"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

samedi 24 décembre 2011

Poubelle la vie !


En cette période de l’Avent où se rappelle à moi chaque année le message social de l’Église, j’ai ressenti hier soir une profonde compassion à la lecture du commentaire d’un pauvre anonyme à mon dernier billet. Dans le style qui est le sien, il revisite le triple P que j’évoquais la semaine dernière, avec la force d’une détonation franche et populaire à quoi j’avoue n’être pas insensible. Loin des turquitudes de l’actualité nationale et internationale, qu’il me permette donc de poursuivre ici en cette veille de Nativité – une fois n’est pas coutume – le dialogue qu’il a bien voulu entamer avec moi depuis sa caravane ou, s'il en a été chassé, son centre d’hébergement d’urgence.

Pour ne pas en altérer la poésie ou en trahir la respiration, vous ne m’en voudrez pas, Cher Ami, de citer in extenso votre poignant message : « Votre triple P, là, m'sieur Youpi, vous croyez pas que c'est plutôt Pauvres, Poubelles et Privilégiés ? Ca sent pas l'hostie comme vous et votre curé au nom de gâteau là que je peux même pas m'en acheter, mais c'est ça la vraie vérité qu'elle est déjà dégradée ! Vos poubelles elles dégueulent et nous hé bé on bouffe leur vomi, c'est comme ça. Joyeux Noël hein ! » Mon premier mouvement, l’avouerai-je, monsieur, a été de vous inviter à ne pas sur-réagir à un propos dont les P semblent vous avoir échappé et la religiosité exaspéré, mais j’ai compris à vous relire la communauté d’esprit qui était au fond la nôtre, dans  une analyse judicieuse des salutaires mutations de notre époque.

Soyons francs : j’ai longtemps tenu pour exhibitionnisme malsain l’étalement de la richesse, n’hésitant pas à démissionner du gouvernement, au prétexte d’un contretemps législatif, quand je n’ai pu supporter davantage ce qu’on nommait à l’époque le bling-blinguisme décomplexé du président Razibus. Ce fut une erreur, je le concède aujourd’hui avec le recul de l’expérience et une pratique assidue de l’examen de conscience. Au nom de quoi, en effet, les riches devraient-ils cacher leur richesse en des temps où la misère, qu’on a connue honteuse, n’hésite plus elle-même à s’exhiber sur les trottoirs, sublimée par l'Arte Povera ? L’hypocrisie, voyez-vous, s’est trop longtemps cachée sous les atours de la retenue ;  je reçois comme une révélation le raccourci fulgurant qui réunit dans votre lumineuse trilogie les pauvres et les privilégiés autour de leur  poubelle de Cocagne !

Oui, sans le théoriser, vous avez compris, monsieur, que la poubelle est aujourd’hui au cœur du lien social ! J’irai même jusqu’à affirmer qu’elle rend d’un coup caduque la social-démocratie, en assurant directement la redistribution entre les riches et les pauvres, sans le truchement douteux d’un Etat injuste, endetté et dispendieux. Prenons l’exemple de la ville que vous habitez, qui semble être celle dont je suis le maire virtuel : on dit qu’elle compte 25% d’habitantes et d’habitants au-dessous du seuil de pauvreté, c’est-à-dire (on le remarque moins) 75% de mieux lotis qui déposent plusieurs fois par semaine leur poubelle repue sur le trottoir. Ces « privilégiés », nous apprend une récente enquête, jettent sans y toucher plus de 20 kg de nourriture par an ; mieux encore, 20% de la nourriture servie dans la restauration collective part aux ordures ! Loin d’être du gaspillage, voilà une variante sublime des restos du cœur, en libre-service toute l'année, sans l’humiliation de la mendicité pour le consommateur secondaire, dans les intempéries d’une interminable file d’attente !

Alors réjouissons-nous, mon bien cher frère en Dieu, de la richesse qui s’exhibe et fait la fête, avant de « vomir » dans ses poubelles où vous plongez les bras en plein jour sans vergogne ! Et faisons mieux encore ! Un article lu après dîner m’a en effet convaincu que nous pouvons améliorer la situation, si nous en avons la volonté politique ! La vérité est que, malgré les efforts louables du gouvernement, nous avons encore trop de privilégiés dans ce pays, le point d’équilibre entre la richesse et la pauvreté d’un Etat moderne s’établissant mathématiquement autour de 50%. C'est le niveau que viennent d’atteindre les États-Unis, heureux pays qui continue de montrer la voie au monde développé, dans ce domaine comme dans bien d’autres. Si la France n’atteint pas à son tour rapidement cet équilibre, croyez-moi, nous serons faits comme des rats ! N’eussent été vos trois P égrenés comme un chapelet hier soir dans mes prières, mon pauvre Ami, Dieu m’aurait-il éclairé de sa Lumière ? En vérité, c'est Lui qui vous a tenu la main pour m’adresser Son lumineux commentaire ! Grâce Lui en soit rendue, comme à vous qui fûtes sur Internet mon ange Gabriel !

P.S. Réveillé par les éboueurs, trouvé ce matin au lit un superbe slogan de campagne, envoyé immédiatement en texto à Rikiki : « Poubelle la vie ! ». Je ne comprends pas sa réponse au petit-déjeuner : « Super pour se ramasser ! »

2 commentaires:

alphonse a dit…

Elle en a bien de la chance, de vous avoir, la grande amie de votre Denise! Et tous ses petits camarades, donc!...
Car finalement, où est donc la FRANCE, dans tout ça..?!!!
Recroquevillée dans une Ste Hélène quelconque?..

Car vous faites vraiment la paire vous deux, avec votre Rikiki!
Pour attaquer le grand Turc en pleine déglingue de l'euro!L'un pour pousser les feux et l'autre pour dire que non-mais-le-parlement on-s'en fout...
Mais la vraie paire c'est celle de ces deux-là avec les rois-mages socialistes et les bergers qui gardent leurs moutons...
Heureusement que vous venez de débouler avec vos pauvres à vous dans les échanges de guerres de religions des Louis, Protestant et autres archanges Michèle terrassant du dragon....
Mais personne pour s'arrêter aux crimes du XXème siècle: tout le monde attend, si j'ai bien compris, qu'un algérien fasse l'histoire de la guerre d'Algérie....
Mais personne à gauche pour donner entièrement raison, pour le coup, au grand Turc (bon, les fours mis à part, mais il faut vraiment vous secouer, pour le moment!!)
Et on aurait que des leçon à donner à tous les autres du monde!
Personne pour aller avec les grévistes des aéroports non plus: le travail aux CRS, rien de tel pour rassurer les marchés...
Remarquez, ce n'est pas qu'en France.
En Belgique, par exemple, où l'on continue 50ans après à soutenir des gouverneurs coloniaux couleur locale, on amuse la galerie pendant près de deux ans sans gouverneurs, (on croit que les socialistes mettent le pied dans la porte contre le libéralisme sauvage)puis à la veille des fêtes et malgré une magnifique grève générale, le parlement et le sénat votent nuitamment une urgente réforme des pensions (justifiée aux dires du premier premier gouverner depuis 30 ans, tu parles, par la bébé-boum de 45-50!!)en offrant 2 belles années de pré-pensions légales en moins aux fonds de pensions...(c'est le DrTerrasse qui va retrouver du crédit chez Hollande!)...
Et on fait la fine bouche devant les printemps arabes..!
Ah! certes, le plus beau, c'est celui de BHL en Lybie: un vrai sapin de noël avec de bouboules de brut pour tout le monde...
Continuez bien à prêcher la non sur-génération, Ratiboisé!Cela inspirera peut-être quelques bons coups de frein au pied du sapin, qui le sent de plus en plus fort.

alphonse a dit…

1er 1er gouverneur...wallon francophone depuis 30 ans en Etats-Belgiques-Unis, donc. Elio Di Rupo himself, socialiste de dernière régénérescence. Arrivé en Belgique avec la bébé-boum, contre quelques tonnes de charbon gratos à l'Italie...
Juste retour de l'aristotélisme.
Remarquez, si l'euro s'évanouit,on aura facile: un elio vaudra 10 rupos...Pas sûr que tout le monde ait compris...mais on aura bien besoin d'une bonne nouvelle dernière histoire belge outre-Quiévrain pour la nuit...On y est tellement de moins en moins différenciés...