jeudi 25 novembre 2010
Un Nobel durable ?
Denise prétend que, avant-hier matin, je n’arrêtais pas de battre des paupières en écoutant les questions d’un journaliste basque sur Radio Luxembourg. Mes yeux clignaient à un rythme accéléré qui, à l’en croire, semblait calé sur celui d’un cœur emballé par l’angoisse ou l’émotion, comme d’un élève anxieux face à son examinateur. Vraiment ? Qu’avais-je donc à craindre de cet interrogateur onctueux, bienveillant et complice, ostensiblement ravi de me retrouver enfin aux affaires ? Un ministre de la Défense ne peut-il souffrir tout simplement d’insuffisance lacrymale ? Qu’on m’explique néanmoins comment cela se voit à la radio !
Imagine-t-on le bonheur qu’on ressent à retrouver un ministère, après avoir été spolié ! La joie de voir se tendre à nouveau vers soi les micros, de s’asseoir sur le banc des ministres à l’Assemblée ! De quelle angoisse les auditeurs eussent-ils pu croire dès lors que je souffrisse ? Montré-je jamais de l’agacement quand on m’interroge sur Karachi - « Chiraka » comme on dit curieusement dans les cités ? Ne me suis-je pas engagé à déclassifier toutes les pièces qu’exigera la justice ? Entre moi, la seule commission qu’on me connaisse est celle du grand emprunt, dans un attelage un peu rétro, je le concède, avec mon parpaillot fané de la rose. Qu’on ne compte donc pas sur moi pour perdre mon sang-froid, quoi qu’en disent prétendument mes paupières ! Je n’ai rien vu, rien entendu, jamais eu à connaître de cette vieille affaire ! « Chiraka » ! Qui m'expliquera un jour pourquoi j’attire les juges comme les pauvres la misère ?
Le sang-froid... Certes, il peut lui arriver de bouillir, tant jusqu’au plus haut niveau de l’Etat on est toujours un homme. Le grand président Razibus lui-même en a donné la preuve touchante dans une impro off à Lisbonne, face à des chasseurs en meute aussi exaspérants qu’une nuée d’agasses ! Jamais on ne me verra, moi, mêlé aux chiens de la curée présidentielle ! Je l’ai dit à Radio Luxembourg : « Rikiki est un homme ; tous les hommes sont humains, donc Rikiki est humain ». On ne me fera pas sortir de ce syllogisme ; aristotélicien primaire, je réfute en effet Nietzsche quand il affirme que « l’augmentation de la sagesse se laisse mesurer exactement d’après la diminution de bile ». Soyons francs : un sage ne peut atteindre au sommet de l’État ou de Lisbonne sans être un homme à bile, nonobstant ses maladresses. Désolé Friedrich : le sage est humain, l'humain à des humeurs, donc le sage à des humeurs.
Ceux qui rêvent déjà d’exploiter ce qu’ils nomment le Karachi-gate pour me démissionner du gouvernement en seront pour leurs frais : je suis un ministre d’État durable ! Je n’ai oublié ni ma révélation canadienne de l’environnement ni mon baptême de Grenelle ! Si l’on a beaucoup glosé ici ou là sur ma feuille de route, mon engagement à nettoyer la couche d’ozone présidentielle des émanations toxiques de la rue de Solferino à l’échéance de 2012, on sait moins ma volonté de doter la France d’un armement écologique, notamment par l’expérimentation de bombes, de grenades et d’obus biodégradables, capables en explosant d’ensemencer les terrains d’opération labourés, pour subvenir aux besoins nutritionnels des survivants à l’issue des combats. Mon cabinet m’assure que la Fondation Nobel s’intéresserait de près à ce projet, propre à prolonger l’œuvre d’un mien précurseur inventeur de la dynamite. Sait-on que le nombre de pays pauvres a doublé depuis quarante ans ? Une armée équitable ne saurait se contenter de tuer les indigents pour éradiquer la misère !
Quid de ma bonne ville, me demandera-t-on ? Eh bé ! – ne le répétez pas – je sécherai demain un conseil communautaire, au grand dam de mon brouillon cube ! Mais je serai lundi de corvée de conseil municipal, promis, juré !… A chaque jour suffit sa peine. Comme je crois l’avoir déjà écrit ici, Denise me presse d’innover en passant au conseil digital. J’y réfléchis, convaincu de l’avenir de la démocratie virtuelle, à quoi sont déjà rompus mes administrées et mes administrés dans les quartiers, enthousiasmés par cette forme de concertation moderne. Ils me plébiscitent même, si j’en crois les résultats du sondage que notre quotidien a eu la gentillesse de m’offrir pour célébrer mon sacre national. « Mort, me disait dimanche un prêtre en soutane, ils continueront de voter pour vous. Cela peut durer plus de deux mille ans ! » N’est-ce pas un peu long ? Cinquante me suffiront, pour battre dans le Guiness des records mon prédécesseur au nom de stade.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
2 commentaires:
Chouchou, n'oublie pas de mettre tes gouttes !
Chiraka 78 balais aujourd'hui, non ? Et depuis plus de trois ans, le pauvre homme est toujours logé au centre d'hébergement d'urgence des Hariri, quai Voltaire. Mal exposé, sans soleil, pas terrible, mais enfin, il est à l'abri avec maman ! Souhaitez-lui un bon anniversaire si vous passez par là.
Enregistrer un commentaire