"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

vendredi 28 janvier 2011

Hamlet (2)


 
Soyons francs : à l’aube d’une décennie qui verra notre pays vaincre ou mourir, comment les Françaises et les Français pourraient-ils se satisfaire de l’indignation stérile d’un Stéphane Hessel ou de la Voie étroite d’un Edgar Morin ? La vraie pauvreté qui frappe aujourd’hui de plein fouet la France est autrement plus grave que l’indigence matérielle à quoi s’occupent les bonnes œuvres, en marge de notre vigoureuse action municipale ! C’est l’incroyable misère d’une pensée politique abandonnée à des nonagénaires plumitifs et déplumés. Autant dire à l’agonie et au tombeau !

Quel plus triste miroir notre société peut-elle en effet tendre aux fils et aux filles de France pour penser leur avenir et accomplir leur destin ! Parce je refuse que la politique meure du mépris, de la suffisance, de la morgue, de la bassesse et du mensonge, j’ai convoqué mon vieux compagnon d’emprunt pour lui proposer un livre d’entretiens qui ne pouvait plus être remis à deux mains. De l’avis général, le résultat est un dialogue impressionnant d’élégance et de clarté, de franchise et de respect, de courage et de vérité ; un ouvrage porteur d’espoir, d’enthousiasme et de modernité pour notre jeunesse avide d’écoute, d’amour et d’humanité. Des mots  nobles qui m'obligent en me collant à la peau !

On dit le titre un peu compliqué, façon « Cerises en hiver »… Vraiment ? Je conviens que, marmonné par mon compère socialiste en version audio, il serait carrément incompris des aveugles. Une confidence : ce dernier avait proposé « La politique nous a tuer » en lettres de sang sur la couverture. « C’est que la gauche américaine a toujours aimé le homard à sa sauce », me souffle Denise qui connaît la recette. Proposition inacceptable en tout cas pour qui veut démontrer qu’il est toujours vivant... Mon souhait personnel était que, dès le titre, les lecteurs comprissent la question shakespearienne à la racine d’une réflexion littéraire et philosophique essentielle : mourir de ne pas être, c’est n’avoir pas été. Programmés pour l’Elysée, nous risquons de mourir l’un et l’autre – surtout l’autre – avec le sous-titre indigne de Premier ministre. Hamlet n’est pas loin pour qui sait lire entre les lignes : « To be or not to be des has-been ?! »

Mais venons-en au fond de notre propos. Quand deux hommes la regardent, l’un depuis la rue de Solferino et l’autre de l’hôtel de Brienne, voient-ils différemment la lune, quand bien même ils ne la montrent pas du même doigt ? Évidemment non. Si chacun la ressent à sa manière cependant, au gré de sa sensibilité propre et de son histoire, ils admettent volontiers l'un et l'autre la réalité d'une lunaison commune. La fibre sociale à fleur de peau, le gaulliste modéré peut vibrer de concert avec le social-démocrate de marché couvert ; ils chantent en canon a cappella sans se tirer dessus à boulets rouges. Voilà notre conception de la politique et notre façon de la faire et de la vivre ensemble, l’un à gauche et l’autre à droite, sans intégrisme, dans une fidélité frondeuse à notre église. Croyez-moi, les exemples sont trop nombreux, y compris tout près de nous, de femmes et d’hommes politiques qui, mus par un désir continuel de vengeance, déploient une énergie incroyable à saboter les projets de leurs adversaires, au mépris de l’intérêt général. Les Françaises et les Français s’en émeuvent et s’en offusquent, qui ont placé cette semaine notre livre dans le top 3 des ventes des bibliothèques de gare !

« Pourquoi ce dialogue avec un vieux pour rafraîchir la pensée politique », me demandait hier sans fioritures une jeune pop de Science-po ? La question n’est pas inopportune. Pour faire court, disons que ce fut la volonté de l’éditeur, fasciné par le succès de mon précédent duo médiatique avec le mal-aimé de François Mitterrand, de surcroît suffisamment âgé pour séduire un lectorat de plus en plus gérontophile. Personnellement, j’avais demandé qu’on approchât ma gazza ladra qui, depuis bientôt quatre ans, n’a jamais daigné m’adresser une seule fois la parole, nonobstant ma volonté affichée, maintes fois réitérée, d’échanges réguliers et de collaborations courtoises. Dans ma candeur, je pensais que la plume, qu’elle a me dit-on alerte et vigoureuse, pourrait lui donner l’occasion d’entamer enfin avec moi le dialogue naturel, salutaire et constructif que nos électrices et nos électeurs appellent de leurs vœux. C’est un honneur et un cadeau que j’étais disposé à lui faire ; elle l’a sèchement refusé, préférant en découdre sur le deuxième canton. Au-delà de mon nouveau succès de librairie, quel autre choix me laisse-t-elle dès lors, que d’annoncer pour la énième fois ma candidature à ma propre succession au parlement en 2012, pour continuer d’y dialoguer dans la solitude avec moi-même ?

1 commentaire:

Admiratrice a dit…

La politique telle qu'elle meurt de ne pas être ? Vous avez raison M. Youpi, c'est bien pourquoi je vote toujours pour vous depuis 15 ans. Dans une ville que votre acolyte connaît sûrement moins bien que vous, le maire s'apprête à faire voter une délibération à son conseil municipal pour faire barrage à la cession d'un terrain de la communauté urbaine au conseil général, de sorte à faire capoter un important projet départemental sur la commune, au détriment de ses administrés. Pourriez-vous svp lui donner un coup de fil pour tenter de le ramener sur le droit chemin de l'intérêt général ? D'avance, un grand merci !