"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

dimanche 18 décembre 2011

Le triple P de none


Au sortir de none il y a quelques jours, échange inspiré avec un bon père jésuite qui m’a pris en affection. S’il n’ignore pas que Dieu répugne à tout truchement entre Lui et ma personne, je sens à chaque rencontre que ce vieux prêtre n’est pas pour autant résigné à laisser ma conscience sans direction spirituelle, en des temps où les agences de notation vont de l’avent pour disputer au Seigneur l’exclusivité du Jugement dernier, au nom de la sacro-sainte concurrence libre et non faussée. Alors que je me relevais difficultueusement d’un prie-Dieu pour soulager mes articulations, le compagnon de Jésus m’interpella d’une voix douce en ces termes : « Mon fils, quelles que soient les dégradations à quoi vous expose le Malin, demeurez en toute circonstance fidèle au triple P de votre baptême ! » Balayant l’air d’un ample signe de croix en direction de mon visage, il précisa avec un sourire en coin : « Pensée, prière et pardon ! », à la manière d’un médecin qui, plutôt que de me prescrire des potions inutiles, m’eût rappelé la règle d’or d’une vie saine pour la carcasse humaine.

Bien qu’au fil du temps je ressentisse de plus en plus intensément en moi la présence continuelle de Dieu, mon cœur fut touché par la plosive harmonie de ces trois P discrets dans le recueillement matinal de la petite chapelle : en conférant à ma devise une odeur de sainteté, le bon père montrait sa faculté de lire en moi comme dans le Livre. Oui, retenu dans la capitale, je demeure intensément par la pensée auprès de mes administrées et de mes administrés, tout particulièrement avec celles et ceux d'entre eux qui sont en souffrance. Mes pensées vont ainsi à l’homme de la rue qui meurt de soif ou de froid pendant que sa femme accouche dans le caniveau. Je suis évidemment avec les sans-papiers pour envelopper par la pensée leurs cadeaux de Noël. Et bien sûr je souffre par la pensée avec les sans-abri libyens dont la maison a été bombardée, la femme violée et les enfants tués pour les libérer du tyran sanguinaire !

Si d’aventure ils fréquentent ce blogue, qu’ils sachent et répètent tous et toutes alentour que Denise et moi les accompagnons aussi par la prière. Dieu m’est en effet témoin que je prie régulièrement Benoît-Joseph Labre, saint patron des sans-abri, des pauvres et des exclus, saint Sébastien, patron fléché des soldats et des victimes de guerre, et aussi Gianna Beretta Molla, non point libraire mais patronne des victimes d’agression sexuelle et des maires en difficulté – pardon, je veux dire des mères en détresse, et tout le saint-frusquin. Au gré de stations souvent douloureuses, un long chemin de croix politique m’a appris que la pensée et la prière sont souvent plus aptes à soulager la conscience humaine que les arrêtés et les lois, même si elles viennent hélas aussi rarement que ces derniers à bout des malheurs et des turpitudes de notre espèce.

Troisième élément enfin de ma trinité mentale : le pardon. Soyons francs : il n’est pas facile à accorder pour qui tient comme moi le péché en horreur ! Mais tout bon chrétien sait du Père qu’il ne sera lui-même pardonné que s’il pardonne à ceux qui l’ont offensé. Depuis ma plus tendre enfance, la récitation quotidienne du Pater Noster me protège entre autres des péchés d’orgueil et de vengeance, pour l’amour de mon prochain. Et même de ma prochaine, s’il s’agit de la petite femme dépitée qui s’accroche à mon siège de l’Assemblée, en totale infraction aux Dix Commandements du Livre, au motif fallacieux qu’on ne saurait interdire à une pie de voler. Mon pardon, mes pensées et mes prières lui sont en effet acquis, je l'assure, si elle fait acte de contrition et s’engage à renoncer l'an prochain au fruit à maire de son larcin.

Mais Dieu, que ce triple P de none a pris une résonance particulière jeudi dans mon cœur ! Pensée, prière et pardon ont submergé d’un coup mon âme quand une terrible dépêche a annoncé, tel un glas, la condamnation de l’ancien président de la République à deux ans de prison, avec sursis ! Quelle douleur que ce jugement ! Quelle tristesse ! Quelle injustice ! Quelle cruauté aussi que cette photo d'archives en noir et blanc qui me montre assis à la gauche du père en politique, exhibé non comme un fils mais en joyeux complice ! Je pardonne bien sûr à cette presse ingrate comme j’ai pardonné il y a longtemps aux juges, mes pensées et mes prières étant tendues aujourd’hui vers le grand homme dont je fus l'adjoint puis le plus brillant Premier ministre. Au nom de ma foi et de mon affection, je demande aux chrétiennes et aux chrétiens d’accorder ici et maintenant à cet homme blessé et malade le pardon qu’ils ne m'ont pas marchandé naguère en pareille circonstance ! Qu’ils l’offrent aussi à ses juges qui, pressés par leur soif de vengeance, n’ont pas même pris la précaution de demander aux médecins l'échéance du divin sursis accordé ici-bas à l’illustre condamné ! Puisse la justice de Dieu priver pour l’éternité celle des hommes de l’exécution d’une trop longue peine, fût-elle aussi fictive que les emplois qui l'ont motivée ! Jésus lui-même après tout, bien que Saint d’Esprit, n’est pas resté cloué deux ans en sursis sur sa Croix !

1 commentaire:

Un pauvre de chez pauvre a dit…

Votre triple P, là, m'sieur Youpi, vous croyez pas que c'est plutôt Pauvres, Poubelles et Privilégiés ? Ca sent pas l'hostie comme vous et votre curé au nom de gâteau là que je peux même pas m'en acheter, mais c'est ça la vraie vérité qu'elle est déjà dégradée ! Vos poubelles elles dégueulent et nous hé bé on bouffe leur vomi, c'est comme ça. Joyeux Noël hein!