"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

samedi 11 décembre 2010

La première circonscription


Touché que H. me fît suivre, à l’hôtel de Brienne, l’invitation d’artistes de ma bonne ville au vernissage de Sur les rails again!, une superbe exposition en l’honneur de mon retour aux affaires de l'État et du monde. Émouvante initiative qui prouve, mieux encore qu’un sondage, l’enthousiasme créatif qu’a déclenché mon entrée au gouvernement de la France ! Oui, poussé par mes administrées et mes administrés, me voilà de nouveau sur les rails, ministre du Train de surcroît, après plus de trois ans à rouiller sur une voie de garage !

Certaines œuvres, me dit-on, sont regroupées sous un titre énigmatique : « Hors du cru » ; référence sournoise, selon Denise, à quelque engagement non tenu de temps plein aux affaires municipales ; on ne veut plus me croire… Hélas, il fallait bien faire contre mauvaise fortune bon cœur ! Avouerai-je que c'est à Normal Sup que j'eus la révélation du Mentir-vrai d’Aragon, comme Claudel celle de Dieu derrière son pilier de Notre-Dame ? J'y suis resté fidèle. Il me plaît donc de voir plutôt dans cet « Hors du cru » une façon élégante d’insinuer que j’aurais quitté vignes et bouchon. Ce n’est pas faux, mais qu’on se rassure : millésimé 2010 excellent cru sous les ors de la République, j’ai retrouvé à Paris les joies de l’étiquette !

A propos de bouchons, je demeure aussi fidèle à notre gazette régionale, militairement servie chaque matin avec le café sur la table basse du salon bleu. J’y trouve aujourd’hui encore la relation de nos embarras de circulation, un tiers des automobilistes s’obstinant paraît-il à bouder nos transports en commun, pourtant plébiscités comme ma personne et toute mon œuvre par la population. Que ces objecteurs sans conscience prennent bien garde : ma patience a des limites ! Au lieu de trams, leur plairait-il que je misse de force à leur disposition des camions bâchés de l’armée ? Si j’envoie la troupe, croyez-moi, leurs 4x4 ne pèseront pas bien lourd sous les chenilles d’un char !

Cela dit, l’actualité internationale me tient pour l’heure occupé à des choses moins futiles, à mille lieues des petits problèmes de la côte ouest de l’Hexagone. Une dépêche m’apprend ainsi ce matin que la ministre de l’économie, qui n’a pas comme moi l'onction du suffrage universel, s’apprêterait à briguer un siège extra-métropolitain aux législatives de 2012. La moindre des politesses eût été qu’elle m’en informât avant son coming out ! Non point au nom de l’étiquette – faut-il rappeler que je suis tout de même le premier ministre d’État  de la République ? –, mais  parce que l’impudente a jeté son dévolu sur mes terres transatlantiques !

Qu’elle dégage, avec tout le respect que je lui dois ! Ayant vécu naguère l’exil de la Belle Province, je ne saurais en effet me soustraire aux Françaises et aux Français d’Amérique du Nord après la réélection de Rikiki-de-droit. J’ai bien réfléchi, ma décision est prise : je serai moi-même candidat dans cette première circonscription de l’étranger, plus prestigieuse et moins problématique que la deuxième de notre petit département, qui n'est décidément plus à ma pointure. Mes amis québécois me pressent depuis des mois ; le président des États-Unis me soutient au grand jour, tout comme l’FMIné des socialistes, chantre sympathique du libéralisme à la française, qui pourrait faire discrètement campagne pour moi à Washington. Yes I can ! Et la grande dame blanche, me direz-vous ? Elle n’aura ma foi qu’à se rabattre sur la huitième circonscription, qui est celle du Vatican. Ce n’est pas rien d’occuper le Saint-Siège au palais Bourbon, et je la vois bien porter mantille !… A mon âge, voyez-vous, avec mon envergure, on devient souvent a soi seul un continent !

A propos de Saint-Siège – si j’en crois une mienne lectrice digitale –, ma dame de pique se lancerait sur son blogue dans la défense des centenaires (espèce en pleine expansion, contrairement au thon  rouge), espérant sans doute ramener leurs suffrages dans les rets de sa petite cantonale. Ainsi d’une rombière de cent cinq ans du nom de Laïcité, dont on célébrait paraît-il hier l’anniversaire dans je ne sais quel hospice. Si j’ai bien compris, cette vieille rongée par l’ostéoporose serait régulièrement bousculée par Razibus dans l’escalier. Connaissant notre dispendieuse agasse, elle est capable d’exiger la prise en charge de cette gâteuse au titre du cinquième risque ! Qui va payer ? Mystère ! Certainement pas l'État qui se serre la ceinture ! Encore moins des assureurs privés pour qui les épaves doivent finir à la casse ! Soyons francs : notre pays n’a plus les moyens de l’acharnement thérapeutique ! Vous m'en voyez fort marri pour cette pauvre vieille de l'autre siècle, mais n'a-t-elle pas fait son temps ? Médecin dans le civil, ma pie revêche serait donc bien avisée d’abréger discrètement ses souffrances, plutôt que de vouloir à tout prix la remettre sur les rails. Please Mag, not again ! Quand Razibus parle de toilettage, il pense évidemment à la toilette des morts. Puissent les cendres de dame Laïcité reposer bientôt au Panthéon !

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