"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

dimanche 15 mars 2009

L'OTAN des cerises


Au salon du livre, une vieille dame à qui je dédicaçais mon bestseller m’a prédit le succès de Tchekhov et proposé de m’embrasser. J’ai tendu la joue sans penser à mauvais augure, n’ignorant pas que "La Cerisaie", à quoi elle faisait gentiment allusion, fut l’ultime pièce d’Anton Pavlovitch, son testament en quelque sorte. Mes jours ne sont pas menacés par la phtisie, grâce au Ciel, et renoncer aux cerises en hiver ne signifie en rien, croyez-moi, que je renonce jamais à la Cerisaie dont Rikiki de droit est le locataire, bien précaire de surcroît. Soyons francs : je la guigne depuis trop longtemps et je l’aurai ! Non, ce livre n’est pas un testament mais une profession de foi. En 2012, au printemps des cerises, "Les belles auront la folie en tête / Et les amoureux du soleil au cœur !*" Éperdument épris de la France, je lui écris des livres aussi enflammés que naguère mes lettres à Denise. Séduite, elle se donnera à moi, comme a cédé mon épouse, et nous aurons enfin ensemble une jouissance durable. Ah !

Marie-Agnès me rapporte que ma "pipolisation" ferait tordre le nez à quelques notables du Pavé, qui répugnent à mon "déballage impudique" (sic). Ces gens fermés seront toujours en retard sur leur époque, l'unique esprit qu’ils s’accordassent étant celui de leur vin, qui seul pour eux fait loi. Pauvre Montesquieu ! L’intimité d’un homme de ma notoriété et de mes aspirations, voyez-vous, appartient à la France ; je ne ressens aucune honte à me dépouiller aujourd’hui devant elle de mes vêtements publics et de mon linge personnel, pour exhiber mes plaies, décrire les caresses d’une femme digitale, montrer mon lit défait, exposer mes ambitions. Franchement, y a-t-il de nos jours un autre moyen de se placer en orbite présidentielle, quand il suffit d’un clic au premier venu pour mettre la première dame de France à nu sur l’Internet ? Oui, je suis prêt à servir Rikiki le veut, jusques à le remplacer dans les urnes ! Oui, oui, oui ! I
l nous faudra bien finir par rompre avec lui, au nom même de la rupture qu'il érige en principe. On ne peut se soucier de ses concitoyens comme d’une guigne, voyez-vous, sans s’exposer à ce qu’un jour ils vous recrachent les noyaux à la figure. Loyal et fidèle, je serai solidaire de son action, jusques à la rupture finale.

Retour à la littérature. La cerise sur le "gâteux" serait que je le remplaçasse bientôt à l’académie française. Qui connaît en effet Vauquelin de La Fresnaye ? Personne. C’est un poète de la Pléiade - oublié comme le prédécesseur de Mitterrand - auquel on doit ces vers incroyables : "Amour, tais-toi, mais prends ton arc; / Car ma biche belle et sauvage, / Soir et matin, sortant du parc, / Passe toujours par ce passage." Sait-on qu’ils ont inspiré à l’amateur de nobles biches, déchu de l'Elysée, son unique roman, "Le Passage"**? Sa lingère eût-elle publié "Le Repassage", pense-t-on sérieusement que les quarante habits verts en eussent fait une Immortelle ? Il est temps qu’après cette grotesque parenthèse d’opérette, on offre enfin bientôt à Léopold Sédar Senghor un plus digne successeur, véritable écrivain celui-là, enfin devenu président de la République. Marri d’avoir raté son petit "Passage", il est urgent que l'académicien du seizième fauteuil pense sérieusement au grand, sans retour ni consigne de vote, et sans louper cette fois sa sortie. A Dieu !


A propos de fauteuil : alors que la France littéraire me célébrait, que notre quotidien régional me servait la soupe à pleines pages deux jours durant, ma pie voleuse dépitée tenta au week-end de détourner l’attention des gazettes sur le gaz, dont l'abonnement a doublé à feu doux, sans publicité inutile. Mesquine dénonciation pour une augmentation d’à peine quinze euros mensuels ! Il faut raison garder : un abonnement de moins de trois cent cinquante euros par an est honnête et acceptable. L’usurpatrice sait-elle combien nos administrés déboursent pour un abonnement au théâtre ou à l’opéra, où ils ne sont chauffés que quelques jours dans l'année ? Cela dit, ne surtout pas me mettre aux abonnés absents. Voir avec le club des dix que j’ai chargé de la tacler comment la doubler encore sur ce coup-là. Et l’OTAN dans tout ça ? Essayer de savoir par nos taupes si c’est bien le charlot de Carla qui m’a fait livrer ce bocal de guignes. Ou la mia gazza ladra, impénitent merle moqueur.

Aucun commentaire: