"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

jeudi 15 octobre 2009

Le rejeton de présence

Déjeuné lundi au palais, où il a été beaucoup question du fils prodige, entre la poire et le fromage. Très remonté, Razibus n’en était pas moins sur la Défensive. "Comme dirait votre voisin, a-t-il lancé à l’ancien secrétaire général du PSU qui m’accompagnait, vos amis socialistes se foutent du monde !" Pour toute réponse, l’autre a marmonné dans son assiette. Inspiré sans doute par Gepetta, la prima donna qu’on sait fort pieuse, le petit nain a poursuivi, sans chercher à comprendre : "La presse française s’est-elle émue à l’avènement d’Alexandre VI, ce pape Borgia qui était lui-même neveu de pape ? Il n’avait que vingt-cinq ans quand il a été fait archevêque et cardinal, et à vingt-six il était déjà quasiment sous-pape ! Le parti socialiste y a-t-il trouvé à redire ? Non, et pas davantage quand ce pape a fait son propre fils, César, évêque à dix-sept ans et cardinal à dix-huit ! Croit-on vraiment que ce jouvenceau avait terminé son droit canon ? La belle affaire ! Quand on n’a pas le droit, on le prend, voilà tout ! Bien sûr, moi, je ne suis que chanoine honoraire, hein, mais j’honore au mieux à ce titre une tradition ecclésiastique séculaire, en exigeant un rejeton de présence au conseil d’administration de l’Epad. Où est le mal ? Franchement, Laurence Ferrari, ce garçon doit-il être condamné, comme son pauvre frère, à faire du business sous un nom d’emprunt ? » Je précise que la présentatrice du vingt-heures de TF1 n'était pas de nos agapes. Sans doute un tic de langage.


Emprunt… Vaguement assoupi, le vieux candidat à la présidentielle de 69 a sursauté à ce dernier mot : "’bsolument, ’onsieur le ’résident, parlons de cet em… prunt !" Soyons francs : je mourais d’envie de dire son fait à Rikiki-de-droit, mais m’en suis abstenu. Non par lâcheté ou complaisance, comme on m’en accusera, mais par conviction de l’inutilité du combat. Je suis d’autant plus à l’aise que nul n’ignore ma profonde aversion pour toute forme de népotisme, tant il est indigne de la République que les enfants de ses serviteurs bénéficient d’avantages ou de passe-droits, quelle qu’en soit la nature. Tous les Français doivent savoir qu’ils sont logés à la même enseigne, c’est un principe intangible de la démocratie avec quoi je ne transigerai jamais !


Mon agasse chapardeuse, me dit-on, aurait grimpé aux rideaux de l’assemblée nationale sur ce coup-là, en pleine séance de questions au gouvernement ! Des racontars, assurément : notre quotidien régional, qui lui est largement acquis, n’aurait pas manqué de se faire l'écho de ce coup d’éclat, croyez-moi ! Je n’y ai rien lu de tel. Dommage, elle aurait été bien inspirée pourtant. Ni flair, ni intelligence ; la politique est un métier qui s’apprend, comme la médecine. L’âge n’y fait rien : cette excitée ne mérite pas plus sa place que d’autres une prestigieuse présidence d’établissement public. Quoi qu’il en soit, espérons que la pression ne retombera pas ! Serein de nature, je n’ai jamais douté pour ma part que les Français comprissent rapidement à quelles mains crochues ils ont par malheur confié leur destin. Ces mains-là servent non seulement les copains et les coquins à coup de lois iniques, mais aussi les fistons, qui riment avec piston… Les voilà enfin prises dans le sac : ne boudons pas notre joie !


Homme politique durable, reconverti dans l’écocitoyenneté et nimbé d’une lumière naturelle basse énergie, je sens enfin se tourner vers moi avec espoir et insistance les beaux yeux de la France. Après bien des blessures, bien des malentendus, enfin mes compatriotes ne doutent plus que je serai leur respectueux Sauveur. « Eh bien ! mon cher et vieux pays, nous voici donc ensemble, encore une fois, face à une lourde épreuve... » Je m’engage ici à ce que, à partir de 2012, plus jamais les fils de général ne prennent du galon ou des quartiers. N’ayez pas peur ! Napoléon s’était fait empereur, mais jamais le roi de Rome ne fut roi. Ni seulement ministre de la Défense !


En attendant, cette ville où je suis pour l’instant replié est le laboratoire de la République, comme on sait. Denise m’ayant parlé d’un documentaire vu à la télévision sur l’utilisation de la bouse de vache pour la production domestique de gaz chez les paysans chinois, j’ai tout de suite imaginé le profit que nous pourrions tirer des vaches que la municipalité à installées dans ses pâturages périphériques, après en avoir judicieusement recréé la race. Avec le retour du froid, proposons à des pauvres tirés au sort d’en héberger une chez eux pendant l’hiver, de sorte à produire leur énergie. Si l’expérience est probante, nous multiplierons l’espèce pour offrir cette chaleur animale gratuite aux quartiers défavorisés. Et l’odeur, me demanderez-vous ? Mais c’est l’argent qui n’a pas d’odeur, pas la pauvreté !

2 commentaires:

Nicolas S. a dit…

Eh ben dis-donc, Alain, ça se bouscule pas au portillon pour les commentaires, hein ! Ton blog, c'est un peu le grand désert, non ? Pour toi, c'est déjà les grandes traversées, comme qui dirait. Si tu laisses tomber, fais-moi signe...

Ciao !

Alain Youpi a dit…

Je découvre aujourd'hui seulement, par hasard, que "Le Canard Enchaîné" a eu la prémonition de mon titre la veille de la parution de ce billet, la semaine dernière. Une fuite ? Son directeur m'assure, sans me convaincre, que ce n'est pas Denise qui le lui a soufflé. Ne serais-je pas fondé à poursuivre ce journal, puisqu'il m'a précédé ?