"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

lundi 28 mars 2011

L'alibi


On ne manquera pas de me reprocher de n’avoir pas été suffisamment présent dans cette campagne. Soyons francs : rétrospectivement, je ne suis pas loin moi-même de le penser. Pour couper court aux interprétations malveillantes, ma conscience exige donc que je la décharge dans l’intimité du confessionnal digital qu’est ce blogue. Si je me suis tenu à ce point en retrait, jusqu’à sembler parfois insensible au sort du deuxième canton, c’est tout d’abord par respect du message des Évangiles : jamais je ne céderai à la tentation de la vengeance ou du ressentiment ! N'était ma pudeur légendaire, j’évoquerais volontiers ici une enfance scolaire où déjà, quand on me volait la première place ou ma gomme, une voix intérieure me tançait de ne l’avoir point offerte spontanément à son convoiteur. Sait-on que, dans un tiroir, je garde aussi comme une précieuse relique un vieux t-shirt « Peace & Love » de mes années hippies ? Heureuse époque où une tignasse encore me chatouillait les épaules !

Au-delà de ma nature et de ma foi, j’imputerai aussi la distance que j’ai marquée à la crainte que ma candidate ne se retrouve écrasée par ma présence, jusqu’à donner l’impression de n’être qu’un prête-nom. Ainsi, obnubilé par le risque de la surexposer à ma lumière, l’ai-je sans doute condamnée bien malgré moi ! à la lueur falote de son espoir, dans un canton aux confins de quoi la voirie n’est de surcroît hélas pas toujours parfaitement éclairée. Et puis, eût-on toléré un ministre d’État, fort occupé des affaires du monde, passant de la prestigieuse tribune de l’ONU au micro grésillant d’une arrière-salle cantonale ? Je ne recherche pas à tout prix l’alibi à Tripoli ou ailleurs mais, quand on a comme moi la charge des attaques aériennes d’une coalition internationale, croit-on vraiment qu’on ait le loisir de s’abaisser au pilonnage d’une insignifiante conseillère générale ? Les mélomanes conviendront qu'on n'exécute pas La Pie voleuse aux orgues de Staline !

Osons pour en finir révéler une mienne faiblesse, que je ne pense pas étrangère à la déroute de notre toutou dans la campagne ; je veux parler de ma dévotion à Giovanni di Pietro Bernardone, plus connu sous le nom de saint François d’Assise. Qui est familier de l’hagiographe Thomas de Celano ou du peintre Giotto aura compris que je me réclame du « sermon aux oiseaux ». Si j’ai pu par le passé souffrir de l’indélicatesse d’une pie chapardeuse, je ne saurais renoncer pour autant à l’espoir de la voir un jour me manger dans la main ou se poser sur mon épaule. Quoi que je prétendisse, on ne me verra donc jamais toucher une seule plume de ces créatures ailées sur quoi mon cher François traça jadis le signe de la Croix (cela dit, tout à fait entre nous, je ne m’opposerais pas à ce qu’on encageât un temps ladite agasse sur L’Ile aux Oiseaux).

Je ne jetterai pas la pierre à qui me reprocherait cette tendresse aviaire, tant l’ingrate Margot a été déloyale dans son combat. Ne se contentant pas en effet de ses habituels coups de bec, elle a lancé l’artillerie lourde sur ma frêle candidate : ses chars, ses avions de chasse, ses sarcasmes, ses scuds, son blogue, ses missiles, ses injures, sa bile, ses bazookas, que sais-je encore ! Pas une porte du canton qui n’ait été forcée par ses milices à l’heure de la soupe ou du laitier ! Pas un abonné au téléphone qui n’ait reçu menaces et injonctions ! Dans ces conditions extrêmes, soyons donc fiers de nos partisans qui à mains nues, au péril de leur vie, sans autre soutien que leur courage, ont osé défier le bolchevisme dans les urnes ! Ne tient-il pas en vérité du miracle que, face à une telle canonnade et à une telle mitraille, il ne nous ait manqué hier soir à vingt heures que quarante-cinq voix pour mettre une plumée à cette volaille !

« Quarante-cinq électeurs ! Est-ce vraiment impossible de débusquer ces traîtres pour les tondre ou les traîner en justice ? », me demandait hier soir une adjointe de quartier déconfite. Non, j’ai d’autres plans : le formidable succès, vendredi, de la signature à deux mains d’un bestseller en librairie m’incite à poursuivre une idylle salutaire avec mon vieux parpaillot d'emprunt, qui me sert de caution à bâbord. La mort clinique de Razibus ayant en effet été claironnée hier soir à la cantonale, je suis discrètement devenu le candidat naturel de mon parti à la présidentielle ; j’y affronterai volontiers le directeur général du FMI, retour de Washington. Ce socialiste "respectable" séduit à droite, me dit-on : et alors ? cela fait mon affaire ! Le soutien affiché de l’ancien patron du PSU me fera élire à gauche, voilà tout ! Croyez-moi, le socialisme est l’avenir de l’homme politique, bien plus que la femme d'Aragon !

1 commentaire:

Eric (Lille) a dit…

J'ai vu votre séance de signatures avec Rocard dans le Petit Journal de Canal+ du 29 mars, c'est fendard ! Vous attirez les petites vieilles dites donc, et vous êtes pas très sympa avec elles ! Un peu coincé, non ? Vous êtes pas du genre préliminaires hein ! Si vous faites tout à cette vitesse là...

http://www.canalplus.fr/c-divertissement/pid3351-c-le-petit-journal.html