"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

jeudi 23 juin 2011

L'éclaireur


Quelles nouvelles vous bailler en cette semaine un peu morne, où je n'ai mis le nez dehors que lundi pour me rendre à Luxembourg ? Non, non, pas à Radio Luxembourg pour me dégourdir les jambes, mais bien dans la capitale du Grand-duché où m’appelait un Conseil des Affaires étrangères. Pas de quoi fouetter un chat ou sortir mes bas de contention de l’armoire, vous en conviendrez ! A vrai dire, ce surplace fut plutôt une aubaine car, entre le fleuve et le vin, j’avais sans doute fait un peu trop la bombe au week-end. On aura compris que je n’évoque pas là les opérations tripolitaines de nos vaillants soldats mais bien les bacchanales municipales du solstice, dans quoi j’ai dû feindre le plaisir avec mes administrées et mes administrés. Une escapade forcée qui a contraint mon homologue allemand à me rejoindre dans cette ennuyeuse province, pour y survoler avec moi, un verre de cidre à la main en lieu de bière, les pauvres affaires de l’Europe et du monde.

Puisque César ne venait pas à eux en cette semaine casanière, certains grands de la planète sont venus eux-mêmes à César. Aussi, après avoir vu défiler mes homologues québécois et polonais, un ancien Premier ministre israélien désormais en position de défense et ce bon vieux Poutine, n’ai pas eu mardi soir le courage d’affronter la nuit parisienne pour y fêter enfin la musique, comme promis de longue date à Denise ! Nous avons donc passé la soirée en amoureux sur le canapé, à faire tourner un vieux vinyle de Guy Béart avec le pot de tisane. « Ah ! Quelle journée ! », y chantait le barde pompidolien, comme par clin d’œil à ma lassitude.

A une heure du matin, avons finalement marché bras dessus bras dessous jusqu’au quai Malaquais, en nous fredonnant comme des adolescents les jolies paroles de Marcel Aymé. Alors que notre reflet dansait sur l'onde de la Seine, me suis dit que dragons ou avocats à pieds plats, nombre de dirigeants de la planète n’ont bien souvent rien à se dire, mais ne s’en déplacent pas moins pour en parler. C’est sans doute pourquoi, fatigués, certains préfèrent courir les femmes nues qui traversent les passages cloutés pour aller s’acheter des gants. Il arrive hélas que ceux d’entre eux qui échappent à Aymé, à Magritte ou à Delvaux soient rattrapés par la police, la justice et la presse de caniveau.

A ce propos, joie d’apprendre hier dans les journaux qu’au moins on parle de moi jusqu’à Damas où, fort aimable, mon homologue syrien me prête à soixante-cinq ans des « illusions colonialistes » ! Aurait-il lu Balzac ? Ou bien été visité par ce Dumas cynophobe qui écrit aussi des livres, secoureur impénitent des dictateurs en perdition ? Si tel est le cas, on n’aura pas manqué de lui vanter mes nerfs d’acier : voilà pourquoi sans doute d’humeur mesquine, il me damasquine et me taquine… J’en ai vu d’autres ! Ce qui m’importe, comme je le démontre en Libye, c’est de sauver des vies humaines, quoi qu’il leur en coûte ! Et puis, soyons francs : accuse-t-on de colonialisme un ministre d’État dont le pays, berceau des Droits de l’Homme, a donné jadis son indépendance à la Syrie ? Non, comme je l’ai dit à Alger, la date de péremption est dépassée : au diable la repentance !

Je veux bien, mon cher Walid, mettre vos « baassesses » partisanes sur le compte du dépit, mais vous sais trop avisé pour croire un seul instant que vous ne me reconnaissiez « aucune influence » dans votre pays, sa région ou le reste du monde. Sincèrement, n’avez-vous point vibré comme tout le monde en buvant mes paroles à l’ONU ? Venez me voir dans ma ville quand ce malheureux différend sera derrière nous : je vous y ferai découvrir les canons de la concertation et de la démocratie participative, qui imposent en toute circonstance l’écoute et le respect des citoyennes et des citoyens, si chers à ma dame de pique ! Vous y verrez aussi comment on anesthésie jusqu’aux plus rétifs avec des fêtes à répétition, des feux d’artifice et quelques verres de vin, sans armes lourdes ni chars ! D’ici là, Cher Collègue, un conseil amical : conjurez l’ophtalmologue qui vous gouverne de retrouver les yeux de la sagesse, plutôt que d’arracher dans des salles de torture ceux des Syriennes et des Syriens, innocents coupables implorant Allah de faire tomber du Ciel comme en Libye mon éblouissante lumière ! 

P.S. « Tout se tient, remarque Denise. Tu as commencé par RTL et finis avec la grosse tête : Bouvard a trouvé son Pécuchet ! » Si l’on veut, mais que Flaubert vient-il faire dans cette galère ? A ce propos, penser à relire son vaudeville titré « Le candidat »...

1 commentaire:

Vieux scout a dit…

Éclaireur de France ou du monde ? Grâce à toi, le XXIe siècle sera celui des Lumières ! Ce qui ne veut pas dire que pour le fauteuil Voltaire à l'Elysée, c'est gagné !