ! J'espère que vous tiendrez plus longtemps à la Défense qu'au Développement durable et que vous n'allez pas vous retrouver avec le grade de maréchal délogé !