"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

jeudi 1 octobre 2009

Tango Papa

Irina Bokova est déjà entrée dans la danse, c’est le moins qu’on puisse dire, et je comprends mieux aujourd’hui l’acharnement de l’UNESCO à faire valser mon pont levant. L’inscription du tango au patrimoine culturel immatériel de l’humanité, vraiment, il fallait le faire ! Ils l'ont fait ! Compte tenu d'une malnutrition croissante de la planète, que n’ont-ils pensé à consacrer plutôt la danse devant le buffet ! Mais non, c’eût été compter sans la scélératesse de ces juges au-dessus des lois, qui s’obstinent à m’humilier, fût-ce par la célébration sournoise d’un enfant naturel de la ville rose, Carlos Gardel ! Curieux hasard… Les Finlandais* s’en réjouissent, m’assure-t-on. Grand bien leur fasse ! Mais voit-on ici notre mère la morale s'envoler en croisade contre cette danse torride, érotique, quasi pornographique, autrement plus dangereuse et subversive, pour notre jeunesse fragile, que d’innocents jeux en ligne ? Que nenni ! L'agasse s’envoie un tango à la buvette de l’Assemblée nationale, où elle propose à ses comparses le classement de ma veste de 2007 au patrimoine "immatériel" de l’humanité ! Et le petit pygmée, vous demandez-vous ? Il est bien trop occupé à sa danse du scalp autour d’un lion à blanche crinière, croyez-moi. Et puis il préfère le patrimoine matériel, comme on sait.


Soyons francs : il serait vain de partir en guerre sur ce coup-là ! Comme toujours en politique, il faut ruser. J’envisage donc de profiter opportunément de mon grand événement médiatico-culturel mondial, ce mois-ci, pour une annonce urbi et orbi depuis la passerelle de Kawamata : la création en 2012 d’un gigantesque spectacle annuel de tango sur le pont levant Carlos-Gardel, la reconversion de notre vieux stade art déco, obsolète pour le football, en plus grande piste de tango du monde, où seront organisés des bals gigantesques et des compétitions planétaires ! Une ancienne caserne de la rive droite sera transformée en musée du bandonéon et autres accessoires de la danse patrimoniale de l’humanité, etc. Allez, une confidence plus intime !... Denise et moi nous sommes inscrits ce matin même à un cours particulier de tango (deux cent quatre-vingt-dix euros par couple les dix leçons, c’est donné !).


A propos de Denise, elle a vu hier soir en ville un film iranien qui l’a enthousiasmée : "A propos d’Elly", du cinéaste Asghar Farhadi. Il s’agit, me dit-elle, d’une poignante allégorie de la société du mensonge qui sévit en Iran, à l’occasion d’un week-end entre amis dans une maison plantée sur une plage de la mer Caspienne. Je ne sais que penser du choix d’une réplique d’Ahmad qu’elle m’a rapportée (il s'agit du jeune homme que les autres veulent fiancer à Elly, si j’ai bien compris). Evoquant sa récente rupture en Allemagne, il cite une maxime de son ex-compagne : "Mieux vaut une fin amère qu’une amertume sans fin." Si c'est là une allusion taquine à mes déboires politiques, je suis bien placé pour savoir que l’une n’empêche pas l’autre. A ceux qui m’accusent de faire trop de cinéma, je réponds que cela ne m’a jamais valu, à moi, un ours d’argent à Berlin !


Qu’évoquer d’autre dans cette queue d’été sans fin ? Voudrait-on que je parlasse de la dernière séance de mon conseil à la mairie ? A quoi bon ! L’échafaud étant au rebut depuis près de trente ans dans ce pays, je ne risque donc pas ma tête à écrire comme Louis XVI : "Rien". Vraiment rien. Non, rien de rien. Une grosse colère d’enfant gâté, un refus de vote, des portes qui claquent. La belle affaire ! Sans doute l’approche de la pleine lune, peut-être des vers... Aucun fondement. Ne s’habitueront-ils jamais, ces socialistes, au fait majoritaire ? Vont-ils bientôt comprendre qu’ils en ont pris pour six ans, sans remise de peine, et se taire ? S’ils veulent jouer à la démocratie, il ont d’autres lieux pour ça. Qu’ils aillent, par exemple, se défouler ce soir dans les urnes de la petite Delors. Grâce à quoi une primaire ouverte désignera bientôt enfin l’homme ou la femme qu’ils enverront contre moi au casse-pipe en 2012. Quel suspense !


Reçu à l’instant un texto de ma fille aînée, preuve que Denise ne sait pas tenir sa langue : "Sans blague Papa, tu kiffes grave le tango ?" A peu près comme toi la langue des ados, mais qu'y puis-je, chère enfant ? Avec ces primaires dans l’air, vois-tu, il faut bien que j’ouvre le bal à droite ! C'est que, si je ne m'y mets pas d'urgence, les Françaises et les Français sont repartis à coup sûr pour cinq ans de danse de Saint-Guy ! Qui peut leur souhaiter ça ? Alors ton père se sacrifie, ma fille, pour que ce siècle en finisse avec ses années folles. En piste Denise, jusqu'à notre dernier tango à Paris !

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* Le tango est leur danse nationale.

1 commentaire:

Bonaparte a dit…

L'affaire se corse. L'UNESCO a aussi inscrit la paghella, antique chant polyphonique de l'Ile de Beauté, au patrimoine immatériel de l'humanité. Tino Rossi est doublement célébré.