"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

vendredi 22 avril 2011

Il segreto


Incroyable ! La presse ignorerait-elle que, dans l’intimité, la prima donna appelle l’actuel élu de son cœur « Pulcino », c’est-à-dire « Poussin » ? L’un des événements politiques marquants de la semaine le donne hélas à penser… Un seul journaliste eût-il en effet été au parfum qu’ils ne se fussent pas tous précipités comme des goinfres, sans la savourer, sur une mienne évocation de la présidentielle ! Tel le sage du proverbe chinois, serais-je donc condamné à ce que mon doigt cachât irrémédiablement la lune aux imbéciles ? C’est à désespérer !

De quoi s’agit-il ? Pesant mes mots dans une de ces formules ramassées qui ont fait ma réputation à travers le monde, j’ai feint d’annoncer que Rikiki se représenterait évidemment en 2012, glissant au passage qu’il s’agissait d’un « secret de polichinelle ». Si mon propos a fait le tour du monde en quatre-vingt secondes à la manière d’un buzz qui aurait laissé pantois Jules Verne, personne ne semble avoir compris que, par cette image d'une rare impertinence, je m’offrais surtout le plaisir de traiter publiquement Razibus de Polichinelle, à la façon de son double – je veux dire sa moitié : Pulcino Pulcinello  ? ne nous renvoit-il pas clairement à Pulcinella, le Polichinelle menteur et ridicule de la commedia dell’arte ? En clair à un  bouffon, un charlot, un guignol !

Eh bien, par je ne sais quelle dérive sémantique, l’agrégé de lettres amoureux de Venise s’est retrouvé dans la peau d’un professeur principal de lycée, annonçant en conseil de classe que le pitre Razibus allait redoubler son quinquennat, n’ayant pas obtenu la moyenne ! Qui mieux est, tout le monde a compris que j’allais « faire du soutien » à ce turbulent polichinelle, comme si un nouveau lustre à l’Elysée suffirait à le mettre à niveau ! Quelle bêtise ! Soyons francs : m’imagine-t-on vraiment en clown blanc de cet auguste qui se prend constamment les pieds dans les tapis, rate tout ce qu’il entreprend, triche, se couvre sans cesse de ridicule ?  Un redoublement ne servirait à rien : il faut le réorienter !

« Monsieur le ministre d’État, je vous assure que le président a toujours la faveur des anciens au fin fond de nos campagnes », m’assurait l’autre jour avec urbanité un vieil élu rural. La belle affaire ! De quoi croyez-vous donc que la France puisse accoucher avec ce genre de Polichinelle dans le terroir ?! En vérité, si je soutiens cette marionnette ne tenant plus qu’à un fil, c’est comme la corde le pendu ! Le comble, c’est que je dois demeurer fidèle et loyal pour éviter qu’il ne décroche dans les urnes ! Lui serrer trop le kiki serait en effet m’exposer à ce qu’il me tirât plus encore vers le bas, tant les lois de la physique échappent à l'entendement comme au législateur. Et puis, si par miracle notre petit Hun survivait au scrutin, ne pourrais-je point faire encore un excellent Premier ministre ? « Faute de grives, on mange des merles ! », comme aimait à dire ma grand-mère.

Je sais que les Françaises et les Français comprennent la délicatesse de ma situation, même s’ils ont la pudeur de le taire dans les sondages. Ils souffrent de me voir enlisé entre un petit clown, au demeurant sympathique, et un terrible bouffon sanguinaire qui, sourd à mes incantations, me résiste avec morgue dans le désert. « Ce monde, écrivait Voltaire dans quelque correspondance, est une grande foire où chaque polichinelle cherche à s’attirer la foule. » Il n’avait pas tort. Pour y parvenir, certains savent se mêler au peuple, le haranguer, l’embobiner, emprunter son langage ; d’autres, moins bavards, plus ombrageux, préfèrent laisser parler les canons à leur place. D’autres encore choisissent des tribunes internationales prestigieuses où faire de grands discours, assurés que la foule finira par les lire un jour dans ses livres d’histoire. Tous croient tirer les ficelles mais, au fond, il n’y a pas de secret : quand bien même elle doit y laisser des plumes, du sang et des larmes, c’est toujours la foule qui un beau jour a le dernier mot. Tout compte fait, ne vaudrait-il pas mieux que, quoi qu'il leur en coûte, nos polichinelles lui construisissent plutôt des stades ?

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