"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

vendredi 17 décembre 2010

Guerre et Paix

Ému et honoré de recevoir hier à déjeuner notre bon cardinal à l’hôtel de Brienne, en cette sainte période de l’Avent où j’ai, chaque année, une petite pensée pour le message social de l’Église. Croirez-vous que, du coq à l’âne, entre la poire et le fromage, ma dame de pique s’instilla en douce dans notre conversation amicale, à la manière du diable dont elle procède ! Touché par ma souffrance muette, l’homme de Dieu mit doucement sa main sur la mienne et me demanda avec compassion : « Avez-vous pensé à saint Mathurin, mon fils ? ». Heureux de son effet qu’il pouvait lire dans mon regard incrédule, il ajouta en souriant : « Pour avoir délivré du Malin une fille démoniaque, au IIIe siècle je crois, Mathurin jouissait au Moyen-Âge d’une immense popularité : on l’invoquait pour les fous, les épouses insupportables et autres énergumènes qu’il avait le don de calmer ; je le prierai tantôt pour cette pauvre femme. Si vous en avez la force, adressez-lui vous-même quelques mots pieux au coucher, en vous agenouillant pour vos prières. »

Soyons francs : je n’ai donné aucune assurance au prélat en le reconduisant sur le perron. C’est que, d’instinct, son saint obscur ne m’inspire que méfiance et répulsion ! A force de se frotter pour leur salut aux marâtres dont il se fit le spécialiste,  il y aurait fort à parier en effet que ce Mathurin demeurât aujourd’hui sous leur terrible empire, tel un  malheureux otage frappé du syndrome de Stockholm. A voir la manière dont mon agasse ensorcèle les journalistes, je mettrais ma main au feu de l’enfer que ce saint corvidophile est déjà sous sa coupe ! Qu’il ne compte pas sur moi pour le pèlerinage de Larchant à la Pentecôte ! J’ai mieux à faire.

A ce propos, qu’apprends-je dans notre canard à trois sous et deux points cardinaux, sous la plume indigente d’un homonyme sans odeur de sainteté ? Que mon alliance durable avec le bataillon départemental du Béarnais n’aurait qu’un objectif  quasi obsessionnel : me venger de ma gazza ladra en lui faisant mordre la poussière aux cantonales… La belle affaire ! Ma feuille de route gouvernementale n’est-elle pas de faire la guerre aux socialistes, partout où ils se trouvent ? Pourquoi dès lors titrer perfidement : « Les dessous de l’accord » ? Les dessous ! Prétend-on soulever les jupes de ma candidate du deuxième canton comme de la première Perrette venue ? Il n’y a pas de dessous, monsieur, vous avez ma parole ! Mais un peu de tenue que diable ! Non, c’est le dessus qui m’intéresse : je l’aurai, n’en déplaise à tous les saints Mathurin du paradis et de l’enfer, y compris ceux de mon camp ! Enfin, exorcise-t-on un oiseau de malheur ?! Non monsieur, il faut l’occire ! La chasse est ouverte ! Qu’on me fiche la paix : c’est la guerre !

Je me mets en colère ? Pas du tout, mais les cheveux me dressent à la tête quand des impudents de tout poil se hasardent à contester ma stratégie jusque dans nos rangs ! Croit-on vraiment que je serais aujourd’hui ministre de la Guerre si le président Rikiki n’avait flairé chez moi l’homme à poigne, le génie militaire ? Un génie qu’on m’accorde volontiers, du reste, aux cabinets de la rue Saint-Dominique ; j’en veux pour preuve une récente anecdote, assez édifiante. Fascinés par ma passion pour Tolstoï, que je cite volontiers en toute occasion, des collaborateurs m’ont assuré déceler en moi une façon de Karénine, chrétien droit et intègre mais sympathique,  dénué de sécheresse et d’autosatisfaction à rebours du modèle de Lev Nikolaïevitch.

Sensible à leur admiration, je l’avoue, j’ai cru entendre l'autre jour dans un couloir qu’ils m’avaient même déjà gratifié d’un aimable surnom, comme aime à le faire la jeunesse : « Guerre et Paix ». Un beau programme ma foi, qui comble le ministre et aussi qui l’oblige. Un bémol à cela néanmoins, qui démontre hélas que, fussent-elles sorties de l’ENA ou de Saint-Cyr, nos jeunes élites elles-mêmes ne maîtrisent plus désormais l’orthographe ; phénomène alarmant qui confirme au plus haut niveau de l'État les conclusions tragiques de la dernière enquête PISA. Ainsi ai-je reçu par erreur en copie un courriel qui ne m’était pas destiné. Après que je l’eus tancé sans modération, un chargé de mission y écrivait sans ambages : « Tous aux abris, Guère-Épais a dégoupillé sur le tapis ! » Guère épais ! N’est-ce pas rapetisser tout de même un si gros livre ?

2 commentaires:

Iker Otsoa a dit…

Trêve des confiseurs ou pas, méfiez-vous du ver galant qui se tortille dans n'importe quel terreau pour faire son trou...

Tire-Bouchon a dit…

Youpi, t'as vu le dessin de Urbs ce matin dans Sud Ouest ? Tu crois que c'est encore un coup de Saint-Mathurin ?