"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

samedi 26 novembre 2011

La doublure


Trois jours dans cette ville et je m’y ennuie déjà, comme en villégiature dans un club de vacances où de gentils organisateurs m’imposeraient des animations ridicules ! A ce train, je finirai par passer plus de temps ici qu’à l’époque où j’y croupissais, maire au foyer entouré de mauvaises ondes ! Aux fidèles auditeurs d’Europe n°1 et de Radio Luxembourg, je précise à ce propos que dès potron-minet, jeudi matin, j’étais sur Paris Inter l’hôte prestigieux du 7-9, en direct de notre grand théâtre. En ce lieu dédié à l’opéra, impression d’être à l’antenne un petit rat pris dans une nasse, stupidement exposé aux questions mesquines de journalistes et de spectateurs sans hauteur ni aménité, à peine conscients d’un privilège que leur eussent envié bien des chefs d’État et de gouvernement : s’adresser à la voix de la France !

Il va sans dire que je n’ai pas offert à ces ingrats le plaisir du mépris et de l’agacement que m’inspiraient leurs questions assassines. A ce propos, ne remercierai jamais assez mes parents et mes maîtres de m’avoir enseigné avec succès la maîtrise de soi, le goût du dialogue et le respect d’autrui. Ainsi, interrogé vilement sur les affaires du monde et sans urbanité sur celles de la ville, suis-je passé maître dans l’art de valoriser mes interrogateurs en pointant avec la plus grande délicatesse l’ineptie de leurs interrogations. Un exemple ? Volontiers : quand on se lamente que 20% de la jeunesse se trouve au chômage dans ce pays, je dénonce tout de go l’intolérable prépotence de cette ridicule minorité sur les 80% qui s’épanouissent au travail, dans une indifférence générale !

Denise, qui m’a écouté sur son transistor, s’amuse d’un mien lapsus que je soupçonne de son invention. J’aurais dit que le TGV allait bientôt nous mettre à deux heures de cette ville… La belle affaire ! En quoi mes administrées et mes administrés s’offusqueraient-ils de ce bon sens ? Ai renvoyé l’infâme digitale à la célèbre répartie du héros de Paul Féval : « Si tu ne viens pas à Lagardère, Lagardère ira à toi ». N’est-elle pas allée à lui de son plein gré sans le laisser venir à elle ? Au fond, je n’ai fait que la suivre dans la capitale ! Cela dit, une fois n’est pas coutume, elle a consenti jeudi à m’accompagner dans cette province.

En profitant pour y faire quelques emplettes, elle fut bousculée l’après-midi par une foule en liesse hérissée de micros et de caméras, au sortir d’une librairie où elle venait de me faire dédicacer « Tuer le père » par Amélie Nothomb. Impossible d’identifier le mystérieux « François président » porté par la forêt mouvante de ses fans vociférants, dans le petit film reçu de Denise sur mon iPhone. Bien sûr, pensé tout de suite à mon ami béarnais, pressé tous les cinq ans par la Vierge de s’installer à l’Elysée… Mais non, ma fidèle Bayrouette à deux roues m’eût informé de sa procession. Pourrait-il s’agir alors du Premier ministre, allant lui aussi faire signer à l’écrivaine belge son exemplaire du roman parricide ? Qu’eût fait là cependant ma pie voleuse, dont je suis sûr d’avoir repéré le régé noisette près d’une calvitie brune ? Rien pour m’éclairer dans la revue de presse trouvée hier matin sur mon bureau... Facétieuse, Denise n’aurait-elle pas inventé ce saint François entouré de ses apôtres ?

Bûche de Noël de 250 mètres hier soir, dans une rue commerçante de la ville bientôt sacrifiée au tramway, dont elle apportait les rails de crème et de génoise aux boutiquiers rétifs : les gentils organisateurs rêveraient-ils de mon entrée flamboyante dans Le livre des records ? Ministre d’ État, me voilà en tout cas réduit à couper les bûches comme des rubans… « Vous en reprendrez bien un morceau, monsieur le maire ? » Ah, être Cyrano et pouvoir répondre « Non merci » ! Voix intérieure de ma grand-mère prévenant ma course dans les pins : « Attention mon drôle, tu vas encore prendre une bûche ! » Soyons francs : j’en ai pris depuis sa mort un certain nombre ! Oublié à ce propos qui a dit l’autre jour que j’étais la doublure de Rikiki… Heureuse formule, plus flatteuse que celle de la roue de secours. Pour tout dire, je me sens en effet capable de le doubler, même au poteau ! Mais Denise, rabat-joie, me rappelle l’obstination des sondages, annonciateurs d’une belle veste en 2012. Bien doublée.

3 commentaires:

alphonse a dit…

Amélie....la Nothomb.

Amélie.

Fée de ma forêt voisine..., qui ménerve beaucoup. Mais je ne puis laisser passer cette Nathalie supplémentaire.

Ce qui me fait penser tout de même: attention aux doublures!
Il y a des...réversibles!

Alain Youpi a dit…

Merci, c'est corrigé. Elle s'appelle bien sûr Amélie, comme la petite de la chanson... Rassurez-vous, je n'ai pas confondu la Grand-place et la place Rouge. Mais qui est cette Nathalie, me demande Denise que mon lapsus rend suspicieuse ?

alphonse a dit…

...mais...la vôtre, Excellence française Touzazimuths, celle dont vous affublâtes la pauvre Amélie..!
J'en "ai" une aussi, qui me blâme récurremment de l'avoir conçue au café Pouchkine...qui depuis lors en a fabriqué des milliers, comme des Michèle, ce dont se désolait encore la tendre amie de votre Denise il y a peu en les dénombrant...
Tendre amitié que je n'arrive toujours pas á comprendre, sans toutefois recourrir au culte des morts pour essayer...
(merci pour l'oeuf. tout ordinaire comme des Nathalie, Michèle, ou Marie qui figure même pour des mâles..!
Au fait, avez-vous vu les scènes mémorables dans "Les femmes du 6ème" oú Luchini choisit sa bonne, espagnole, en se faisant servir une oeuf á la coque..?
á conseiller:
http://www.youtube.com/watch?v=ppH4MBsVTKU

...et si c'est une redite...á revoir...sans modération!)

-excuses pour quelqu'accent ñal orienté, mais je vous écris d'Andalousie, avec le clavier ib´re qui perñet tous les fantasmes-